Matières résiduelles: Montréal doit faire preuve de «courage politique»
Alors que s’entame mercredi la consultation publique sur le Plan de gestion des matières résiduelles 2020-2025 à la Ville de Montréal, des organismes environnementaux appellent l’administration Plante à faire preuve de «courage politique».
«Ça va prendre du courage politique pour mettre en place des mesures coercitives en environnement. S’il y a une bonne campagne de sensibilisation pour expliquer les choix au public, je pense que les gens vont embarquer. Il faut qu’ils comprennent pourquoi on interdira telle pratique, qu’ils en voient la plus-value», explique à Métro la DG du Conseil régional de l’environnement (CRE-MTL), Coralie Deny.
Pour y arriver, dit l’experte, il faut «créer le réflexe» écologique. Elle utilise l’exemple de l’omniprésence de la poubelle sur le territoire montréalais pour illustrer son point. «Ce n’est pas normal qu’en 2019, les citoyens ne puissent pas avoir le choix du bac de déchets ou de recyclage. En grande majorité dans le domaine public en ce moment, ce sont des poubelles. On ne crée pas le réflexe», observe-t-elle.
Elle enjoint la Ville à imaginer «un programme pour éliminer l’ensemble des poubelles de rue» pour les remplacer par des systèmes «de binômes» où les Montréalais pourront systématiquement recycler.
Le CRE-MTL s’inquiète aussi que le site d’enfouissement de Montréal «fermera d’ici une dizaine d’années maximum». «Il faut mettre les bouchées doubles pour diminuer notre production de matière de façon importante, tonne Mme Deny. Tous doivent participer: les citoyens, les organisations, les hôpitaux, les universités, les commerces ou encore l’industrie de la construction.»
«Le dossier des matières résiduelles est extrêmement complexe. Il y a une multitude de solutions. Et il y a matière aussi à créer beaucoup d’emplois locaux pour Montréal.» -Coralie Deny
Les entreprises concernées
Le son de cloche est similaire chez la responsable de la campagne Océans et Plastique chez Greenpeace, Agnès LeRouzic. «Il faut aller beaucoup plus loin, notamment à travers des mesures incitatives pour encourager des commerces à se lancer dans le réutilisable ou le zéro déchet», explique-t-elle.
Son groupe somme Montréal, Québec et Ottawa d’octroyer une aide financière plus significative «pour les entreprises essayant de réduire leurs quantités de déchets». «Le problème avec une transition trop rapide, c’est qu’on va avoir tendance à se tourner vers des mauvaises solutions. On va viser les plastiques compostables ou biodégradables, alors que la Ville n’a pas la capacité de traiter ce genre de matières en ce moment», prévient-elle.
Greenpeace estime que pour réduire à la source, Montréal devra «passer par une concertation plus large avec les gouvernements, afin d’obtenir la responsabilité élargie des producteurs (REP)». «Il faut guider au maximum les commerçants dans la transition», illustre Mme LeRouzic.
La Ville prête à innover
Au-delà des engagements qu’a pris la Ville en matière de réduction à la source, le combat passe surtout par l’éducation, affirme la responsable de la transition écologique au comité exécutif, Laurence Lavigne-Lalonde. «Le citoyen sait comment gérer ses déchets, mais à l’extérieur, ça devient plus difficile. Ça arrive souvent que les matières soient contaminées, qu’on soit obligés de prendre le bac et de l’enfouir. Il faut absolument avoir des campagnes de sensibilisation à ce sujet», lâche-t-elle.
La Ville reconnaît d’ailleurs que le système public de tri de déchets «n’est pas ultra-efficace». «On aimerait le déployer autrement, mais il faut de la sensibilisation. On veut bien le faire», note Mme Lavigne-Lalonde.
Une série de projets-pilotes seront lancés prochainement pour déployer «progressivement» la collecte du compost dans les immeubles de neuf logements et plus.
«Le début des travaux au centre de biométhanisation va nous aider à aller chercher du compost et à produire de la bioénergie.» -Laurence Lavigne-Lalonde, responsable de la transition écologique
Pour l’élu de l’opposition dans Côte-de-Liesse, Francesco Miele, la Ville doit d’abord bâtir des installations «qui forcent le citoyen à ne pas avoir d’excuses pour réduire sa quantité de matières à enfouir». «Présentement, avec la saga et tous les problèmes de l’industrie du recyclage, les gens ne se sent pas rassurés dans leurs démarches, admet-il. Il faut changer notre stratégie.»
M. Miele dit vouloir donner plus d’outils au grand public. «Je pense que les Montréalais veulent composter, recycler, mais ils espèrent au moins avoir les outils pour le faire plus facilement», illustre-t-il.