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Référendums et droits des minorités

Hand of a person casting a ballot at a polling station during voting. Photo: Getty Images/iStockphoto

Dans une chronique récente, j’exposais les écueils du nouveau projet de loi visant à bonifier l’autonomie municipale. Sa proposition la plus controversée vise à abroger, pour les villes de Montréal et Québec, l’obligation de tenir un référendum pour toute modification ultérieure aux règlements de zonage en place.

Pour des raisons relevant souvent de l’évidence, cette même idée semble, sous plusieurs aspects, causer problème. L’abandon de la participation citoyenne au profit d’une accentuation de l’influence, déjà substantielle, d’intérêts affairistes. Et tant pis pour le maire Coderre, lequel se frotte, bien entendu, les mains par anticipation.

Faute d’espace, cela dit, je n’ai pu explorer un volet assurément problématique du processus référendaire actuellement en place: celui qui, sous des couverts de fausse démocratie, assujettit les libertés civiles reconnues au diktat de la majorité.

Plusieurs exemples viennent, aisément, en tête. Pensons notamment aux cas récents de référendums à Outremont et Ahuntsic, où la loi du nombre a manifestement brimé l’exercice de la liberté de religion respective de juifs hassidiques et musulmans. Au nom de quoi? De la majorité.

Eh oui. Demander au plus grand nombre de discuter des droits protégés de petits groupes. Drôle d’idée, quand même, non? Une petite citation de Tocqueville: « Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l’origine de tous les pouvoirs. Suis-je en contradiction avec moi-même? ».

À mon sens, rien de contradictoire. Plutôt une réflexion confirmant l’importance de la symbiose entre la démocratie et l’État de droit. Oui, la volonté populaire importe. Mais celle-ci ne constitue pas le seul paradigme applicable. L’État de droit, soit la nécessité de respecter les règles du jeu établies, compte tout autant.

En d’autres termes, et comme le confirme la Cour suprême dans le célèbre Renvoi sur la sécession du Québec, le concept de démocratie se veut plus riche que la simple loi de la majorité. Une telle vision apparaît, quand on y pense, à la fois désuète et réductrice.

Mon point? Tout régime qui se respecte a su assurer la pérennité de son mode démocratique par l’établissement d’assises constitutionnelles solides. Le respect, pour seul exemple, des libertés prévues aux Chartes. Comme la liberté de religion. Histoire, justement, d’optimiser le principe démocratique. Celui où une majorité, par frustration ou populisme, se refuse de sombrer dans la violation des garanties constitutionnelles protégeant les minorités des affres des passions populaires et autres poussées démagogiques. La tyrannie de la majorité, en bref.

Morale de l’histoire? Les référendums municipaux, tel que précédemment discuté, constituent un rempart solide à l’encontre du trafic d’influence de promoteurs parfois peu vertueux. Mais ils peuvent, par la même occasion, devenir de sérieux instruments d’oppression des minorités. Si ce qui précède est juste, la solution se veut, ainsi, plutôt simple: on conserve les référendums en question, sauf quant aux questions portant sur les libertés civiles garanties. Et voilà le travail.

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