Une caravane de migrant.e.s interpelle les ministres fédéraux à Montréal

Une caravane de migrant.e.s sans statut et leurs allié.e.s s’est arrêtée aux bureaux du premier ministre Justin Trudeau et des ministres Mélanie Joly et Pablo Rodriguez à Montréal le 16 octobre pour exiger un programme de régularisation complet et inclusif pour plus de 500 000 personnes sans-papiers et 1,2 million d’immigrants à statut temporaire au Canada.  

«Nous organisons cette caravane aujourd’hui pour lancer un message de solidarité envers tous les migrants sans statut du Canada et porter leur voix à travers cette action symbolique», a déclaré Safa Chebbi, porte-parole de Solidarité sans frontières devant le bureau de Justin Trudeau dimanche après-midi.

Ce rassemblement a eu lieu dix mois après que le premier ministre Justin Trudeau eut chargé le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, de «poursuivre l’exploration de moyens de régulariser le statut des travailleurs sans-papiers qui contribuent aux communautés canadiennes» le 16 décembre 2021.

Cette demande a été faite à la suite d’une campagne massive menée depuis le début de la pandémie en 2020 par les militant.e.s en faveur d’un «statut pour tous et toutes».

Dignité pour tous

Le Cabinet fédéral choisira dans les mois à venir les critères pour le premier programme de régularisation massive pour les personnes sans-papiers au Canada depuis un demi-siècle. «Une telle démarche peut être historique, si, pour une fois, on ne tourne pas le dos à cette situation», a poursuivi Mme Chebbi.

«Pour le bien de la société et pour des raisons humanitaires, de solidarité et de justice sociale, prenez position contre la xénophobie et faites ce qu’il faut», a exigé du gouvernement Samira Jasmin, consœur de Mme Chebbi.

Nous sommes des êtres humains qui ont le droit de vivre au Canada dans la dignité. Nous avons besoin d’un programme de régularisation maintenant, on ne veut pas être exclus!

Samira Jasmin, porte-parole du réseau Solidarité sans frontières

Solidarité sans frontières déplore la précarité des personnes sans-papiers, qui pourraient se déplacer librement pour occuper les emplois disponibles si on leur accordait un statut de résidence permanente. «Elles vivent et travaillent déjà ici, mais elles ne peuvent pas faire valoir leurs droits ou accéder aux soins de santé de base.»

Participants à la caravane organisée par le réseau Solidarité sans frontières le 16 octobre à Montréal. Photo: Karla Meza/Métro

Accès à la santé et à l’emploi

«C’est devenu très difficile de vivre au Canada depuis que j’ai été déboutée par l’immigration», nous a dit une mère de famille congolaise participant à la caravane, qui préfère garder l’anonymat. «Je suis contrainte d’accepter du travail au noir, mal rémunéré, pour pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants et payer mes factures et mon loyer.»

Sa demande d’asile ayant été refusée il y a quelques années, elle est privée de l’accès aux soins de santé publics. «J’ai des problèmes avec mes yeux et j’ai besoin d’avoir un suivi médical parce que je fais de l’anémie, c’est très pénible», a renchéri la femme établie à Montréal depuis 2016.

Mme Joly, vous vous présentez comme quelqu’un de très humain, nous attendons donc de vous que vous fassiez preuve de votre humanité. Vous êtes en charge des Affaires étrangères, vous savez à quel point le Canada est impliqué dans nos pays.

Samira Jasmin, devant le bureau de la ministre Mélanie Joly à Montréal-Nord

«Je demande au gouvernement de m’accorder le statut de résident permanent pour des raisons humanitaires», nous a dit Brahima, Ivoirien arrivé au Québec en 2019, qui a vu sa demande d’asile être refusée. Jonglant avec des emplois précaires dans une usine de pneus et dans une résidence pour personnes âgées, le père de famille déplore les embûches administratives à l’Immigration, qui poussent les migrant.e.s à statut temporaire à devenir sans-papiers.

«Je vis dans l’angoisse parce que je pourrais me faire expulser à tout moment», a-t-il ajouté.

Continuité du colonialisme

«La précarité des gens sans-papiers et des demandeurs d’asile qui ont fui leur pays d’origine est une continuité des effets du colonialisme. Il faut soutenir ces travailleurs essentiels pour notre économie», a exprimé pour sa part Sohnia Karamat, intervenante du Comité d’action de Parc-Extension (CAPE), organisme voué à la défense des droits des locataires et à la promotion du logement social.

«Beaucoup de familles sans statut s’investissent dans l’éducation de leurs enfants en français pour l’avenir du Québec, nous devons les soutenir», a ajouté la mère de famille sud-asiatique, qui défend les droits fondamentaux.

S’adressant au ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez au dernier arrêt de la caravane, Mme Jasmin s’est exclamée: «Nous sommes ici pour travailler avec vous afin d’établir un nouvel héritage pour que notre société reconnaisse l’égalité de tous. Vous avez été un champion de longue date du multiculturalisme, nous avons besoin de vous, continuez le combat maintenant en soutenant le programme de régularisation.»

Mobilisation à travers le pays

D’autres groupes militants ont livré des messages aux ministres du Cabinet fédéral à travers le Canada simultanément le 16 octobre pour réclamer dès maintenant un statut permanent pour toutes les personnes sans-papiers et à statut temporaire au pays. 

Quelques jours auparavant, le réseau Santé pour tous avait publié une lettre ouverte au nom de près de 1000 travailleurs et travailleuses de la santé à travers le Canada pour réclamer l’octroi de la résidence permanente à tous et toutes.

De 1960 à 2004, le Canada a eu plusieurs programmes de régularisation, le plus important étant le Programme de rectification de statut créé par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau au début des années 1970.

Deux programmes de régularisation ont été lancés pendant la COVID-19, dont le programme spécial pour les demandeurs d’asile travaillant dans le domaine de la santé.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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