Soutenez

Devant une «crise humanitaire», Ottawa doit accueillir les autres «anges gardiens de Snowden»

Vanessa Rodel et sa fille Keana, lors d'une conférence de presse tenue mercredi Photo: Josie Desmarais/Métro

La réfugiée hongkongaise Vanessa Rodel et sa fille Keana – qui font partie des sept «Anges gardiens» ayant aidé Edward Snowden à fuir les États-Unis en 2013 quand il était l’homme le plus recherché de la planète – somment de nouveau Ottawa d’accueillir le reste de leur famille, plus de deux mois après avoir été accueillis d’urgence en sol canadien.

«Ma fille ne devrait pas grandir sans son père, ni sa sœur et son frère. C’est inhumain», a plaidé Mme Rodel en mêlée de presse. Elle dit ne pas comprendre «pourquoi le Canada refuse de rapatrier tous les réfugiés de Snowden en même temps». «Ma famille est divisée. Il faut agir maintenant pour nous réunir de nouveau, tous ensemble», a-t-elle illustré.

Risquant incessamment d’être déportés vers le Sri Lanka, le père de Keana, Supun, ainsi que sa conjointe Nadeeka et leurs deux enfants Sethumdi et Dinath – qui ont aussi caché Edward Snowden en 2013 – doivent être acceptés au Canada devant une «crise humanitaire» et une nécessité de «réunification familiale», plaide l’un des avocats dans ce dossier, Guillaume Cliche-Rivard. Ce dispositif supplémentaire de la Loi sur l’Immigration pourrait faciliter leur acceptation, d’après lui.

«On a déposé une demande vendredi en ce sens. C’est notre espoir que ça va bonifier et accélérer la procédure, a-t-il expliqué. Personnellement, je ne vois pas comment on peut rejeter notre demande. Je trouverais ça extrêmement préoccupant et difficile.»

D’après le juriste, la petite Keana vit très mal la séparation avec son père depuis son arrivée à Montréal. «Ça lui cause une détresse psychologique absolument immense. On ne peut pas séparer une petite fille de son père. C’est la base de l’humanité et de la compassion […] Combien de temps ça va durer? Ça ne peut plus continuer», a-t-il lancé, soulignant que l’enfant a récemment consulté une psychologue «qui a été en mesure de confirmer cette détresse».

«Keana pose beaucoup de questions à sa mère. Pourquoi papa n’est pas là. Est-ce que je peux parler à mon frère, à ma sœur. Il y a quelque chose de brisé, et c’est normal: il y a beaucoup d’incertitude, et donc d’inquiétudes.» -Guillaume Cliche-Roy

De gauche à droite: Me Guillaume Cliche-Rivard, Vanessa Rodel et Me Robert Tibbo. Photo: Josie Desmarais/Métro

Le même calvaire serait vécu par Sethumdi qui, malgré son jeune âge, vit déjà de la discrimination à Hong-Kong. «Elle se fait moquer pour son accent, parce qu’elle est différente. Ça devient très difficile. C’est une autre claque au visage pour une jeune fille qui en a vécu déjà plusieurs», martèle Me Cliche-Rivard.

La réalité est toute autre au Canada. Vanessa Rodel et sa fille disent «énormément apprécier» leur nouvelle vie à Montréal, où elles n’ont eu aucune misère à recevoir leurs papiers d’identité.

«C’est un sentiment incroyable que je ne peux pas expliquer. Nous avons la liberté. Nous sommes en sécurité. Je peux aller où je veux sans avoir peur d’être arrêtée par la police ou questionnée par l’immigration.» -Vanessa Rodel

Le cas encourageant de l’Allemagne
Il y a quelques jours, les militants politiques hongkongais, Ray Wong et Alan Li – qui faisaient face à plusieurs accusations d’émeute et d’affrontement avec la police dans leur pays – ont annoncé qu’ils avaient obtenu le statut de réfugié en Allemagne. Leur acceptation pourrait marquer, selon les experts, un tournant majeur dans les politiques intérieures d’Hong Kong, où les libertés individuelles ont chuté dans les dernières années.

D’après l’avocat canadien Robert Tibbo, le fait que l’Allemagne se positionne pour protéger ces activistes «établit un précédent en loi internationale: le gouvernement de Hong Kong persécute les individus qui ont des opinions ou des perceptions politiques différentes des leurs».

«Ce n’est pas une surprise pour moi. L’État hongkongais se comporte de cette manière depuis longtemps. Si la décision de l’Allemagne vient affirmer ce qu’on savait déjà, elle démontre surtout que nos préoccupations pour les Anges de Snowden sont bien réelles.» -Robert Tibbo

D’après lui, Hong Kong intimide et persécute ses opposants, qu’ils soient activistes, journalistes ou politiciens, «depuis plus d’une décennie». «Le Canada doit adresser cette problématique», a-t-il jugé.

«Hong Kong est capable de persécutions, c’est un État persécuteur. Ce n’est pas juste nous qui le confirmons, c’est le Canada et l’Allemagne aussi», a ajouté Guillaume Cliche-Rivard, estimant lui aussi que cette décision «vient ajouter beaucoup de poids à ce qu’on continue d’alléguer».

Si le cas du septième ange gardien, Ajith Pushpakumara, est moins urgent pour le moment, son dossier étant encore à l’étude par Hong Kong, il est tout autant important, a rappelé l’avocat. «Ils sont tous en danger imminent, mais Ajith n’est pas un membre de la famille, donc ce ne sont pas les mêmes arguments», a-t-il noté.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.