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L’industrie de la fourrure perpétue la tradition

MONTRÉAL – Sarkis Ajamian est l’un des derniers professionnels à travailler la fourrure à Montréal, une ville autrefois surnommée la capitale de la fourrure de l’Amérique du Nord, où les étrangers convergeaient pour acheter des peaux dans des ventes aux enchères.

M. Ajamian est un fourreur de troisième génération, et l’une des dernières personnes à Montréal à se spécialiser dans la transformation des peaux animales en manteaux de fourrure. C’est un long processus, qui s’effectue encore, en grande partie, à la main, avec des méthodes qui ont peu changé depuis que le grand-père de Sarkis Ajamian a ouvert l’entreprise familiale en Arménie, en 1890.

«Un vrai fourreur sait comment joindre les peaux pour que tout semble exact, parce que l’on travaille avec quelque chose qui vient de la nature», affirme M. Ajamian, 59 ans.

Les techniques demeurent, mais l’industrie a profondément changé depuis qu’il y est entré, il y a 25 ans.

Autrefois, les petites entreprises abondaient dans le quartier de la fourrure, au centre-ville. Montréal, le centre historique du commerce de la fourrure au Canada, a bénéficié de vagues d’immigration qui ont amené des fourreurs habiles durant la première moitié du XXe siècle.

Dans les années 1970 et 1980, il y avait environ 200 manufactures et entreprises de distribution de fourrure à Montréal, selon Alan Herscovici, vice-président exécutif du Conseil canadien de la fourrure. Aujourd’hui, il estime que seules 40 existent toujours, et quelques fourreurs, comme M. Ajamian, gardent les vieilles techniques en vie.

Dans l’atelier au-dessus de son magasin, Sarkis Ajamian s’affaire à couper en lanières une peau, suivant un patron, en prenant bien soin de ne couper aucun poil. Au rez-de-chaussée, sa soeur Jacqueline s’occupe de la boutique. Si, à une certaine époque, les affaires ont été lucratives, aujourd’hui M. Ajamian dit n’être même plus capable d’obtenir un prêt à la banque. «Ils me disent que je travaille dans une industrie mourante», rapporte-t-il.

Mais il fait ce qu’il aime, et son travail est considéré comme un art. Il s’en contente.

L’industrie fait peau neuve

Le déclin de l’industrie de la fourrure a commencé à la fin des années 1980, poussé par trois facteurs: un marché en chute libre, le passage graduel à la confection en Chine et le mouvement grandissant de défense des animaux. Des campagnes de publicité dépeignant un métier sanglant ont entraîné un mouvement de révolte contre les vêtements de fourrure.

Vers la fin des années 1980, une peau de vison coûtait 50 $ US; elle n’en valait plus que 20 $ US en 1992. Les prix sont restés très bas pendant les dix années suivantes, jusqu’à ce que la demande de la Chine et de la Russie vienne insuffler un peu de vigueur au marché, jusqu’à atteindre un nouveau sommet historique de plus de 100 $ US par peau, il y a deux ans.

L’industrie s’est transformée au cours de la plus récente récession, affirme Alan Herscovici. Les gros manteaux de fourrure ont cédé leur place à de plus légers, à des pièces plus abordables, et de nouveaux designers ont commencé à expérimenter diverses techniques.

Sarkis Ajamian aussi a changé. Il s’est créé une spécialité dans le recyclage, en ressuscitant de vieux manteaux démodés. Les soeurs Rim et Rita Elias, de la marque Eläma, ont créé un manteau spécial pour P.K. Subban. Rachel F et Harricana sont aussi des marques connues pour leurs chapeaux, cache-oreilles et sacs en fourrure recyclée.

Les prix des enchères sont de nouveau à la baisse, mais M. Herscovici soutient qu’en termes de mode, la fourrure est de nouveau dans le vent. Elle apparaissait dans plus de 70 pour cent des collections de designers l’an dernier.

«Il y a des grandes occasions pour les différents designers en ce moment, croit-il. Je pense que nous sommes sur le point de découvrir un commerce de la fourrure très différent.»

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