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Maltraitance: «Plus d’importance à la prévention» plaident des experts

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Photo: Josie Desmarais/Métro

À la suite de l’annonce de la création d’une Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, des experts en petite-enfance et en criminologie espèrent qu’une plus grande place sera faite à la prévention de la maltraitance.

Au Québec, le nombre de signalements faits à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) est en hausse constante depuis 40 ans, dépassant cette année les 100 000 signalements.

«J’espère que la Commission permettra au gouvernement d’être mieux éclairé sur ce que ça nécessite pour sortir de la maltraitance, et ce que ça nécessite pour ne pas s’y rendre. La DPJ devrait être le dernier recours», souligne la présidente du Conseil d’administration de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec, Michèle Goyette.

Même si elle croit que deux problèmes ne pourront attendre la fin de la Commission avant d’être adressés, soit comment diminuer de façon significative la liste d’attente et comment trouver les ressources humaines, Mme Goyette estime tout de même que la prévention devrait être une des pistes envisagées par la Commission pour diminuer le nombre alarmant de signalements.

«Intervenir précocement permet à la jeunesse de se sortir de situations difficiles, de grandir de façon épanouie, de vivre une vie productive et normale», affirme la présidente.

Abondant dans le même sens, Fannie Dagenais, directrice de l’Observatoire des tout-petits, considère qu’il est trop tard lorsqu’on fait appel à la DPJ, car «les gestes ont déjà été posés».

Comme Mme Goyette, elle est d’avis que la prévention est la voie à privilégier pour réduire le nombre de cas de maltraitance, notamment en aidant les parents.

«Oui, il faut détecter les cas de maltraitance, mais plus en amont que ça, il faut détecter la détresse et diriger les parents vers les bons services», indique Mme Dagenais.

Les familles québécoises sont de plus en plus exposées à différentes formes de stress, par exemple lié à la conciliation travail-famille ou aux finances, qui peuvent mener à l’anxiété, la dépression ou des dépendances.

«Les facteurs s’additionnent et le risque de maltraitance augmente. On peut comprendre que tout ça devienne une source de stress qui peut, malheureusement, mettre le feu aux poudres», explique la directrice.

Les deux expertes sont d’avis que cette prévention doit passer par un investissement «massif» dans les services en première ligne «pour que la situation ne se dégrade pas».

«Si un parent a un problème de santé mentale, qu’il a de la difficulté à avoir accès à un psychologue, il se peut que l’enfant soit négligé à cause de ça. Il faut que les parents aillent mieux. Il est là, le gros morceau», soutient Michèle Goyette.

Coûts à la société
Les répercussions de la maltraitance se font sentir au plan personnel toute la vie, mais, plus globalement, cela entraîne aussi des coûts sociaux importants.

Les coûts sont répertoriés principalement en santé (services en santé mentale ou soigner les blessures physiques) et en éducation (services éducatifs spéciaux en raison des troubles de comportement et d’apprentissage).

Se basant sur la dernière étude disponible, menée en 2003, l’Observatoire des tout-petits rapporte que les coûts directs et indirects liés à la maltraitance au Canada s’élèvent à 15,7G$.

«S’il n’y a pas de maltraitance, la DPJ n’a pas à intervenir, les enfants n’ont pas à être placés, la personne n’a pas à consulter plus tard. Au niveau de la petite-enfance, on parle de soutien spécialisé pour ces enfants, notamment pour des problèmes de langage ou des troubles de comportement. Là encore, ça va générer des besoins quant à l’embauche de personnel», détaille Fannie Dagenais.

Accueillant l’annonce de la création de la Commission avec «beaucoup d’espoir», Mme Goyette espère que le gouvernement aura «le courage d’injecter» les sommes nécessaires.

«Je ne vais jamais mettre en opposition un besoin versus un autre, mais investir dans l’enfance, c’est toujours payant à long terme. Comme société, on est pleinement gagnants à tous points de vue», juge-t-elle.

Un rapport comprenant des constats, une analyse et des recommandations devra être remis au gouvernement au plus tard le 30 novembre 2020.

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