Un taxi sans conducteur?
La semaine dernière, je vous ai parlé du partage de voitures, l’une des trois tendances qui changeront radicalement le transport au cours des dix prochaines années. Cette semaine, je vous parle des véhicules autonomes. Je terminerai cette courte série avec l’électrification.
Il y a quatre ans, Google a mis en ligne une vidéo de Steve Mahan qui prenait place derrière le volant d’une voiture adaptée par l’entreprise pour se conduire sans humain. On voit ainsi Steve et un ingénieur de Google se rendre à un restaurant de tacos, commander un repas au service au volant et revenir à la maison de Steve. La voiture est 100% autonome.
Le clou? Steve Mahan est 95% aveugle! Il se déplace avec une canne blanche. Il lui est interdit de conduire un véhicule normal.
Pour plusieurs, cette vidéo a rendu réel la possibilité de voir arriver des véhicules sans conducteur sur nos routes. Aussi, de penser qu’un homme aveugle pourrait se déplacer dans son propre véhicule autonome rend la technologie plutôt sympathique. Il y a évidemment un potentiel énorme d’avantages pour la société, mais aussi un potentiel énorme de problèmes. J’y reviendrai.
Avant d’aller plus loin, vous vous demandez peut-être de quel horizon on parle. 2050? 2030? Non. Aujourd’hui! Il existe déjà des véhicules autonomes commercialement disponibles que l’on peut opérer dans des environnements restreints. À titre d’exemple, on peut présentement acheter un tracteur pour labourer les champs, et ce sans conducteur. Pour ce qui est des véhicules personnels qui pourraient se déplacer dans les villes sans personne au volant, plusieurs évoquent le début de la prochaine décennie.
Google, Uber, Tesla, BMW, Ford, Nissan et d’autres investissent des milliards de dollars pour offrir à leurs clients des véhicules autonomes d’ici 2020 ou 2021. Google, qui fut l’un des premiers à lancer un projet en ce sens, a des véhicules expérimentaux sur les routes de la Californie et de l’Arizona depuis 2009 qui ont déjà parcouru 2,4 millions de kilomètres.
Du point de vue technologique, la question est réglée à 99%. Plusieurs autres aspects restent néanmoins à régler: le prix, la mise en marché, l’intérêt (ou la crainte) des consommateurs et la règlementation (par exemple, qui sera responsable si un véhicule sans conducteur entre en collision avec votre véhicule).
Du point de vue environnemental, le véhicule autonome pourrait s’avérer la pire catastrophe du siècle ou le miracle tant attendu. Je m’explique.
L’optimiste en moi imagine qu’avec les véhicules autonomes nous fusionneront les services de location ou de partage de voitures avec ceux de type taxi. Imaginez que lorsque vous avez besoin d’un véhicule, peu importe où vous êtes, au centre-ville de Montréal ou à Chibougamau, vous en commandez un via une application sur votre téléphone intelligent. Celui-ci alerte le véhicule le plus près qui se rend vous cherchez pour vous amener là où vous voulez: au cinéma du quartier ou à New York, à un coût abordable. Vous pourrez évidemment choisir de covoiturer avec d’autres passagers (et réduire ainsi votre facture) ou pas. Enfin, vous pourrez choisir le type de véhicule que vous voulez: un deux places, un quatre places, un huit places, etc.
Ces véhicules pourront se stationner eux mêmes aux endroits désignés en utilisant beaucoup moins d’espace (inutile d’avoir de l’espace entre les voitures pour sortir). D’un point de vue de l’aménagement urbain, cela ouvre des possibilités inouïes. Évidemment, le transport collectif sera encore nécessaire. Et tout comme les trains qui roulent souvent sans conducteur, on teste maintenant, dans plusieurs villes à travers le monde, des autobus sans conducteur. On peut donc penser desservir des quartiers moins denses et doubler ou tripler la fréquence des autobus dans d’autres quartiers et ce, sans augmenter les tarifs.
Imaginez un service d’autobus urbain aux 5 minutes, 24 heures par jour!
Imaginez un service d’autobus interurbain avec le double de départs pour une fraction du prix.
La possession d’un véhicule personnel en milieu urbain et péri-urbain deviendrait inutile. Le nombre de véhicules en ville serait divisé par 10 ou par 20. Les villes seraient redessinées. Les stationnements seraient transformés en parcs. Le nombre de voies pour les voitures serait réduit au profit de trottoirs plus larges, de pistes cyclables et d’espaces publics.
Évidemment, un scénario pessimiste est aussi possible: avec un véhicule autonome personnel, il devient possible d’habiter à 150 km du centre-ville et de venir y travailler à chaque jour puisque le véhicule devient un deuxième bureau ou un centre de divertissement. Ainsi, l’étalement urbain s’accélère. De plus, certains pourraient être tentés d’acheter un troisième ou un quatrième véhicule autonome pour transporter les enfants à l’école et à leurs diverses activités!
Avec le partage et l’électrification, les véhicules autonomes sont l’une des trois tendances qui changeront radicalement le transport au cours des dix prochaines années. Pour le mieux ou pour le pire.
Comme c’est le cas avec l’électrification et le partage, ce sont nos gouvernements qui décideront du scénario qui deviendra l’avenir de nos enfants et la vitesse à laquelle cet avenir se concrétisera par leurs actions… ou leur inaction.
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