Pont Champlain: la population divisée sur l’idée d’un PPP
La population du Grand Montréal est divisée quant à l’idée que le nouveau pont Champlain soit construit grâce à un partenariat public-privé (PPP).
Près de 40% des répondants à un sondage qu’a commandé Métro à la firme Léger Marketing et réalisé entre le 16 et le 23 mai ont indiqué qu’ils n’étaient pas favorables à un PPP. En revanche, 46% des résidents du Grand Montréal qui ont été sondés ont affirmé qu’ils approuvaient ce mode de construction.
Une analyse des coûts doit être réalisée d’ici la fin de 2013 pour aider Ottawa à déterminer si le nouveau pont qui reliera l’île de Montréal à la Rive-Sud sera construit en mode traditionnel ou par le biais d’un PPP. La firme d’experts-conseils qui sera chargée de rédiger cette analyse doit d’ailleurs être choisie ce mois-ci par le gouvernement fédéral.
Lorsqu’il a donné le feu vert à la construction d’un nouveau pont Champlain, le 5 octobre dernier, le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a indiqué qu’il avait «une préférence marquée» pour le PPP. Il a précisé que la nouvelle infrastructure, dont le coût de construction avoisinera les 5 G$, verrait le jour «avec très peu ou pas de coûts pour les contribuables».
Les PPP ont comme avantage d’empêcher tout dépassement de coût dans les grands projets et d’assurer un partage des risques entre le gouvernement et les entreprises privées, s’est évertuée à faire savoir l’ancienne présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, lors de son passage à l’Assemblée nationale. «Les PPP, ça sauve la fraude», a affirmé en octobre dernier celle qui était surnommée la dame de fer au quotidien Le Devoir.
Le professeur titulaire au Département des génies civil, géologique et des mines de l’École Polytechnique de Montréal, Guy Leclerc, croit pour sa part que les PPP favorisent l’innovation et qu’ils assurent une complémentarité des différentes équipes qui œuvrent à un même projet. «Un PPP, ce n’est pas un choix de financement, c’est d’abord choisir une façon de travailler», insiste l’ingénieur.
Le professeur-chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Pierre J. Hamel, croit que les PPP doivent faire l’objet de nuances. Le partage des risques importants n’est pas l’apanage des PPP, selon lui. «Lorsqu’il y a de vrais risques, c’est le donneur d’ouvrage public qui les prend en charge, insiste-t-il. Le plus bel exemple: le pont de la 25.» La contamination plus importante que prévu des sols et les demandes d’aménagement de la Ville de Montréal ont eu pour effet de gonfler de 10% la facture assumée par Québec.
Qui plus est, un PPP n’est pas synonyme d’économie en raison entre autres du financement. Puisque l’entreprise privée n’est pas en mesure d’obtenir un taux d’intérêt aussi bas que le gouvernement, le financement coûte plus cher. «La plus petite municipalité du Québec emprunte à un meilleur taux que la plus grosse des entreprises du monde parce que la plus petite municipalité s’appuie sur le gouvernement du Québec, qui peut lever un impôt», explique le professeur Hamel. Il ajoute qu’un rapport parlementaire de Grande-Bretagne a établi en 2011 qu’un projet réalisé par le biais d’un PPP coûte 80% plus cher.
Par ailleurs, la durée d’un contrat de PPP est très longue. Les deux contractants doivent tenter de prévoir l’avenir pour en avoir pour leur argent, ce qui rend le contrat de PPP plus périlleux qu’un contrat traditionnel. «On ne peut pas tout prévoir parce que 30 ans, c’est long en démon, lance Pierre J. Hamel. Est-ce qu’on sait ce qui va advenir du transport entre les deux rives d’ici 30 ans? Non. Est-ce qu’on sait ce qui va arriver avec le pétrole? Non.»
Et quoi qu’il arrive – si par exemple le nouveau pont Champlain devient la propriété du gouvernement du Québec comme l’envisage Ottawa –, le contrat de PPP demeure. «Un PPP, c’est un mariage où tu ne peux pas divorcer avant 30 ans et où tu ne sais pas qui sera dans ton lit dans cinq ans», résume l’économiste et sociologue.
Qu’est-ce qu’un PPP?
Un partenariat public-privé est défini comme un mode de réalisation qui «implique qu’un organisme public s’associe à une ou à des entreprises du secteur privé avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l’exploitation d’une infrastructure publique comme une route, un hôpital ou une salle de spectacle», indique Infrastructure Québec.