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Tous les chauffeurs de Téo Taxi licenciés

Photo: Patrick Sicotte/Métro
Lia Lévesque, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Téo Taxi cesse ses activités. Le PDG par intérim Dominic Bécotte a confirmé la fermeture de l’entreprise, mardi au cours d’une conférence de presse, disant s’y être résigné «le coeur brisé».

Quelque 400 chauffeurs salariés se trouvent ainsi sans emploi. Plusieurs l’ont appris tôt mardi matin, en se rendant au travail pour commencer leur quart qui débutait à 4h.

«Nous devons mettre un terme aux activités. Notre modèle d’affaires n’est pas viable dans les conditions actuelles», a conclu M. Bécotte.

Parmi ces «conditions actuelles», il a surtout montré du doigt la réglementation trop rigide dans l’industrie du taxi, qui l’empêchait notamment de modifier sa tarification, selon les heures de pointe, par exemple.

Il a également souligné que l’entretien d’une flotte de véhicules électriques a fait grimper les coûts au-delà des prévisions.

Interrogé sur la concurrence d’Uber, il a indiqué que cela avait joué «un rôle indirect» dans les difficultés rencontrées par Téo Taxi, parce que «les conditions ne sont pas les mêmes pour tous les joueurs du secteur de la mobilité». Uber, lui, a le droit de modifier ses tarifs en vertu de la demande, mais pas Téo Taxi.

Pas d’aide de Québec

Et Téo Taxi ne pourra pas compter sur une aide du gouvernement Legault. Le premier ministre a clairement fermé la porte à cette hypothèse, malgré une rencontre entre les dirigeants de Téo Taxi et une de ses conseillères ainsi qu’avec le ministre responsable, Pierre Fitzgibbon. «A priori, ce n’est pas possible pour le gouvernement d’aider l’entreprise. Actuellement, on ne peut pas aider Téo Taxi», a dit François Legault à Gatineau, en marge d’une réunion du conseil des ministres.

«Effectivement, c’est de l’argent perdu qui a été investi par le gouvernement libéral», a souligné le premier ministre, en ajoutant que «les créanciers garantis, dont la Banque Nationale, en vendant les autos et le logiciel, vont être capables de rembourser une partie de la dette garantie», à tout le moins.

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a pour sa part affirmé que le modèle d’affaires de Téo Taxi n’était pas «viable».

«Je pense que le modèle d’affaires, ça été clairement établi, n’est pas viable, pour différentes raisons. La réglementation était complexe aussi. Alors les actionnaires, et le gouvernement qui était actionnaire, on décidé que c’était assez.»

Le ministre estime toutefois que la division technologique de Téo Taxi pourrait susciter de l’intérêt.

«Il y a une division de Téo, qui compte une vingtaine de personnes, effectivement il y a une chance que, possiblement, il y ait un repreneur pour cette opération technologique-là. Si on regarde la vision de Téo, le transport électrique, la mobilité, il y a un mérite à ça. J’espère qu’il va y avoir un repreneur qui va reprendre cette division», a-t-il dit.

Des chauffeurs syndiqués

M. Bécotte a assuré que le fait que les chauffeurs salariés de Téo Taxi se soient syndiqués n’a pas été un facteur qui a contribué aux difficultés financières, comme certains l’ont prétendu. «Au contraire, nous voyions cela d’un très bon oeil. On était favorable. On devait avoir une rencontre. On visait la même chose: l’amélioration des conditions de travail de ces gens-là», a répondu M. Bécotte.

Pour ce qui est de l’état des finances de Téo Taxi, M. Bécotte n’a pas trop voulu s’étendre puisqu’il s’agit d’une entreprise privée.

Il a toutefois tenu à souligner que le seul «argent public» que l’entreprise avait touché était une somme de 5 millions $ à même la subvention pour l’électrification des taxis, une somme de 1,25 million $ pour les véhicules électriques et une compensation pour les permis de taxi de 1 million $, soit au total 7,25 millions $.

Il n’a pas voulu blâmer les partenaires comme le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui n’ont pas voulu réinvestir des fonds dans l’entreprise de taxis verts, malgré sa popularité auprès des 300 000 clients. Il n’a pas voulu élaborer sur «les raisons qui les ont poussés à arrêter de nous soutenir». Il a même souligné leur «très grande collaboration».

Interrogé à savoir si Téo Taxi pourrait revivre sous une autre forme, M. Bécotte ne l’a pas exclu, mais il a semblé envisager plutôt une électrification de la flotte des autres entreprises de taxi, soit Diamond et Hochelaga. «J’ose croire qu’on aura inspiré d’autres entrepreneurs. On a un ménage à faire. Le potentiel de ce projet-là est encore viable, mais pas dans les conditions actuelles», a tranché M. Bécotte.

Philosophe, il a conclu que «l’erreur aurait été de ne pas essayer».

Des chauffeurs consternés

«C’est une annonce brutale. Ça fait mal, ça fait très mal», s’est exclamé le directeur des communications du syndicat des Teamsters, affilié à la FTQ, Stéphane Lacroix.

Les chauffeurs de Téo Taxi s’étaient dotés d’un syndicat des Teamsters, mais ils n’auront pas même eu le temps de négocier leur première convention collective. Les chauffeurs de Téo Taxi sont «déçus, consternés», mais pas vraiment en colère, a-t-il relaté.

«Les gens s’attendaient à ce que des efforts soient déployés pour sauver l’entreprise. Honnêtement, ça a été une surprise. On était convaincus que les rumeurs pouvaient laisser place à une discussion. On pensait qu’on avait un peu de temps devant nous», a commenté M. Lacroix.

Il y a environ un an, le Fonds de solidarité FTQ, la Caisse de dépôt et placement du Québec, Fondaction CSN et le fonds XPND Capital ont injecté 17 millions $ dans Taxelco, la société-mère de Téo Taxi, dans le cadre d’un nouveau financement, afin d’acheter notamment de nouveaux véhicules et d’embaucher du personnel.

Interrogé après la conférence de presse de M. Bécotte, M. Lacroix a exprimé la frustration des chauffeurs, qui s’étaient dévoués pour cette entreprise en laquelle ils croyaient. «On se retrouve dans une situation où on n’était pas très loin de commencer à avoir un succès et on ne l’a pas obtenu. Alors c’est très frustrant pour ces pères et ces mères de famille-là qui perdent leur emploi aujourd’hui.»

Il se demande pourquoi les dirigeants de Téo Taxi n’ont pas parlé au syndicat qui représente les chauffeurs, il y a un mois ou même avant, lorsque les difficultés financières ont commencé à croître.

«Ce n’est pas arrivé à la dernière minute, cette histoire-là. Et peut-être qu’on aurait pu faire des représentations auprès du gouvernent provincial pour voir s’il y avait moyen d’accélérer le processus pour les changements du cadre réglementaire, afin que l’entreprise puisse continuer à fonctionner et qu’on lui donne une poussée supplémentaire», a avancé le directeur des communications du syndicat des Teamsters (FTQ).

Il s’est néanmoins réjoui du fait que l’employeur ait confirmé que la présence d’un syndicat dans l’entreprise n’y était pour rien dans ses difficultés financières. Il a rappelé que «les conditions de travail ont été établies bien avant que le syndicat arrive dans le dossier», notamment le fait qu’ils soient des salariés, contrairement aux autres chauffeurs de taxi dans l’industrie.

L’actionnaire majoritaire de Taxelco est Fonds XPND Croissance, qui fait partie de XPND Capital, où Alexandre Taillefer est associé principal. M. Taillefer s’était cependant retiré du dossier et «il n’est plus impliqué depuis», a précisé M. Bécotte.

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