Profilage racial: la mère d’une ado arrêtée à NDG veut rencontrer le SPVM
«Il n’y avait aucune raison d’être agressifs envers ma fille.» Lisa Sim, la mère d’une jeune Philippine de 15 ans «violemment» arrêtée la semaine dernière au parc Girouard, invite le directeur du SPVM Sylvain Caron à «venir dans sa maison» pour ouvrir le dialogue. À ses côtés, organismes et élus condamnent la «force excessive» utilisée par la police lors de l’intervention, jugée raciste et injuste.
«Vous n’avez peut-être jamais rencontré de gens comme nous. Et vous n’avez peut-être aucune idée de comment nous vivons, en tant que femmes et jeunes filles asiatiques à Montréal. Mais nous voulons savoir ce que votre conscience vous dira lorsque vous nous aurez rencontrées. Venez chez moi, rencontrez ma famille. Et écoutez notre histoire», a martelé Lisa Sim mardi, en s’adressant à Sylvain Caron.
Le 29 juin dernier, après avoir reçu un signalement de cadets pour non-respect de la distanciation sociale, plusieurs policiers sont intervenus au parc Girouard. Seule sa fille Jia Li Ridell, âgée de 15 ans, a été arrêtée. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre l’adolescente être brusquement projetée au sol par un agent, avant d’être menottée puis emmenée dans une voiture de police, alors que ses amis protestent bruyamment.
«Personne ne devrait être traité comme ça par des policiers, qui sont là pour nous protéger. On se demande si le traitement aurait été différent, si elle avait été blanche.» -Lisa Sim, mère de Jia Li Ridell
Conséquences psychologiques
Depuis l’incident, Jia Li craint de recroiser des policiers à chaque jour. Aux dires de sa mère, elle en a profondément peur chaque jour. «Il y a des conséquences majeures sur son estime de soi. On peut dire qu’elle a maintenant un problème de confiance avec les policiers», souligne Lisa Sim.
Celle-ci réclame que toute charge criminelle soit abandonnée contre sa fille. Le SPVM, qui justifie le travail de ses agents par le fait que la jeune Philippine «a tenté de fuir, et de résister à l’interpellation», a l’intention de déposer des accusations d’entrave au travail des policiers envers la jeune adolescente. «Pendant l’intervention, un groupe de jeunes a entouré les policiers, en les injuriant. On a dû demander du renfort pour les disperser», indique la relationniste du corps policier, Véronique Comtois.
«Ma fille veut commencer à travailler, avoir un boulot cet été. Qu’arrivera-t-il si quelqu’un lui demande si elle a déjà été arrêtée? C’est très dommage que tout ça arrive si tôt dans sa vie», a soupiré la mère de famille. «Nous avons souvent pensé que la brutalité policière n’arrivait qu’aux Noirs. La semaine dernière, on a eu la preuve que c’est faux», ajoute-t-elle.
S’inspirer de Toronto
Pour le conseiller du district de Snowdon, Marvin Rotrand, il est grand temps que Montréal s’inspire de la métropole torontoise, dont le conseil de ville a voté la semaine dernière 37 mesures pour «réimaginer le service de police».
«On doit privilégier des politiques de désescalade de la force pour avoir moins de ces interventions excessives. Celles-ci renforcent la méfiance qu’ont les citoyens envers les policiers, qui ne sont plus une partie de la communauté.» -Marvin Rotrand, conseiller de Snowdon
Le directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, abonde dans le même sens. «La force excessive utilisée ici soulève beaucoup de questions. Il est grand temps de se préoccuper du lien qui existe entre la force policière excessive et la race», tranche-t-il.
M. Rotrand, lui, dénonce que les témoins sur place ont été menacés. «Un ou deux agents auraient carrément dit aux jeunes que s’ils filmaient, ils seraient aspergés de poivre de cayenne. Je trouve ça très grave. C’est un abus de pouvoir», renchérit l’élu.
Faut-il définancer le SPVM?
Une nouvelle coalition a demandé mardi le définancement du SPVM, alors que celui-ci doit présenter mercredi sa politique sur les interpellations policières. Le regroupement inclut notamment les organismes Hoodstock, le Foyer des femmes autochtones de Montréal, Solidarité sans frontières et Stella, l’amie de Maimie.
«Il faut couper le budget de la police de Montréal d’au moins 50%. On pourrait ensuite rediriger ces fonds vers des projets opérés par les communautés qui souffrent davantage de la violence policière.» -Marlihan Lopez, porte-parole de la coalition
Désarmement des policiers, décriminalisation du travail du sexe et des drogues, fin des opérations policières qui cible les communautés marginalisées de façon «disproportionnée»; le groupe formule aussi une liste de 10 demandes complémentaires aux autorités municipales.
Les ressources financières du SPVM ont bondi dans les 10 dernières années, passant d’environ 500 M$ à 665 M$, soit une augmentation de plus de 30%. Au début juin, la mairesse Valérie Plante s’était dite «ouverte» à discuter du retrait d’une partie du financement du SPVM.