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Confiance ne rime pas avec finance

Bon nombre de conseillers financiers accompagnent leurs clients pendant des années et témoignent des grands événements qui façonnent leur vie. Tranquillement, une relation de confiance s’établit. Mais sachant que la confiance est le facteur déterminant dans le succès des fraudes financières, jusqu’où doit-elle aller?

Selon une étude conduite par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en 2007, près d’un Canadien sur vingt a déjà été victime de fraude financière. La moitié d’entre eux ont rencontré le fraudeur par l’entremise d’une personne en qui ils avaient confiance. Choisir son conseiller avec soin et procéder aux vérifications de base auprès de l’Autorité des marchés financiers est primordial, mais ne garantit rien. L’investisseur doit rester vigilant.

Comme l’explique Louise Champoux-Paillé, porte-parole du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, il est essentiel de bien comprendre les produits financiers qui nous sont offerts, notamment pour évaluer le travail du conseiller. «Les produits financiers sont de plus en plus complexes, et la plupart des gens ont tendance à surestimer leurs capacités dans le domaine.  En cas de doute, il est préférable de consulter l’AMF. Ne serait-ce que pour vérifier si le produit existe.»

Des victimes se prononcent
Mais dans ce domaine, les précautions ne permettent pas toujours d’échapper au pire. C’est du moins ce que pense Lyne Arcand, victime de Vincent Lacroix. Ce dernier était d’ailleurs enregistré à l’AMF. «Même avant Norbourg, j’étais très prudente et je veillais de près à mes investissements. Je n’aurais rien pu faire pour éviter cette fraude.»

Danielle Manouvrier, flouée par Earl Jones, est du même avis. Pour sa part, M. Jones n’était pas enregistré auprès de l’AMF. Mais la famille Manouvrier traitait avec lui depuis les années 1970, alors que l’organisme mandaté pour encadrer les marchés financiers québécois n’existe que depuis 2004. De plus, M. Jones était devenu un ami de la famille et aucun signe ne trahissait ses véritables intérêts. «Je le questionnais et me renseignais sur les produits qu’il nous proposait. Tout était en règle. Earl Jones a aussi réussi à tromper des hom­mes d’affaires et des conseillers financiers. Comme quoi ça peut vraiment arriver à n’importe qui». À l’instar de Mme Arcand, Danielle Manouvrier n’a plus confiance dans le système financier québécois et gère maintenant son portefeuille en con­séquence.

«Dorénavant, je ne ferai de placements que dans l’immobilier. C’est plus facile à contrôler, et on sait ce qui se passe avec notre argent.»  Sylvain Théberge, de l’AMF, remet toutefois les choses en perspective : «Le secteur financier au Québec est sain à 99,6 %. La plupart des acteurs entretiennent d’excellentes relations avec leurs clients. Malheureusement, le 0,4 % de gens malhonnêtes fait beaucoup de tort à la profession.»

La vie après Earl Jones

Danielle Manouvrier est l’une des quatre victimes d’Earl Jones à avoir récupéré son argent. Les 166 autres n’ont pas eu cette chance, à commencer par sa mère, Denise Octeau-Tesher, qui a perdu près de 80 000 $ aux mains du conseiller financier. Impensable pour cette dame de 73 ans de retourner travailler. «Inutile de vous dire que sa retraite n’a rien à voir avec ce qu’elle avait planifié. Elle n’a plus que sa pension de vieillesse, alors elle vit au compte-gouttes. Pas de luxe, pas de vacances ni de voyage. Au moins, elle n’a pas perdu sa maison. C’est arrivé à d’autres», témoigne Danielle Manouvrier.

Pour Mme Octeau-Tesher comme pour beaucoup d’autres victimes, le seul espoir de se remettre à flot est l’indemnisation. «Plusieurs d’entre elles sont dépendantes des organismes qui donnent des bons pour la nourriture, les médicaments ou l’essence, explique Danielle Manouvrier. Les bons sont distribués à l’occasion de rencontres hebdomadaires où se réunissent les victimes d’Earl Jones pour s’épauler et pour recevoir un soutien psychologique.»

Quelques conseils pour éviter les fraudes

  • Faire un bilan

En tant qu’investisseur, bien se connaître est important. Quels sont mes besoins? Quels sont mes objectifs pour la retraite? Jusqu’à quel point suis-je familier avec les produits financiers qui me sont offerts? Quelles sont mes attentes face à un conseiller financier? Bien cerner ses besoins permettra de savoir quel type de compétences financières on recherche.

  • Prendre le temps de bien choisir son conseiller

On en rencontre au moins deux pour comparer les services offerts. «Prenez le temps de parler avec la per­sonne», conseille Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité des marchés financiers. 

  • Vérifier si le conseiller financier pressenti est inscrit à l’Autorité des marchés financier set se renseigner sur son titre

Selon un sondage mené par Question Retraite, les deux tiers des travailleurs québécois de 25 ans et plus font affaire avec un conseiller pour leur épar­gne et leurs placements. Malgré les scandales financiers, seulement 24 % d’entre eux ont tenté de se renseigner sur leur con­seiller. «Ne pas se rensei­gner sur la personne qui nous offre son aide pour gérer nos finances, c’est dangereux», affirme Sylvain Théberge, de l’AMF.

  • Comprendre les produits offerts

Il faut poser des questions sur le produit financier qu’on vous propose. Pour obtenir plus d’informa­tions ou simplement pour vérifier si le produit existe, consultez l’AMF. «Méfiez-vous lorsqu’on vous promet un rende­ment astronomique ou qu’on vous presse d’acheter un produit exclusif. N’achetez jamais sous pression. Investir son argent est une décision importante qui mérite réflexion», signale Sylvain Théberge. 

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