Des enseignants sanctionnés pour avoir boycotté une réunion
Un climat de tension palpable s’est installé à l’école Saint-Bernardin, à Montréal. Des enseignants y sont sous la menace de sanctions de la part de la direction pour avoir refusé de participer à une réunion. Un épisode qui s’inscrit dans le cadre de la négociation pour le renouvellement de la convention collective des professeurs affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).
Ce lundi 26 juin, près de la totalité des enseignants de Saint-Bernardin avaient décidé de boycotter une réunion organisée par l’employeur et visant à «travailler le bilan de l’année et préparer la prochaine rentrée», explique le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) dans un courriel envoyé à Métro.
La direction avait planifié ces rencontres pendant les dernières journées pédagogiques de l’année. Cela laissait aux enseignants deux demi-journées pour préparer les bulletins et clôturer l’année scolaire. Ces derniers souhaitaient en effet mettre ces journées à profit pour effectuer ces tâches. Ils s’exposaient à des mesures disciplinaires ainsi qu’à une coupure de traitement en cas de non-participation aux réunions.
«On vient d’avoir la coupure salariale en avant-midi, confirme un professeur de l’établissement, qui a tenu à rester anonyme, craignant des représailles de l’employeur. Ce matin, il y avait seulement un prof sur peut-être une quarantaine qui s’est présenté. Ne pas participer aux réunions est le seul moyen de pression qu’on a fait à part porter un chandail. Mais ce matin [le directeur] en a fait une affaire personnelle.»
L’Alliance des professeurs de Montréal en soutien
Dans un courriel envoyé la semaine dernière par la direction de l’école Saint-Bernardin à l’équipe enseignante, l’employeur disait être informé d’une activité de piquetage prévue ce lundi. «La prestation de travail attendue selon l’horaire prévu initialement est requise», peut-on y lire.
«La direction a été informée d’une mobilisation syndicale et d’un boycottage des activités programmées pour le personnel enseignant lors des deux journées pédagogiques. Rappelons que pour être rémunéré, le personnel doit effectuer la prestation de travail attendue. Il y a des dispositions prévues à cet effet à la convention collective», indique le CSSDM.
Oui, en mobilisation, on fait parfois des actions dérangeantes. Mais le message qu’on envoie aux parents est le même qu’aux directions: on fait pas ça pour le plaisir. On le fait parce qu’on n’a pas le choix pour aller améliorer nos conditions et ce qu’on veut, c’est avoir le plus de monde derrière nous.
Catherine Beauvais-Saint-Pierre, présidente de l’Alliance des profs de Montréal
«Jamais on n’a fait deux réunions comme ça à la fin de l’année, sur des journées pédagogiques. La direction les a mis là car elle est fâchée, elle a pris [le mouvement syndical] personnellement, analyse l’enseignant interrogé par Métro. J’ai peur de ce qui va m’arriver l’année prochaine.»
De son côté, la présidente de l’Alliance des profs de Montréal, Catherine Beauvais-St-Pierre, y voit du zèle de la part de l’employeur. «On a là une direction qui a décidé de confronter les profs, de se battre contre eux en négociations. Les profs ont décidé de se tenir debout», résume-t-elle. Ces derniers étaient près de 70 devant l’école Saint-Bernardin ce lundi, épaulés par la présidente de la FAE, Mélanie Hubert.
Tensions vives dans l’établissement
«L’action de mobilisation a été exercée dans le respect des droits des parties, reconnaît le CSSDM. La direction est toutefois également en droit d’exiger la prestation de travail attendu, et ce, même en contexte de négociation. Il est tout à fait raisonnable pour une direction de prévoir un moment en équipe pour faire un retour sur l’année scolaire et jeter les bases de la prochaine à venir.»
Mais ces bases sont fragilisées par les actions de l’employeur, estime Mme Beauvais-St-Pierre. «C’est la seule direction qui a agi ainsi, menacé les enseignants de sanctions disciplinaires, arraché les affiches. Ça ne se fait pas, et ça ne fait qu’ajouter au climat de tension qui règne actuellement dans l’établissement et plus largement dans le système d’éducation.»
En réponse aux sanctions imposées par l’employeur, l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal déposera un grief. «Il y a une ambiance de confrontation qui s’est installée à l’école Saint-Bernardin», regrette la présidente de l’Alliance. Elle s’étonne par ailleurs que la direction ne soutienne pas les doléances des professeurs, comme c’est le cas pour celles de nombreux autres établissements à Montréal.
«C’est rendu un climat malsain, abonde l’enseignant sous anonymat. Tout le monde se demande pourquoi il prend ça si personnel que ça, les négos. […] Dans un contexte de pénurie, fais attention à ton personnel. On ne peut pas en 2023 venir travailler avec la peur.»
Le CSSDM rappelle que les négociations se font au niveau national, et non local. «Nous faisons confiance à nos représentants […] qui sont avant tout animés par la réussite de nos élèves jeunes et adultes», assure-t-il.
Contactée par Métro, la direction de l’école Saint-Bernardin n’a pas répondu à nos sollicitations.