Interdiction des produits de vapotage à saveur: une fausse bonne idée?
L’industrie du tabac s’oppose au projet d’encadrement légal de l’industrie du vapotage du ministre de la Santé. Le projet, qui implique notamment le retrait des saveurs dans les produits de vapotage et l’imposition d’un volume maximal pour les contenants de liquide à vapoter, survient quelques mois après l’annonce d’une taxe sur les produits du tabac.
«On est déçu de voir que le ministre veut bannir toutes les saveurs», déclare le vice-président des affaires juridiques et externes chez Imperial Tobacco Canada, Éric Gagnon. «Plusieurs experts de la santé publique reconnaissent que les saveurs jouent un rôle pour inciter un adulte à essayer le vapotage pour essayer de cesser de fumer la cigarette», précise-t-il, en ajoutant que «le vapotage est moins néfaste que la cigarette».
Pour le ministre de la Santé, Christian Dubé, le projet vise surtout à limiter l’attrait du tabac pour les jeunes fumeurs. «C’est excessivement payant pour les lobbys de cigarettes de s’adjoindre avec le vapotage, car c’est une façon d’encourager les nouveaux fumeurs, a-t-il affirmé. Nous, on est très fermes là-dessus, on a une recommandation de la santé publique et on y va avec ça.»
Une fausse bonne idée?
Pour sa part, Éric Gagnon reconnaît qu’il est important de tenter de réduire le tabagisme chez les jeunes, mais selon lui, la «prohibition ne fonctionne pas», mentionne-t-il, rappelant que «plusieurs jeunes se procurent de l’alcool». À son avis, il faudrait plutôt «punir davantage ceux qui vendent aux jeunes» parce que l’interdiction complète ne fera qu’augmenter la taille du marché noir en plus d’augmenter le taux de fumeurs de cigarettes.
En Nouvelle-Écosse, quand le gouvernement a banni les saveurs, sauf “tabac” et “menthe”, la vente de cigarettes légales a augmenté de 20%.
Éric Gagnon, vice-président des affaires juridiques et externes chez Imperial Tobacco Canada
Le ministre Dubé s’est dit «conscient» du potentiel de développement du marché noir pour ces produits, mais maintient que le gouvernement «ne veut pas participer à favoriser l’accès» au tabac au sein de la population.
Le vapotage a la cote chez les jeunes
La fondation Cœur + AVC, qui a longtemps milité contre le tabagisme juvénile, notamment en réaction au taux élevé du vapotage dans cette tranche d’âge, se réjouit de la nouvelle. «Ces nouvelles mesures sont essentielles pour faire face à la crise du vapotage chez les jeunes», souligne la fondation par voie de communiqué. «Plus du quart des jeunes ont commencé à fumer la cigarette après avoir commencé à vapoter, car ils sont dépendants à la nicotine […] Nous savons que la nicotine est nocive pour les cerveaux en développement», précise le directeur québécois des relations gouvernementales pour Cœur + AVC, Kevin Bilodeau.
Neuf jeunes sur dix mentionnent que c’est une raison importante pour laquelle ils ont commencé à vapoter et le même nombre affirme que c’est un facteur important pour continuer.
Kevin Bilodeau, directeur québécois des relations gouvernementales de Cœur + AVC
Un sondage réalisé auprès de Québécois âgés de 16 à 24 ans ayant vapoté au moins une fois par semaine pendant trois mois montre par ailleurs que les jeunes commencent à vapoter avant l’âge de 15 ans et qu’ils «vapotent six jours par semaine» et «31 fois par jour». Mené dans le cadre d’une étude financée par Cœur + AVC, ce sondage a été effectué entre novembre 2020 et 2021.
Le règlement gouvernemental, qui fera l’objet d’une période de consultation de 45 jours, entrera en vigueur dans 90 jours. Un règlement similaire a été instauré par l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Nunavut et les Territoires-du-Nord-Ouest.