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Les voix de Montréal: le Vieux-Montréal, un carrefour entre l’ancien et le moderne

Photo: Musée McCord
Gene Morrow et Jean-Philippe Warren - Université Concordia

Dans le cadre du 375e anniversaire de la Ville de Montréal, Métro s’est associé avec l’Université Concordia pour vous faire
découvrir des quartiers fascinants à travers leur passé et leur présent. Ce mois-ci: le Vieux-Montréal.

Géographie

  • Le quartier historique du Vieux-Montréal se situe à l’intérieur d’un périmètre qui suit à peu près le tracé des anciennes fortifications. Celles-ci passaient le long de la rue McGill à l’ouest, de la ruelle des Fortifications au nord, de la rue Berri à l’est et de la rue de la Commune au sud. Depuis, le secteur a été agrandi pour inclure la rue des Sœurs-Grises à l’ouest, la rue Saint-Antoine au nord et la rue Saint-Hubert à l’est.
  • Le quartier contient de nombreux attraits touristiques, culturels et historiques, de même que plusieurs édifices publics. Parmi les attractions les plus célèbres, on peut citer l’Hôtel de Ville de Montréal, la Place d’Armes et la Place Jacques-Cartier, le Marché Bonsecours, la Basilique Notre-Dame de Montréal, le Vieux-Port de Montréal, le Centre des sciences, et le Musée Pointe-à-Callière. C’est un lieu de ralliement pour les touristes et pour les citoyens.

Hier

  • Ce qu’on appelle aujourd’hui le Vieux-Montréal est à l’origine de la ville entière, telle que nous la connaissons aujourd‘hui. Au moment de l’arrivée des Européens, le lieu était fréquenté par des groupes iroquoiens qui y venaient pour cultiver, chasser, pêcher et commercer. Dans sa troisième relation, Cartier utilise d’ailleurs le terme Hochelaga pour désigner la région de Montréal (pays d’Hochelaga), un terme qui dériverait soit du mot Osekare signifiant «chaussée des castors», soit du mot Osheaga signifiant «gros rapides».
  • Établie en 1642 sous le nom de Ville-Marie, la bourgade qui deviendra la ville de Montréal est fondée sur la Pointe-à-Callière, à la confluence du fleuve Saint-Laurent et de la Petite rivière (aussi connue sous le nom de rivière Saint-Pierre). Elle est établie au nom de la Société Notre-Dame de Montréal pour la conversion des Sauvages en Nouvelle-France. Le nom même de la société dévoile tout un programme: la conversion des autochtones débute par leur expulsion de leurs terres ancestrales.
  • En 1685, la modeste bourgade regroupe une population qui ne dépasse guère 600 personnes. Les rues Notre-Dame, Saint-Paul, et Saint-Jacques sont les artères principales de l’avant-poste commercial et missionnaire. La religion, comme on le voit, domine le paysage toponymique. En raison des inondations fréquentes du site, c’est au nord la Petite rivière que les Sœurs hospitalières de Montréal construisent le premier hôpital de Montréal, l’Hôtel-Dieu, sous la direction de Jeanne Mance. Sa construction est terminée en 1645.
  • Aux premiers temps de la colonie, la ville est entourée d’une palissade de pieux, en raison des guerres continuelles avec des nations autochtones, particulièrement le peuple iroquois. Après la signature du traité de la Grande Paix, en 1701 (qui met fin aux guerres intermittents entre les nations autochtones et la colonie française) et celle du traité d’Utrecht entre la France et l’Angleterre, en 1713, la colonie commence à consolider ses positions et croître rapidement. En 1717, les palissades de bois entourant la ville sont remplacées par des fortifications de pierre qui, de fait, marqueront les limites de la ville jusqu’à leur démolition, au début du XIXe siècle.
  • La grande majorité des maisons et édifices érigés pendant cette période sont construits en bois, ce qui cause des incidents dévastateurs. Une ordonnance royale émise en 1721 interdit les constructions en bois. Dorénavant, toute construction devra être faite en maçonnerie et en pierre, ce qui a pour conséquence de donner au Vieux-Montréal l’allure qu’il a aujourd’hui.
  • Au moins un incendie se termine de manière joyeuse. En janvier 1819, le feu prend dans un entrepôt de lard et de farine. Étant donné le grand froid, les puits et les pompes manuelles sont inutilisables. Quelqu’un a alors l’idée de lancer une boule de neige en direction du brasier. Aussitôt, son geste est imité par les mille personnes présentes. L’édifice en flamme est bombardé de tout côté par une pluie de boules de neiges. En seulement quelques minutes, l’incendie est éteint par cette attaque improvisée!
  • En 1763, l’Angleterre prend officiellement possession des territoires de la Nouvelle-France. Montréal passe sous contrôle britannique. On commence à démolir les fortifications de la ville en 1804, pour mieux relier les faubourgs à la ville et pour répondre à la croissance rapide de la population.
  • Les tensions entre les habitants demeurent vives. Par exemple, protestant contre l’indemnisation des victimes des Rébellions de 1837 et 1838, des conservateurs anglophones tiennent en 1849 une grande manifestation devant le parlement du Canada, alors situé dans l’ancien Marché Saint-Anne, sur la Place d’Youville. Leur colère se déchaîne et ils vont jusqu’à mettre le feu au bâtiment. Le chef des pompiers, Alfred Perry, compte parmi les personnes arrêtées sous inculpation d’incendie volontaire. À la suite de cet événement dramatique, le parlement déménagera à Ottawa, non sans avoir migré pendant quelques années de ville en ville. Par une ironie dont l’histoire est friande, la première caserne de pompiers à Montréal sera construite en 1903 sur les cendres de l’ancien parlement!

  • Au milieu du XIXe siècle, le Vieux-Montréal commence à se transformer. Il est devenu un centre commercial et industriel. Les grands magasins-entrepôts prennent la place des bureaux et des espaces résidentiels. C’est aussi pendant cette période que les premières grandes banques canadiennes cherchent à démontrer leurs succès en construisant de nouveaux édifices, chacun plus imposant que le précédent, transformant du coup la rue Saint-Jacques en «Wall Street» du Canada.
  • Il y a un siècle, Montréal était une plaque tournante de l’importation et de l’exportation des céréales. En 1923, elle était même le principal port céréalier du monde. Le silo no 2, construit entre 1910 et 1912, haut de 15 étages, était alors le plus haut bâtiment de Montréal. Les multiples silos à grain qui poussaient dans le Vieux-Montréal, notamment dans le bassin Peel, servaient d’inspiration pour des architectes avant-gardistes, incluant Walter Gropius et Le Corbusier. Ce dernier en parle dans son ouvrage Vers une architecture. Mais avec le déclin des activités commerciales du port, la plupart des élévateurs à grains de Montréal furent détruits. Aujourd’hui, seul l’élévateur de grains no 4 est toujours en service. Récemment, la Société du Vieux-Port annonçait un plan pour faire du site du silo no 5 un espace résidentiel et commercial, et ainsi retisser des liens entre la ville, les quais et le fleuve.

Aujourd’hui

  • Au milieu du XXe siècle, le Vieux-Montréal entre dans une période de déclin. L’expansion du port de Montréal vers l’est cause le déménagement de plusieurs entreprises, ce qui provoque en retour l’abandon de maints entrepôts et édifices. Le centre-ville de Montréal, quant à lui, migre plus au nord. C’est désormais sur la rue Saint-Catherine que les Montréalais vont déambuler pour admirer les nouveautés et manger dans les bons restaurants.
  • Par ailleurs, la ville hésite à préserver son patrimoine historique, négligeant de sauvegarder des édifices importants ou laissant construire à l’emporte-pièce. Quand le gouvernement projette, en 1958, la construction d’une autoroute surélevée qui aurait traversé le sud de l’île, au-dessus de la rue de la Commune, des citoyens, menés par l’urbaniste Danel Van Ginkel, protestent et réussissent à faire échouer le projet. Des résidents passionnés souhaitent désormais défendre le patrimoine unique du secteur. Par exemple Eric McLean, un critique musical au Montreal Star et un historien amateur, restaure la maison Louis-Joseph Papineau pour lui redonner son charme ancien. Le gouvernement du Canada acquiert la propriété en 1982, à la condition que McLean puisse continuer de l’occuper jusqu’à son mort, qui survient en 2002.
  • En 1964, la désignation du Vieux-Montréal comme quartier historique signe sa lente renaissance. Le marché Bonsecours et la place Jacques-Cartier sont rénovés à temps pour l’ouverture de l’Expo 67. D’autres édifices historiques subissent une cure de rajeunissement dans les décennies suivantes. La revitalisation du quartier provoque le retour de la population résidentielle. Aujourd’hui, le Vieux-Montréal compte près de 6000 résidents, après un creux à 555 habitants en 1976.
  • Les efforts visant la mise en valeur du patrimoine historique du quartier continuent de nos jours. Par exemple, jusqu’aux années 1990, le Champ-de-Mars était utilisé comme simple espace de stationnement. Maintenant, c’est un espace vert qui sert de point de connexion entre le présent et le passé. Près de 250 mètres des fortifications qui encerclaient le quartier au XVIIIe siècle y sont préservés et présentés au public.

  • Le charme retrouvé du Vieux-Montréal attire des hordes de touristes. Le Vieux-Montréal et les quais du Vieux-Port reçoivent jusqu’à 6,5 millions de visiteurs chaque année. Plus de 55 000 croisiéristes s’arrêtent à la gare maritime. Pas étonnant que le quartier soit devenu une des destinations touristiques les plus courues du Canada. Cette effervescence s’est évidemment traduite par un essor de l’hôtellerie. Alors qu’en 1980, à peu près tous les grands hôtels du Vieux-Montréal avaient disparu, on y retrouve aujourd’hui plus d’une vingtaine d’établissements hauts de gamme, principalement hébergés dans d’anciens bâtiments restaurés. Ouvert en 2001, le St- Paul se vante d’avoir été le premier hôtel design au Canada. On peut aussi découvrir dans le secteur 200 restaurants et près de 40 galeries d’art. Le quartier s’impose désormais comme un acteur économique important, y compris dans les sphères économiques émergentes. C’est 40 000 travailleurs qui assurent jour après jour au Vieux-Montréal son rayonnement et sa vitalité croissante.
  • Un des principaux défis de l’arrondissement est de mieux être rattaché au reste de la métropole. Pour l’instant, le quartier est coupée de la ville par l’horrible balafre de l’autoroute Ville-Marie. Certains considèrent son recouvrement par une nouvelle place publique comme une des dernières étapes dans un processus entamé il y a plus de 50 ans. Ainsi, une fois raccordé à la métropole qui en est issu, le Vieux-Montréal pourrait pleinement jouer son rôle de carrefour entre la cité ancienne et la cité moderne.

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