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Pourquoi l’aide sociale attire autant de mépris?

HO / La Presse Canadienne Photo: La Presse canadienne

MONTRÉAL — Au Québec, les bénéficiaires d’aide sociale sont victimes d’un mépris tenace et insidieux qui se répand jusque dans le vocabulaire courant.

Tellement que, selon un sondage réalisé en 2016 pour le compte de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ils forment l’un des groupes marginalisés qui font l’objet des pires préjugés et qui suscitent la plus grande méfiance.

Dans l’espoir de déconstruire cette perception et de mieux sensibiliser la population et les médias à la réalité de ces personnes en situation de pauvreté, deux professeurs de l’Université TÉLUQ veulent étudier la représentation des bénéficiaires d’aide sociale dans les médias québécois.

Afin de mener leurs recherches, Normand Landry et Anne-Marie Gagné, du Département Sciences humaines, Lettres et Communications de l’Université TÉLUQ, ont obtenu une bourse d’un peu plus de 24 000$ du programme de Subventions d’engagement partenarial individuelles du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).

Le projet intitulé «Sortir du cadre: représentations médiatiques et militantes de l’assistance sociale au Québec» vise à analyser la différence de représentation des bénéficiaires de l’aide sociale entre celle qu’en font les médias et celle qu’en font les groupes de lutte à la pauvreté.

La recherche qui mise sur la collaboration d’autres universitaires devrait se poursuivre tout au long de l’année et les résultats devraient être connus quelque part en 2020. Une exposition photo et un site web multimédia racontant le récit de vie de plusieurs personnes assistées sociales devraient aussi être présentés au public.

Selon le chercheur Normand Landry, le sondage de 2016 avait permis de démontrer que «la condition sociale au Québec est associée à un vecteur de discrimination» et que les Québécois ont intégré plusieurs principes de la culture nord-américaine.

«Par exemple, que la responsabilité de la pauvreté repose sur des choix individuels et non collectifs. Que les inégalités sociales sont naturelles et qu’on ne peut rien y faire. On s’estime maître d’oeuvre de sa destinée», décrit-il. En résumé, les gens croient que si l’on vit dans la pauvreté, on n’a que soi-même à blâmer.

Les deux hypothèses de départ qui motivent la recherche sont d’abord que la diversité des situations vécues par les bénéficiaires d’aide sociale sont méconnues, puis que les voix et perspectives de ces gens et de leurs groupes de défense n’obtiennent pas suffisamment d’espace médiatique.

«Lorsque l’on occupe moins d’espace médiatique, on a moins d’espace pour faire entendre nos voix pour s’imposer dans le débat public», avance le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains.

Normand Landry assure que l’objectif n’est surtout pas de faire porter le blâme aux médias, «mais d’avoir une idée de comment se construit la question de l’assistance sociale dans l’espace public».

Les résultats de la recherche pourraient aider à rehausser la qualité du débat public en ce qui concerne les programmes d’aide sociale et leurs prestataires «grâce à une meilleure compréhension de leur vécu», d’après le chercheur de la TÉLUQ.

Science et empathie
Le projet de Normand Landry et Anne-Marie Gagné comporte deux volets distincts, la science et l’empathie.

«Il y a un aspect très scientifique dans l’analyse médiatique, mais il y a aussi un aspect plus compréhensif où l’on veut mettre en relation le grand public et les personnes assistées sociales», explique M Landry.

«On rencontre des gens qui sont sur l’assistance sociale, on fait des photographies et on récolte des récits de vie», ajoute-t-il en précisant qu’une tournée du Québec est prévue pour ce volet.

On espère qu’en racontant la réalité humaine derrière l’image des préjugés tenaces, la population soit en mesure de mieux comprendre les enjeux sociaux associés à l’assistance sociale.

Les autres chercheurs qui prennent part à la démarche sont Sylvain Rocheleau de l’Université de Sherbrooke, Claudine Gagnon du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Mathieu Bégin de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains de l’Université TÉLUQ et Gretchen King de la Lebanese American University.

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