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Valérie Plante: «Je serai la femme de la situation»

Photo: Archives Métro

Principale adversaire du maire sortant, Denis Coderre, Valérie Plante affirme vouloir miser sur un style tout à fait opposé à celui de l’ex-député libéral, vieux routier de la politique, pour devenir la première mairesse de l’histoire de Montréal. Âgée de 43 ans et élue depuis seulement 4 ans, la chef de Projet Montréal répète, sans cesse, être «inclusive» et «ouverte». Au Sommet Place Ville Marie, avec la métropole sous ses yeux, l’actuelle conseillère de Ville-Marie a clamé vouloir changer «le leadership» de l’hôtel de ville.

En 2013, vous avez battu l’ex-ministre Louise Harel. En 2016, vous n’étiez pas la favorite pour devenir chef de Projet Montréal et, cette année, vous affrontez Denis Coderre. Aimez-vous être dans le rôle de la négligée?
(Elle rit) Quand j’ai une idée dans la tête, je ne l’ai pas dans les pieds, et il n’y a rien qui m’arrête. En 2013, Mme Harel s’est présentée après moi. J’aurais pu décider de laisser tomber, mais non, j’y croyais. Je voulais me lancer en politique, car je voulais apporter quelque chose. C’est ce qui me motive, qui me donne mon énergie. Je n’ai pas choisi d’être la négligée, mais c’est vrai que j’ai toujours été dans cette position.

Vous sentez-vous à laise dans cette position?
Les attentes sont différentes, c’est sûr. Il y a plus de possibilités de surprendre. Comme je suis une jeune politicienne, il y a l’effet de nouveauté, mais il y a aussi un côté négatif, avec des critiques qui peuvent venir rapidement au sujet d’un certain manque d’expérience ou du fait d’être une femme. Il y a des avantages et des inconvénients avec cette posture, mais pour moi, c’est une force. Je n’ai pas le parcours typique d’une personne qui a toujours rêvé de faire de la politique.

Vous navez jamais rêvé dêtre mairesse de Montréal?
Heu, non. Ça n’a jamais fait partie de mes rêves. J’ai toujours senti que je pouvais contribuer à faire avancer les causes que je soutiens. Je suis une personne très déterminée et je suis consciente de mes forces. Mais être mairesse, je l’imagine vraiment très bien. Dès que je me suis lancée dans la course à la chefferie, je savais que c’était l’étape suivante. C’est comme ça que je l’ai abordé avec mon mari et mes enfants. Et quand j’ai pris une décision, je ne recule pas.

En 2013, pourquoi avoir fait le choix de vous lancer en politique?
Je voulais un changement drastique professionnel. J’avais envie d’un grand défi. J’avais acquis beaucoup d’expérience dans mon domaine et dans la gestion d’une équipe. J’avais envie d’emmener ça à un autre niveau et Projet Montréal est arrivé à point. J’avais le sentiment d’être au bon endroit, au bon moment. C’est aussi le cas aujourd’hui.

«J’ai décidé de me lancer en politique avec tout mon bagage dans le milieu communautaire. Je suis vraiment fière de ne pas être une politicienne formatée.» – Valérie Plante, candidate à la mairie de Montréal de Projet Montréal

Lors de la course à la chefferie, plusieurs vous définissaient comme la gauche radicale de Projet Montréal. Quest-ce que ça signifie?
C’est important de parler de ce contexte. Les adversaires essayent de se définir et de se démarquer. Utiliser cette terminologie, c’était clairement pour me mettre dans une boîte, mais je ne fit pas dans une boîte. J’ai des valeurs progressistes, je ne m’en suis jamais cachée et j’en suis très fière. J’aime m’entourer de gens qui ne pensent pas comme moi et qui sont capables de me challenger.

Vous parliez des critiques subies en tant que femme. Avez-vous subi le sexisme en politique?
Oui, mais c’est un sexisme plus sournois, plus latent. On est loin du «retourne à tes chaudrons». On le voit aussi dans la course actuelle, où mon adversaire essaye parfois de vouloir m’associer à d’autres personnes comme si je n’avais pas la capacité de prendre des décisions par moi-même ou d’aller de l’avant parce que je suis une femme. C’est souvent lié à [un commentaire tel] «manque d’expérience», mais en même temps, on ne dirait pas nécessairement la même chose d’un homme.

Vous dîtes que Denis Coderre est sexiste?
Pourquoi je suis allée là (elle rit)! Je pense que ça vaut la peine de voir comment il agit, se positionne, et les commentaires qu’il fait parfois. Mon adversaire a des attitudes qui sont parfois paternalistes.

Durant lété, votre campagne intitulée «Lhomme de la situation» a beaucoup fait parler. Était-ce lobjectif?
On voulait clairement susciter de l’intérêt. Je voulais une campagne audacieuse, qui sort de la boîte. Le plus grand défi, dans cette campagne, c’est la notoriété, surtout contre une personne qui est très connue. On n’avait pas de temps à perdre. Lorsqu’on m’a proposé ce slogan, j’ai moi-même été un peu choquée, puisque je suis dans le mouvement féministe depuis longtemps. Je savais ce que ça ferait.

Et vous êtes toujours féministe?
Définitivement! Mais je suis au courant de la game et, en 2017, on dit encore cette phrase, même s’il y a plein de femmes compétentes dans tous les milieux. C’est une expression consacrée. Pour moi, être féministe, c’est une façon de faire un pied de nez. J’aime dire que, le 5 novembre, lorsque je serai la première mairesse de Montréal, je serai la femme de la situation.

Les villes de Paris et Rome sont notamment dirigées par des femmes. Les Montréalais sont-ils prêts à élire une femme?
Oui, je le sens. On vit dans une société progressiste où les valeurs d’égalité sont très importantes. Il y a eu des avancées très fortes. Sur le terrain, les hommes et les femmes me le disent: «on vous veut comme mairesse». L’arrivée de [Pauline] Marois comme première ministre [du Québec] a éveillé des consciences. C’est aussi la poule ou l’œuf: plus on est de femmes en politique, plus il y a un bassin de femmes qui tranquillement pourront se rendre au sommet. Il faut plus de femmes, plus de personnes moins représentées, pour ne plus porter attention à la question du genre, de l’ethnie ou du handicap.

Pourquoi Montréal devrait changer de maire?
Parce qu’on se satisfait de trop peu. Mon adversaire aime dire que Montréal va mieux qu’il y a quatre ans, mais moi, je refuse de me comparer à l’une des périodes les plus sombres. J’ai beaucoup d’ambition pour la Ville, je l’ai montré avec la ligne rose en mettant ce projet ambitieux et nécessaire sur la table. Montréal est une ville magnifique, j’en suis fière, et je veux l’amener plus loin en amenant notamment un style de leadership plus inclusif, plus positif et qui ne prend pas la population pour acquise.

Ces quatre dernières années, léconomie a pourtant fait un bond et limage de Montréal sest nettement améliorée. Nattribuez-vous pas ces réussites au maire sortant?
Nous avons un maire qui a décidé de beaucoup se promener à l’international pour faire la promotion de Montréal. Je n’ai pas envie de lui enlever ça. C’était une bonne idée. Je salue également la création du Bureau de l’inspecteur général, car on avait besoin d’un mécanisme pour lutter contre la collusion. Pour ce qui est du côté économique, il faut être prudent. Mon adversaire aime s’attribuer la baisse du taux de chômage, mais il faut se garder une petite gène, car il y a un contexte beaucoup plus global.

«Pour moi, Denis Coderre a été un bon maire de transition. Après la corruption, les Montréalais en avaient besoin. Mais maintenant, les Montréalais veulent une vision. Et là, mon adversaire est faible. On ne connaît pas sa vision alors que la mienne est claire.» – Valérie Plante, candidate à la mairie de Montréal de Projet Montréal

Comment définiriez-vous Denis Coderre et quelles sont vos relations avec lui?
Je le trouve combatif. Là-dessus, on se ressemble un peu. On est des chats de ruelle, on est prêt à aller se battre, on n’est pas peureux. Et c’est un homme intelligent. J’ai du respect pour ceux qui travaillent fort pour se rendre là où ils sont. C’est son cas. Souvent, on va dire de lui qu’il est populaire, mais Denis Coderre est quelqu’un qui force pour entrer dans la bulle des gens. Ce n’est pas quelque chose que j’apprécie.

Vous affirmez ne pas avoir «de cassette» ni de «squelette». Dautres en ont?
Mon adversaire, c’est Denis Coderre. Ce message lui est destiné. C’est un politicien d’expérience, de la vieille école. Il a ses cassettes, ses béquilles, ses façons de faire, ses phrases avec beaucoup de mots, mais peu de contenu. Pour les squelettes, je n’invente rien, on le sait, il a été proche de différentes situations problématiques sur le plan de l’éthique. N’oublions pas non plus sa perte de mémoire sur un chèque de 25 000$ qu’on lui a remis.

Garantissez-vous être blanche comme neige?
Je ne suis pas parfaite, j’ai déjà pogné un ticket (elle rit). Je ne suis pas en train de dire que je suis parfaite et qu’il ne l’est pas. Mais honnêtement, je peux garantir que j’arrive en politique sans bagage problématique.

Le candidat de Coalition Montréal, Jean Fortier, sest retiré de la course à la mairie pour vous soutenir. Une course à deux, est-ce plus facile à gagner?
C’est vraiment une stratégie très différente. J’ai déjà gagné une course à deux et une course à trois. Mais ça montre encore une fois ma capacité à rallier, c’est ce que je fais depuis que je suis chef de Projet Montréal. Je suis vraiment très heureuse.

Est-ce un ralliement pour Valérie Plante ou contre Denis Coderre?
(Elle rit) Honnêtement, je pense que c’est pour moi. Dans les échanges que j’ai eus avec Jean Fortier et Marvin Rotrand [chef de Coalition Montréal], ce qui revenait souvent, c’est la volonté d’amener des changements à l’hôtel de ville et un nouveau style de leadership. J’amène un nouveau style par rapport à mon adversaire, et ils ont vu cette possibilité-là. Pour moi, c’est hyper positif.

Votre ex-adversaire pour la chefferie de Projet Montréal, Guillaume Lavoie, a décidé de quitter la politique en disant ne pas disposer «de l’espace nécessaire» et «d’un cadre de confiance». Toutes les voix sont-elles vraiment les bienvenues dans votre équipe?
Définitivement. Très honnêtement, je ne me suis pas sentie interpellée personnellement, même si je me suis demandée ce que ça voulait dire. Avant cette course, on était de très bons collègues, on jasait souvent, même si on n’avait pas nécessairement les mêmes opinions. Je ne veux pas être entourée de yes man, ça ne m’intéresse pas.

Vous avez lancé votre campagne très tôt, en enchaînant les annonces quotidiennes. Pourquoi cette tactique?
J’avais un déficit de notoriété et il fallait occuper l’espace médiatique, mais de façon rigoureuse, avec des annonces documentées. L’intention était très claire: positionner Projet Montréal comme la prochaine administration, avec des propositions qui touchent les Montréalais, de la gestion des déchets aux chalets dans les parcs, en passant par le transport collectif. Je ne veux pas être la mairesse qui sort des engagements au gré du vent politique. J’avais envie de montrer ma vision claire et mes sorties s’inscrivent dans cette direction.

Mais toutes vos propositions sont-elles réalistes dun point de vue budgétaire?
On ne pense pas à ça le matin ou la veille. On a préparé ces sorties en amont. Pour la ligne rose de métro, ce sera des négociations et un travail d’équipe avec Québec et Ottawa. Ce seront aussi des investissements qui seront faits différemment par rapport à la dernière administration.

Avez-vous lassurance que cette ligne rose ne coûtera pas plus de 6G$?
Il y a toujours des dépassements de coûts, mais on a fait une étude en se basant sur 20 lignes différentes dans le monde. Nous avons même été prudents dans nos chiffres, puisque nos calculs indiquaient un peu moins. Je sais que mon adversaire a parlé de 10G$ pour faire peur aux gens, mais c’est tout à fait faux.

Et en cas de victoire, quallez-vous faire du prolongement de la ligne bleue?
Je ne la remets pas du tout en question. Elle est déjà dans le four, elle va se réaliser avant la ligne rose. Durant mon premier mandat, je vais me concentrer pour faire le montage financier [de la ligne rose].

Pour financer vos propositions, allez-vous augmenter les taxes municipales?
On va suivre le niveau de l’inflation, les taxes n’augmenteront pas davantage. C’est ce qui se fait depuis quatre ans. Mais on aura aussi des mesures audacieuses pour conserver les familles à Montréal, notamment avec la taxe de bienvenue. [Projet Montréal propose un remboursement jusqu’à hauteur de 5000$ pour les couples ayant au-moins un enfant]

En mettant constamment en avant le transport en commun, ne craignez-vous pas de vous mettre à dos les Montréalais obligés dutiliser leur voiture?
Je ne pense pas. Depuis le début, je dis à quel point la congestion routière est l’affaire de tous. Je ne veux pas que les personnes qui utilisent leur voiture se sentent coupables. Souvent, c’est une nécessité. Lorsque le réseau routier est congestionné, c’est un problème pour les cyclistes, les automobilistes et les camionneurs. Je veux proposer un modèle qui fera baisser la pression sur ce réseau. Je suis fière d’avoir ramené le transport collectif au centre de la campagne.

Pourriez-vous abandonner votre ligne rose pour, par exemple, un prolongement du REM vers lEst?
Vous savez quoi? Oui! Ce sujet aurait pu être casse-cou pour ma campagne et jouer contre moi. C’était risqué. Je ne fais pas de la politique juste pour élue, mais pour nommer des problèmes qui ne sont pas réglés. Dans l’Est, il faut penser au transport collectif. Lorsque mon adversaire rit de la ligne rose, il rit des problèmes des Montréalais.

«Un REM ou une ligne rose, je suis très ouverte. Ce que je veux, c’est du transport collectif.» – Valérie Plante, candidate à la mairie de Montréal de Projet Montréal

Vous souhaitez un référendum pour lutilisation de fonds publics dans la construction dun stade de baseball. Mais, si vous êtes mairesse, allez-vous pousser pour le «oui» ou pour le «non»?
Je vais écouter les Montréalais. Oui à la consultation et non à la négociation derrière des portes closes avec l’argent des Montréalais. Mais je n’ai pas d’avis préconçu. Si les Montréalais sont prêts à investir des millions de dollars, c’est eux qui décident.

Pourquoi Luc Ferrandez, le maire du Plateau–Mont-Royal, napparaît pas à vos côtés durant votre campagne? Est-il trop clivant pour séduire les électeurs de tous les arrondissements?
Pas du tout. Comme tous les élus locaux, Luc fait une campagne locale et parle lorsqu’il s’agit de ses enjeux locaux comme les pistes cyclables. Projet Montréal n’est pas un parti des quartiers centraux. Il l’était, à l’époque de Richard Bergeron, mais il fallait bien commencer quelque part. Lorsque je parle d’aménagements, ça ne touche pas que les quartiers centraux. Tout le monde veut que son enfant aille à l’école en vélo sans se faire frapper. Je sais que mon adversaire essaye de me coller à ça, mais on n’est plus là. On est un parti qui parle à tous les arrondissements.

Vous prônez un conseil municipal moins partisan. Pourriez-vous accueillir dans votre comité exécutif des élus dÉquipe Coderre?
Il est encore trop tôt, il faut voir qui sera élu. Mais une chose est sûre, quand je dis que je suis une personne rassembleuse et ouverte à toutes les idées, je vais le montrer lorsque je serai mairesse de Montréal.

Une mairesse qui se déplacera à vélo?
Je ne pourrais pas toujours être à vélo, c’est impossible. Mais je ne pourrais pas toujours être en auto. Le vélo, ça fait vraiment partie de mon mode de vie et ça me permet, comme le métro, de rester connectée aux gens.

***

Biographie
43 ans. Mariée, deux enfants.
Conseillère du district Sainte-Marie dans Ville-Marie depuis 2013
Ancien emploi: directrice des communications de la Fondation Filles d’action (8 ans)
Études: bac en anthropologie et maîtrise en muséologie à l’Université de Montréal

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