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La crainte des martyrs

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Tel serait, je crois bien, un juste titre pour ces 15 mois de crise sanitaire qui, si la tendance se maintient, tirent (enfin) à sa fin. Jamais n’auront autant bougé, et de façon aussi imprévue, les plaques tectoniques de nos idéologies sociétales. Chacun aura été confronté à une rocambolesque aventure à l’extérieur de sa zone de confort, notamment intellectuelle, certains ayant même à insulter au quotidien un lectorat pourtant acquis à coups de sophismes, raccourcis et demi-vérités.

À titre perso, jamais n’aurais-je crû à avoir, un jour, à défendre intempestivement la constitutionnalité de mesures sanitaires, d’aucuns jugent attentatoires au corpus des libertés fondamentales enchâssées à mêmes nos chartes. Comme me rappelle Denis Lévesque à pratiquement chaque show: «Comme constitutionnaliste, t’es pas supposé être un ambassadeur de l’État de droit, toi?».

Oui, je suis supposé. Et en fait, je crois encore l’être. Au moins en un sens. Parce que si ces mêmes libertés ont un sens, ce dernier doit prendre source, sinon racine, dans le cadre d’un exercice de pondération, soit celui des intérêts collectifs. Un exemple : si la liberté d’expression est névralgique à toute démocratie, elle ne peut, non plus, s’exercer dans l’abstrait. Elle porte, en son sein, ses propres limites.

Sans surprise, ma chronique de la semaine dernière comparant le travail policier actuel et celui abattu (sans mauvais jeu de mots) en 2012 a, évidemment, fait crier au meurtre. Je participerais ainsi, et à mon tour, à la construction de cet échafaud dictatorial imposé par Arruda, Gates et autres reptiliens-illuminatis-bouffeurs-de-cadavres-en-sous-sol-de-pizzeria. Soit. J’assume.

Parce que des circonstances exceptionnelles en appellent, ou devraient le faire, à des mesures qui le sont tout autant. Celles-ci adoptées, on en assure le respect. Le job des flics et, ensuite, du judiciaire. Ainsi va l’État de droit.

Or, et comme discuté dans la chronique en question, on assiste présentement à un abandon, refus ou négligence des autorités d’agir, voire sévir, auprès d’une infime minorité mettant en péril les efforts d’une société quasi-entière. Seule hypothèse plausible: l’émission d’une directive «qui vient d’en haut», liant les mains policières. Hypothèse qui m’a été confirmé par une source-amie, proche ou issue des cercles en question. Ne pas échauder, donc, les complotistes-manifestants.

Ah bon? Et pourquoi donc? Pour quel mobile? Ne pas en faire des martyrs? Donne-moi une pause, dirait un Anglais. Des martyrs, ils s’en auto-créent eux-mêmes, depuis le début, à chaque deux jours. Faudrait donc accepter leurs propres règles du jeu, au-delà de la loi? Violer la loi au nom d’une théorie du complot (par définition) débile? Tu refuses de porter un masque ou de respecter le distanciation physique? Deviens complotiste!

Eh ben…

Et qu’on se comprenne bien : jamais je n’encouragerai la brutalité policière. Mais entre celle-ci et décerner une contravention ou déclarer une manif illégale – particulièrement celle qui empêche une journée de vaccination sous le nuage de l’intimidation – me semble qu’il y a une sacrée marge.

Au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse vient d’obtenir des tribunaux une injonction interdisant les prochaines manifs anti-vaccins et anti-mesures sanitaires. Appelé à témoigner à titre d’expert, Dr Robert Strang – soit l’Arruda néo-écossais – a réussi a faire la preuve de l’évidence : les manifs du type, sans masques ni distanciation physique, bousillent les efforts sociétaux. En gros : «We cannot let a small group of individuals who willfully dismiss the science, willfully dismiss the evidence around how their actions could put other people at significant risk. We cannot allow that to happen and I’m very pleased with the judgment

Boum.

Comme l’écrivait Bukowski :«I am not the cruel type, but they are, and that’s the secret.»

Devant cette cruelle bêtise, soit celle de minimiser ou nier 3,3 millions de morts à travers le monde, restent les mesures exceptionnelles. Celles-ci requièrent, cela dit, non-électoralisme, courage et volontarisme. Pas donné à tous, malheureusement.

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