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Le Plateau: un patrimoine d’idées et de culture

Photo: Bibliothèque et Archives Nationales du Québec
Gene Morrow, Jean-Philippe Warren et Yves Desjardins - Université Concordia

Dans le cadre du 375e anniversaire de la Ville de Montréal, Métro s'est associé avec l’Université Concordia pour vous faire découvrir des quartiers fascinants par leur passé et leur présent. Ce mois-ci: Le Plateau.

Géographie
· Le Plateau est un des quartiers composant l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, lequel inclut aussi les quartiers Mile End et Milton-Parc. L’arrondissement est délimité grosso modo au nord et à l’est par la voie ferrée du Canadien Pacifique (CP), à l’ouest par l’avenue Parc et au sud par la rue Sherbrooke.

· Le Plateau tient son nom de son emplacement géographique. Il occupe en effet une terrasse en hauteur par rapport au Vieux-Montréal. Autrefois, d’ailleurs, on appelait Côte-à-Baron la dénivellation entre les rues Ontario et Sherbrooke, pour bien marquer l’effort qu’il fallait faire pour y parvenir.

Hier

· Le développement progressif de Ville-Marie, au XVIIe siècle, favorise la conversion du Plateau en terres agricoles. En 1714, alors que l’économie de la colonie de la Nouvelle-France repose essentiellement sur le commerce des pelleteries, une première tannerie (celle de Jean-Louis Plessis dit Bélair) est construite à distance de la ville, en bordure d’un ruisseau qui descend du Mont-Royal. L’entreprise s’établit au coin de ce qui est aujourd’hui l’avenue du Mont-Royal et de la rue Henri-Julien. D’autres familles suivent cet exemple et se fixent à proximité afin de travailler à la transformation en cuir des peaux des animaux.

· En 1717, un « grand chemin du Roy » est ouvert pour relier la ville fortifiée à la campagne. C’est l’ancêtre du boulevard Saint-Laurent, connu aussi par son surnom : « la main ». Le boulevard divise Montréal en deux parties, Est et Ouest. Au début du XXe siècle, le Conseil municipal de la Ville de Montréal choisit d’établir la numérotation civique à partir de cette artère, confirmant pour ainsi dire son statut de « méridien de Greenwich » de la métropole.

· Au XIXe siècle, les activités commerciales liées à la tannerie sont supplantées par une nouvelle industrie. On se met à exploiter des carrières qui contiennent des gisements de pierre calcaire de bonne qualité. On y extrait la fameuse pierre grise de Montréal que l’on retrouve autant sur les maisons bourgeoises que sur les édifices publics (l’église Notre-Dame ou le marché Bonsecours). Les ouvriers qui s’activent dans les carrières forment le cœur du Coteau Saint-Louis, créé en 1846, qui est alors familièrement connu sous le nom de « village des pieds-noirs », car les ouvriers des carrières auraient eu l’habitude de se promener pieds nus. Quinze ans plus tard, le territoire du Coteau Saint-Louis est divisé pour créer le village de Saint-Jean-Baptiste, qui occupe un vaste secteur du sud du Plateau actuel. De nombreuses personnes y déménagent afin de profiter d’un environnement résidentiel accessible et paisible, un mouvement qui est accéléré par l’inauguration, en 1864, d’un premier tramway hippomobile sur la rue Saint-Laurent.

· En 1870, un marché public est construit au coin des rues Rachel et Saint-Laurent. Ce marché anime la vie communautaire pendant de longues années. Il est entièrement refait en 1931 dans un style inspiré par le courant Art déco. Cependant, l’ouverture de petits marchés un peu partout et, surtout, l’essor des supermarchés affectent l’achalandage du marché public du Plateau. En 1966, la ville décide de procéder à sa démolition. Son terrain est aujourd’hui occupé par le parc des Amériques.

· Un grand projet est lancé en 1872 afin de construire l’église Saint-Jean-Baptiste au coin des rues Rachel et Henri Julien. Le gouffre financier est tel qu’en 1880, les résidents refusent de payer une cotisation pour éponger les déficits. Le village (devenu ville en 1884) ne peut faire face à ses obligations, ce qui contribue à son incorporation à la ville de Montréal en 1886. Un malheur n’arrivant jamais seul, l’église est consumée par les flammes en 1898. Une nouvelle église est construite sur les cendres de la première et ouvre ses portes en 1903, mais un autre incendie se déclare. C’est donc seulement en 1912 que l’église prend sa forme actuelle.

· Les populations grandissantes des quartiers Saint-Jean-Baptiste et Saint-Louis débordent à l’est et, pour répondre à cet afflux, le village DeLorimier est constitué en 1895 autour de l’église l’Immaculée-Conception, située au coin des rues Papineau et Rachel. En 1901, l’hôtel de ville ouvre ses portes, mais l’édifice perd ses fonctions moins de 10 ans plus tard, en 1909, quand DeLorimier est annexé à la ville de Montréal. Formé à partir des quartiers Saint-Louis, de Saint-Jean-Baptiste, et de DeLorimier, le nord-est du Plateau contemporain est alors entièrement intégré à la ville de Montréal.

· Le parc Lafontaine couvre, au sud du quartier, une superficie d’un peu moins de 100 acres. À l’origine, le terrain est occupé par la ferme Logan. Son propriétaire, James Logan, cède en 1845 sa propriété au gouvernement du Canada qui souhaite l’utiliser comme lieu d’exercices militaires. La ville de Montréal en loue une partie pour créer le parc Logan, en 1874. Des serres provenant du square Viger y sont installées et serviront jusqu’en 1952 à produire les fleurs utilisées pour l’embellissement de la ville. En 1900, on creuse deux grands bassins au centre du parc, à deux niveaux différents et séparés par une cascade. En 1901, à l’occasion de la parade de la Saint-Jean-Baptiste, le parc est rebaptisé parc La Fontaine en l’honneur du premier ministre francophone du Canada-Uni : Louis-Hippolyte La Fontaine. L’endroit est vite devenu un incontournable pour ceux et celles qui veulent lire à l’ombre d’un arbre, se détendre sur l’herbe, faire du jogging l’été ou du patin l’hiver.

Aujourd’hui

· Dès l’entre-deux-guerres, mais surtout dans l’après-guerre, l’augmentation du parc automobile permet aux résidents de quitter les vieux quartiers pour s’établir en banlieue. Le Plateau perd entre 30 % et 40 % de sa population entre 1960 et 1980. La délocalisation des commerces s’accentue au profit des centres d’achats et des grandes surfaces. Le caractère ouvrier du quartier s’accentue.

· Le Plateau s’appauvrit. Il attire désormais principalement des immigrants à la recherche de logements abordables à proximité du centre-ville. Un immigrant portugais confie à ce sujet : « J’ai vécu dans le Plateau parce que c’était la zone portugaise. On pouvait recevoir l’aide de nos voisins portugais ou de notre famille et avoir accès aux services et aux commerces portugais. Cela a beaucoup facilité mon intégration. » À cette époque, plus de 12 000 Portugais vivent dans le secteur. Ils s’installent dans des maisons spacieuses et aménagent les cours-arrières pour planter des fleurs et cultiver des jardins. En 2011, encore fort de cet héritage multiculturel, le tiers de la population du Plateau parle une autre langue que le français à la maison.

· C’est dans un contexte de déclin généralisé que grandissent les témoins qui viendront redéfinir l’identité du quartier dans les années 1970 et 1980. Michel Tremblay, en particulier, va enrichir l’imaginaire des lieux et les remplir d’une faune colorée qui vit toujours dans l’esprit de leurs lecteurs, qu’ils soient anglophones et francophones et qu’ils habitent le Québec ou ailleurs dans le monde. Sur la rue Saint-André, près de l’avenue du Mont-Royal, Gaston Miron écrit plusieurs des poèmes de L’homme rapaillé. Pauline Julien insuffle un peu de fougue et de sa passion au Carré Saint-Louis. Plus près de nous dans le temps, Dany Laferrière écrit Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer au coin des rues Saint-Denis et Cherrier.

· Une jeunesse ouverte et un brin libertaire prend d’assaut les rues bordées de maisons victoriennes à deux étages, dotées de balcons en fer forgé et d’escaliers en colimaçon, afin de leur redonner leur ancien charme. Aujourd’hui, dix mille personnes qui habitent le quartier travaillent dans le milieu des arts, de la culture, des sports et des loisirs. Après Notre-Dame-de-Grâce, c’est l’endroit où l’on retrouve la plus forte proportion de diplômés universitaires.

· Le retour en vogue du Plateau a fait bondir la population, à un tel point qu’aujourd’hui, le Plateau est un des quartiers les plus densément peuplés du Canada, avec plus de 100 000 résidents entassés à l’intérieur d’un périmètre de 8,1 km2. L’attrait du Plateau est particulièrement clair pour les Français qui apprécient son « air européen » : près d’un immigrant français sur trois choisit de s’installer dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

· Les commerces, les petites boutiques, les bars, les théâtres, les cafés et les restaurants recommencent à prospérer. Le Plateau inclut plusieurs rues commerciales importantes, notablement l’avenue Mont-Royal, la rue Rachel, la rue Saint-Denis et le boulevard Saint-Laurent, dont l’offre de bien et de service est réputé. Certains palmarès soutiennent même que Le Plateau est le lieu de Montréal, voire du Canada, où il fait le mieux vivre. La jeune génération semble en être persuadée, puisque la moyenne d’âge du Plateau est de 34 ans, bien en deçà de la moyenne de 41 ans pour l’ensemble du Québec.

· Le Plateau est reconnu de plus en plus comme le quartier « branché » par excellence. Cet engouement n’est pas sans entraîner un certain embourgeoisement. Le prix des loyers a doublé depuis l’an 2000. Près du quart des ménages locataires consacre la moitié de son budget au paiement du loyer. Récemment, une étude américaine concluait que l’embourgeoisement force rarement les propriétaires à quitter leurs quartiers, mais que le phénomène chasse beaucoup plus fréquemment les locataires. En d’autres termes, plus un quartier devient « in », plus les locataires sont « out ». Aujourd’hui, c’est environ le quart du parc immobilier locatif du Plateau qui a été converti en condos.

· La Plateau est depuis très longtemps un endroit politisé et mobilisé, ce qu’incarnent bien des élus comme le maire d’arrondissement Luc Ferrandez ou le député provincial Amir Khadir. Accusé d’être un repère de bobos et de gauchistes, le secteur se voit également loué pour ses initiatives écologistes et avant-gardistes. Laissant peu de gens indifférents, il a réussi à s’imposer comme une des références citadines les plus fortes de l’imaginaire montréalais, comme le rappelle, aux Éditions Ecosociété, le tout nouveau Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal.

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