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Un campement, un autre démantèlement

Jacco vit au campement sous l’autoroute Ville-Marie depuis plus de sept ans et craint désormais de devoir quitter tout ce qu'il y a créé.
Jacco vit au campement sous l’autoroute Ville-Marie depuis plus de sept ans et craint désormais de devoir quitter tout ce qu'il y a créé. Photo: Quentin Dufranne / Métro Média

Installés depuis plusieurs années sous l’autoroute Ville-Marie, la trentaine d’habitants de ce campement sauvage sont inquiets de leur sort à deux jours d’une éviction ordonnée par le ministère des Transports. Ils craignent de voir leurs biens emportés par les camions à ordures et de se retrouver isolés les uns des autres aux quatre coins de la métropole.

Les campeurs déplorent l’absence de solutions concrètes et pérennes venant des autorités. Ils demandent au ministère des Transports de pouvoir y passer l’hiver pour être à l’abri de la neige. Ils auront ainsi plus de temps pour trouver un autre emplacement.

Dans la froideur de ce matin de novembre, il est difficile de croire qu’au bout de cette allée grillagée se trouve un campement d’une trentaine de personnes en situation d’itinérance. Placardé sur différentes colonnes supportant le pont, un avis d’éviction leur demande de quitter les lieux en les menaçant de prendre «toutes les mesures nécessaires» en cas de refus d’obtempérer.

«Donnez-nous une chance»

Jacco Subn a un peu moins de cinquante ans et vit ici dans sa tente depuis plus de sept ans. Il participe activement à la vie au sein du campement en s’assurant de la propreté des lieux et en venant en aide à ses voisins de fortune lorsqu’ils sont dans le besoin.

«Nous sommes inquiets qu’ils nous demandent de partir et qu’ils jettent nos affaires pour garder cet endroit vide tout l’hiver, explique Jacco. Au moins, donnez-nous une chance pour que l’on puisse passer l’hiver en paix, nous ne faisons rien de mal [ici].»

Selon lui, le démantèlement nuira à la sécurité des campeurs. Ils se retrouveront isolés et ne pourront plus veiller les uns sur les autres. Les campeurs se souviennent tous d’ailleurs de leur camarade Nicolas, décédé d’une surdose il y a deux ans. Par ailleurs, il y a deux semaines, un autre campeur aurait été sauvé in extremis par ses camarades alors qu’il faisait une surdose.

Un graffiti inscrit en hommage au campeur décédé d’une surdose il y deux ans; Photo: Quentin Dufranne / Métro Média

«Tout le monde va être isolé et il n’y aura personne pour nous aider, car si tu vas dans les refuges, il y a plein de punaises de lit, des maladies, les gens volent et ont des couteaux et te menacent, lance-t-il. On a vraiment envie d’aider la communauté et les citoyens qui habitent ici, on n’est pas là pour détériorer quoi que ce soit.»

L’éviction ne va rien apporter de bon, les gens vont être en colère, stressés et avec plus de problèmes de santé mentale. Les plans du ministère des Transports pourraient être décalés au printemps.

Zarus, campeur en situation d’itinérance

Des inquiétudes et peu de ressources

Pour le directeur exécutif et fondateur de l’organisme Résilience Montréal, David Chapman, les campeurs tentent seulement de survivre face au peu de ressources adéquates qui leur sont proposées. Son organisme vient en aide aux personnes en situation d’itinérance dans la zone du square Cabot et a donc suivi de près l’évolution de la situation au campement.

«Soit on leur propose un autre endroit, soit ils vont se disperser et trouver un lieu où se cacher, dit-il. Ils seront seuls et personne ne pourra les trouver, ils se retrouveront donc dans une situation plus dangereuse avec plus de risque de faire une surdose, de mourir de froid.»

Selon David Chapman, nombre de campeurs ne peuvent aller dans un refuge. Certains y ont vécu des traumatismes et certains refuges refusent d’accueillir les personnes intoxiquées. Ces campeurs n’ont donc guère le choix de survivre face à l’absence d’hébergements à loyer modique et de refuges plus inclusifs.

«Si rien de tout ça ne leur est proposé, il faut donc accepter le fait qu’ils vont créer leurs propres moyens pour survivre, dit-il. On doit les supporter et ne pas les virer en faisant croire qu’on leur propose de vraies solutions à côté.»

Amigo en est à son cinquième automne au campement. À l’aube d’être évincé, il confie ne pas avoir de solutions d’hébergement. Vivant dans le campement avec sa conjointe, il leur sera impossible de trouver une place ensemble dans un refuge.

«Il n’y a personne qui nous dit où aller en ce moment et, tous les jours, il y a ce stress de savoir si tes affaires seront encore là à ton retour, explique Amigo. On devrait au moins avoir l’aide des gouvernements et de l’arrondissement.»

Selon lui, les échanges avec les forces de l’ordre se sont aussi dégradés depuis le début de la pandémie. Avant, les policiers venaient accompagnés par des intervenants psychosociaux, mais ce n’est plus le cas maintenant. Il décrit une présence policière intimidante alors que les campeurs ont tissé des liens de confiance avec les employés de la construction travaillant sous le pont.

«Tous les jours, il y a peut-être quatre équipes de policiers qui passent, dit-il. Avant, il y avait les travailleurs sociaux qui venaient avec la police pour aider à échanger, mais maintenant la police vient seule.»

Selon les campeurs, dans la soirée de lundi, la Sûreté du Québec (SQ) et des agents du ministère des Transports auraient fait irruption dans le campement, ouvrant les tentes des campeurs pour leur demander de partir.

Le ministère des Transports n’a pas encore répondu aux questions posées par Métro.

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