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Les logements à Montréal appartiennent de plus en plus au privé, et ça inquiète

Photo: iStock, bakerjarvis

Une récente étude révèle que la progression de conglomérats financiers dans le parc locatif montréalais est beaucoup plus importante que ce qui est communément admis.

Cette première analyse exhaustive de la propriété financiarisée au niveau locatif en Amérique du Nord montre que ces nouveaux types de propriétaires auraient la main mise sur près de 12 % de l’ensemble des unités locatives retrouvées sur l’île de Montréal. Dans les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal, leur concentration spatiale est particulièrement significative, où ce pourcentage augmentent respectivement à 32 % et à 18 %.

Deux groupes de la population seraient particulièrement exposés à la densité spatiale disproportionnée des propriétaires financiarisés sur l’île. Le premier concentre les locataires dont plus la grande partie de leur faible revenu est consacré au paiement de leur loyer. Ce groupe comprend des minorités visibles et la communauté étudiante. Le deuxième est composé de locataires financièrement plus aisés, résidents généralement en condo ou dans de nouvelles constructions, et dont le loyer excède largement le coût moyen.

L’étude met également en exergue une corrélation «positive et significative» entre le pourcentage d’unités dans un secteur de recensement qui est détenu par un propriétaire financiarisé et le pourcentage de locataires qui sont stressés au niveau des coûts associés au logement, qui engloutissent plus de 30 % de leur revenu.

Le logement locatif comme un produit financier

Qui sont ces nouveaux types de propriétaires qui considèrent «le logement comme un produit financier qui a pour objectif de produire un haut retour aux investisseurs»?

«Ce sont des fiducies de placement immobilier, des sociétés d’investissement privé, des gestionnaires d’actifs, des fonds de pension ou encore des fonds de couverture», a énuméré l’auteure principale de l’étude, Cloé St-Hilaire, en conférence de presse jeudi.

Ces conglomérats financiers acquièrent des logements locatifs, souvent à haute densité, qu’ils jugent comme sous-évalués pour les rénover et mieux en augmenter le loyer. L’embourgeoisement des quartiers induit par cette financiarisation est habituellement marqué par des pratiques «agressives».

Parmi les acteurs qui s’incrustent de plus en plus dans le marché locatif montréalais, l’article mentionne, entre autres, la société d’investissement privée torontoise Greyspring, qui a augmenté ses achats de logements à Montréal. Elle prétend vouloir ainsi «repositionner les immeubles avec des rénovations pour rajouter de la valeur aux unités».

Si Greyspring tente de voiler ces véritables motivations en employant «un jargon financiarisé connu», ces intentions demeurent relativement claires selon les tendances observées par la chercheure.

«Ce que ça veut dire en réalité, c’est que leurs acquisitions et leurs rénovations vont mener en général à de plus hauts niveaux de loyer dans leurs unités. On parle ici d’un 4 1/2 au centre-ville à 1800 $ par mois», a-t-elle précisé en conférence de presse ce jeudi.

« Un assemblage inédit de données »

Pour tracer ce portrait, les auteurs de la recherche, Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila et David Wachsmuth, ont dû user de leur ingéniosité étant donné l’opacité des renseignements disponibles sur les propriétaires, leurs entreprises et les actionnaires. En conséquence, ils ont effectué un «assemblage inédit de données», combinant de l’information dénichée par un «raclage Web» ainsi que des données ouvertes.

L’analyse recoupe des informations issues notamment de recensements publics, du rôle d’évaluation foncière de Montréal, du registre des entreprises du Québec et d’annonces du marché locatif privé provenant des plateformes Craigslist et Kijiji.

Bien que le travail de recherche soutenu des chercheurs leur a permis, somme toute, de mettre en lumière l’ampleur du phénomène de financiarisation du logement à Montréal, les auteurs de l’étude ne manquent pas de soulever l’asymétrie flagrante qui prévaut entre l’accès aux renseignements concernant les locataires et ceux relatifs aux propriétaires. Dans le dernier cas, les auteurs soulignent que «l’information exhaustive sur la propriété du logement» se fait très rare en Amérique du Nord, alors qu’il s’agit de données fondamentales pour la planification urbaine des villes.

«Cette étude est l’occasion de réfléchir à la nécessité d’avoir des données accessibles et transparentes pour comprendre le secteur du logement locatif. Des données plus complètes et mises à jour régulièrement permettraient de mieux protéger les locataires et planifier le développement urbain en conséquence», conclut le co-auteur et professeur à l’Université McGill, David Wachsmuth.

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