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Montréal est-elle prête à accueillir plus d’immigrants?

Photo: iStock

Ottawa a augmenté ses seuils d’immigration pour «répondre aux besoins de l’économie». En 2025, le gouvernement fédéral veut accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents. En 2023 et en 2024, les seuils d’immigration seront de 465 000 et 485 000 nouveaux arrivants. Mais la ville de Montréal sera-t-elle capable de bien les accueillir?

«Ils sont où, les logements?», rétorque Martine Hilaire, intervenante et médiatrice culturelle à l’organisme Le Temps d’une pause. Expérimentée dans l’accueil des immigrants, elle s’inquiète du manque d’offre locative. D’après l‘Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), il faudrait construire 60 000 logements dans la région métropolitaine de Montréal rien que pour combler les besoins actuels.

L’immigration est un «défi en termes de logement», abonde Brahim Boudarbat, économiste et spécialiste de l’intégration des immigrants au marché du travail au sein de l’Université de Montréal (UdeM). «C’est évident qu’accueillir une nouvelle population de 40 000 à 50 000 par an – c’est l’équivalent d’une ville moyenne – met de la pression sur une crise du logement déjà importante.»

Le chercheur considère qu’«il faut que l’offre de logement suive l’arrivée de ces gens-là, sinon la demande va exploser». Cela aurait un impact négatif sur le prix des logements, mais aussi sur le montant des loyers.

Problème: il manque de travailleurs dans la construction pour faire sortir ces maisons et appartements de terre. «C’est le nœud du problème. On dit que l’immigration doit servir en premier lieu pour répondre aux besoins du marché du travail, mais il y a un besoin immédiat», martèle M. Boudarbat.

Régler la pénurie de main-d’œuvre

De nombreuses entreprises font pourtant appel au gouvernement pour remédier à la pénurie de travailleurs qui les frappe. «Le Canada a le potentiel d’attirer des talents de partout dans le monde pour aider à accroître notre main-d’œuvre, à combler la pénurie des compétences pour être concurrentiel au 21e siècle», déclarait sur Twitter Sean Fraser, le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

Cette nouvelle était d’ailleurs bien reçue par les Syndicats des métiers de la construction du Canada. «Historiquement, c’est grâce à l’immigration que nous avons pu accroître notre main-d’œuvre, remplir nos bureaux syndicaux et bâtir l’infrastructure du Canada», rappelait Sean Strickland, directeur exécutif du syndicat.

Dans un rapport remis en 2022 au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec (MIFI), l’économiste Pierre Fortin, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), juge que la politique fédérale en immigration «donne peu de résultats économiques probants en niveau de vie, en vieillissement et en solutions aux pénuries de main-d’œuvre».

«Ça peut résoudre le problème à court terme dans certains secteurs comme la restauration et la santé», ajoute Marc Termote, démographe spécialiste en sciences de la migration. Pour lui, sur le long terme, «l’immigration ne résout pas la pénurie d’employés. Elle crée elle-même une pénurie d’employés.»

Brahim Boudarbat explique cela par la demande additionnelle que créent les nouveaux arrivants dans plusieurs secteurs déjà sous tension. «Cela entraîne plus de besoins en services de santé, d’éducation. […] Plus le nombre d’immigrants est élevé, plus on a besoin d’investir dans ces services», souligne-t-il. 

Des pistes de réflexion

La part d’immigrants dans la population du Canada est de 22,3%. Ils représentent aussi 26,1% des aides-infirmiers, aides-soignants et préposés aux bénéficiaires de la province. Dans les autres professions, ce taux est de 14,7%. Même si l’immigration implique une pression supplémentaire sur le réseau de la santé, elle permet donc aussi de résoudre la pénurie de travailleurs qui gangrène ce dernier.

Faut-il donc mieux cibler les immigrants expérimentés dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation et la construction? Oui, répond M. Boudarbat, mais il y a un «décalage important entre les immigrants qu’on sélectionne aujourd’hui et qui n’arriveront que dans deux ans, et la réalité du marché qui évolue rapidement […] Il faut que le système d’immigration s’adapte à ce marché en identifiant rapidement les immigrants qui pourraient occuper ces postes vacants, et les admettre rapidement», plaide le chercheur.

Au-delà de la lenteur des démarches, les structures et organismes d’accueil et d’intégration fonctionnent parfois en silo. Autant d’incompréhension suscitée chez les nouveaux arrivants que de défis pour ceux qui les reçoivent. «On essaie de défaire les nœuds [du système]. Il faudrait plus de cohésion dans la façon de travailler», avance France Dussault, directrice générale de Qualifications Québec.

Pour préserver le français, Québec étudie différentes propositions, comme le confirme une source gouvernementale à Métro. L’une d’entre elles consisterait à créer une nouvelle catégorie d’immigration pour les étudiants et les travailleurs temporaires déjà intégrés au Québec.

Une option à laquelle est favorable l’économiste spécialiste de l’immigration. Pour aller plus loin, il propose même un système d’immigration en deux temps. «On peut admettre des travailleurs de façon temporaire et rapidement. On peut leur laisser le temps de satisfaire les exigences, et dès qu’on sent qu’ils s’intègrent bien, leur offrir la résidence permanente». La clé? Réviser les programmes en immigration.

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