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Le coronavirus pourrait-il assurer un avenir à la planète verte?

La guerre des prix entre l’Arabie saoudite et la Russie ainsi que la baisse de la demande due à la pandémie pourraient transformer à jamais le secteur pétrolier et gazier. Alors que le monde a souligné son 50e Jour de la Terre – le premier à se produire sans grandes manifestations extérieures – plusieurs experts envisagent des problèmes prolongés pour les entreprises pétrolières et espèrent une transition énergétique accélérée.

Les impacts de la pandémie de COVID-19 se font sentir dans le monde entier. L’industrie pétrolière a encaissé un dur coup en raison de l’urgence sanitaire, alors qu’une guerre des prix sans précédent a aussi affaibli le cours du pétrole.

«La COVID-19 et les restrictions imposées à la majeure partie de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale ainsi qu’aux grands centres économiques des pays en développement et les importants impacts sur les transports et la fabrication industrielle ont eu un effet dramatique sur la demande de pétrole et de gaz naturel», explique Ramanan Krishnamoorti, professeur de génie pétrolier à l’Université de Houston, aux États-Unis.

«Selon certaines estimations, la demande mondiale de pétrole brut a chuté de près de 40% par rapport à la norme antérieure à COVID-19. Cette chute de la demande, ainsi que le remplissage de tout le stockage de pétrole brut et de produits raffinés, a conduit à une situation où il n’y a pas de place pour le prochain baril de pétrole brut ou bien que personne ne veut effectivement l’acheter.»

Parallèlement, la Russie et l’Arabie saoudite ont augmenté leur production pour créer une guerre de prix sans merci. Une entente est survenue au début du mois, mais l’impact est resté faible puisque les marchés ont rapidement vu que la diminution de la production serait insuffisante pour régler les problèmes de surproduction.

Au cours des quatre premiers mois de 2020, le prix du pétrole brut a donc chuté. Il est même passé au négatif pendant quelques jours: les pétrolières devaient payer des entreprises simplement pour stocker du pétrole qui ne trouvait pas preneur.

[NDLR: Depuis la parution de cet article, les cours du pétrole ont repris, passant la barre symbolique du 30$ le baril.]

Cette situation «entraînera la fermeture de nombreuses compagnies, de leurs prestataires de services et de leurs sous-traitants. Les personnes qui produisent de l’équipement destiné à l’industrie pétrolière», explique M. Krishnamoorti.

«Le timing est la plus grande inconnue», a-t-il ajouté à propos de la reprise après une crise profonde.

«Si la situation de la COVID-19 qui affecte les États-Unis, l’Europe occidentale et de nombreux grands centres économiques du monde en développement, y compris l’Inde, s’éloigne d’ici la fin du mois de mai 2020, alors, nous prévoyons que l’industrie pétrolière, du moins en termes de prix du pétrole, peut se redresser d’ici la fin de l’année», affirme l’expert.

«Toutefois, si la situation de la COVID-19 perdure jusqu’en octobre 2020, la reprise des cours du pétrole et des opérateurs pourrait prendre beaucoup plus de temps, analyse le professeur. Aux États-Unis, il pourrait y avoir un scénario dans lequel nous verrons l’industrie pétrolière décliner rapidement (comme l’industrie du charbon) et nous verrons l’émergence d’une industrie des énergies renouvelables d’ici 2025.»

«Il est grand temps que les États-Unis élaborent une politique énergétique nationale globale qui aborde la question du changement climatique et qui garantit qu’il existe une voie claire vers une énergie abordable, fiable et durable sans compromettre la sécurité du pays. Cela pourrait être le modèle pour le reste du monde pour développer des stratégies énergétiques globales, en particulier les pays en développement rapide d’Asie et d’Afrique», dit Ramanan Krishnamoorti, professeur de génie pétrolier à l’Université de Houston, États-Unis.

Cependant, selon Niclas Frédéric Poitiers, chercheur à Bruegel, un think tank indépendant, il est possible que les gouvernements jettent par-dessus bord les cibles environnementales afin d’aider la reprise.

«Ce serait une grave erreur, car le changement climatique constitue une énorme menace pour notre avenir. Au contraire, nous devrions utiliser les énormes dépenses visant la relance économique pour orienter notre économie vers un avenir durable, estime M. Poitiers. Les gouvernements doivent aider les entreprises et les travailleurs à traverser cette récession. Une fois que l’économie sera lentement rouverte, nous ne devrions pas subventionner les carburants fossiles, mais plutôt saisir cette opportunité pour moderniser notre économie vers un avenir vert.»

Deux questions pour Mark Agerton, professeur adjoint au département d’économie agricole et des ressources, Université de Californie, Davis aux États-Unis

Parlez-nous des effets de la COVID-19 sur l’industrie pétrolière.

Alors que la COVID-19 se répandait dans le monde, les gouvernements ont exhorté les gens à rester chez eux. Un grand nombre d’entreprises ont fermé leurs portes. Les gens et les entreprises conduisant moins de véhicules, prenant moins l’avion et consommant moins, la demande de pétrole a considérablement chuté.

Simultanément, l’Arabie saoudite et la Russie ont augmenté la quantité de pétrole qu’elles fournissent. Avec beaucoup moins de demandes, nous avons vu le prix du pétrole baisser.

Aux États-Unis, les producteurs réduisent leurs investissements et le pétrole est mis en réserve afin de pouvoir le vendre plus tard lorsque les prix seront plus élevés.

L’industrie pourra-t-elle récupérer?

Oui. À mesure que la crise de la COVID-19 passera, les gens retourneront au travail et les entreprises ouvriront. À mesure que les choses reprendront et que les gens recommenceront à conduire, prendre l’avion, et à consommer davantage, la demande de pétrole augmentera. À un moment donné, l’économie reviendra à la normale, tout comme la quantité de pétrole que nous utilisons. Certains producteurs pourraient fermer leurs portes, mais le pétrole sera toujours là et pourra être extrait une fois que les prix auront suffisamment augmenté pour couvrir les coûts d’extraction.

«Le pétrole entre en concurrence directe avec les véhicules électriques et les véhicules à carburants alternatifs dans le secteur des transports. À l’heure actuelle, les bas prix du pétrole ne permettent pas de justifier l’achat d’un véhicule plus récent et plus écologique. Malheureusement, le ralentissement économique peut également nuire à la capacité de l’industrie et du gouvernement à investir à long terme dans les énergies renouvelables», a dit Mark Agerton.

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