La publicité dégrade-t-elle l’environnent?
L’exposition répétée à des messages publicitaires alimente la surconsommation. La surconsommation alimente les crises écologiques. Donc, peut-on attribuer une responsabilité directe à la publicité dans les crises écologiques ? Le Détecteur de rumeurs tente de répondre à la question.
« La publicité joue un rôle essentiel dans la production de la demande en inventant de faux “besoins” et en stimulant des habitudes de consommation compulsives, totalement contradictoires avec le maintien de l’équilibre écologique de la planète », soutenaient deux chercheurs français en 2010 dans la revue Écologie et politique.
La surconsommation est d’autant plus pernicieuse qu’elle distille des notions comme le confort, le plaisir immédiat et le matérialisme, lesquelles sont contradictoires avec les impératifs de sobriété, renchérit en 2020 un rapport commandé par le ministère de la Transition écologique et solidaire, en France. La publicité ruinerait, y lit-on, « toute démarche de prise de conscience écologique, car ces messages contredisent les discours de responsabilisation ».
Comment mesurer l’impact de la publicité?
Mais comment attribuer avec certitude des émissions de gaz à effet de serre (GES) à des ventes de produits et services engendrées par la publicité ? Un groupe de réflexion anglais a tenté le coup en s’inspirant de méthodes de calcul employées en finance responsable. Résultat : au Royaume-Uni en 2022, l’industrie de la publicité aurait été à l’origine de l’émission de 208 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) supplémentaires dans l’atmosphère, ce qui équivaut à augmenter d’environ 30 % le bilan carbone de chaque Britannique.
Il est aussi possible de s’attarder à l’effet d’une seule campagne de publicité sur le climat, comme ont tenté de le faire des chercheurs d’un autre organisme anglais. Entre 2014 et 2017, ils ont ainsi calculé que le constructeur d’automobiles Audi avait vendu environ 10 % plus de voitures en Allemagne à la suite d’une vaste offensive publicitaire, ce qui correspond à près de 133 000 voitures de plus sur la route. Les scientifiques ont ensuite multiplié ce nombre par l’empreinte carbone moyenne d’une auto typique de cette marque, pour aboutir à 5 millions de tonnes de CO2 en surplus.
Virage vers l’écoblanchiment
Les entreprises font face à un dilemme : comment continuer de produire et de générer des profits tout en répondant à la pression qui pèse sur elles d’opérer un virage écologique sans précédent.
En théorie, pour elles, il serait possible d’exercer une grande influence comme acteur social dans la lutte aux changements climatiques, comme s’y attendent d’ailleurs plus des deux tiers des Québécois, selon un sondage publié dans L’état du Québec en 2023. Le problème, c’est que leurs produits générateurs de GES continuent de se vendre très bien. Cette contradiction se traduit depuis plus d’une décennie par davantage d’initiatives d’écoblanchiment, sous la forme par exemple de publicités faussement « vertes » ou de prétentions trompeuses de neutralité carbone.
C’est ce qui a mené des experts mandatés par l’ONU à proposer l’an dernier des balises claires afin de circonscrire ce phénomène, sous la forme d’un mode d’emploi pour évaluer le degré de crédibilité des initiatives de neutralité carbone. Au Canada, on commence d’ailleurs à voir des plaintes être formulées contre des compagnies dont les publicités sur les combustibles fossiles relèveraient de l’écoblanchiment. Au Québec l’automne dernier, le Centre québécois du droit de l’environnement en appelait à un meilleur encadrement légal de « l’écoblanchiment climatique ».
Une partie de l’industrie québécoise de la publicité a entamé une réflexion sur le verdissement de ses pratiques. Depuis l’automne dernier, l’organisme à but non lucratif Masse Critique travaille à offrir aux professionnels du marketing et des communications des solutions concrètes pour adopter des « pratiques régénératrices ». En France, certains plaident pour la régulation de la publicité et des activités de communication commerciale, sous la forme par exemple d’une taxe à 8 % ciblant les dépenses de publicité des grands annonceurs. Et là-bas, vient tout juste d’entrer en vigueur une loi qui interdit aux annonceurs de vanter un produit ou un service comme neutre en carbone sans preuves à l’appui.
Verdict
Les liens entre la publicité et la crise environnementale sont indirects, c’est-à-dire que la publicité contribue à l’accroissement de la consommation qui, elle, entraîne des émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, les moyens et les techniques utilisés pour faire connaître une marque ou une entreprise contribuent bel et bien, en créant des besoins, au réchauffement planétaire, à l’érosion de la biodiversité et à la pollution. Sans ces efforts de marketing, la consommation n’atteindrait pas le même niveau.
Lien vers l’article original
https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/detecteur-rumeurs/2023/02/21/publicite-favorise-degradation-environnement-vrai
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