Échapper le Plateau
J’ai vu deux Plateau en fin de semaine. Celui de dimanche, baigné de soleil, où les promeneurs sortaient littéralement par toutes les craques du trottoir. L’autre, celui de samedi, tout sombre et triste au centimètre cube. Sur Laurier, le temps était long, et le vide déprimant.
Vous connaissez l’histoire: la mise en place du système de vignettes pour le stationnement des résidants est un coup dur à encaisser pour les marchands du coin. Un autre… Déjà qu’on avait l’impression de jouer aux serpents et échelles pour se rendre dans le quartier en bagnole, désormais, il est virtuellement impossible de se garer le temps de faire ses emplettes. Pour plusieurs commerçants, la taloche sera fatale.
J’en ai visité plusieurs. Des «de longue date» qui sont inquiets. Des nouveaux qui ont misé leur chemise pour se lancer en affaires et qui sont sur le point de se retrouver tout nus dans le chemin. Ils avaient choisi l’avenue Laurier parce qu’il y avait là, depuis toujours, une sympathique cohabitation entre le commerçant et le résidant. Ça, c’était avant.
Aujourd’hui, il y a ce fameux – pour ne pas dire furieux – maire d’arrondissement qui est en train de tout foutre en l’air avec son désir obsessif et maladif de chasser tout ce qui roule hors des limites du territoire dont il se croit l’unique dépositaire. Un idéaliste qui, au nom des résidants du coin, est en train de tuer toute activité commerciale là où, depuis toujours, des travailleurs gagnent leur vie. En voulant artificiellement monter les uns contre les autres (on dit diviser pour mieux régner), cet homme est en train de causer un tort irréparable au Plateau. Quand j’entends son estafette de service Marie Plourde – eille, Marie Plourde, on rit pu… – déclarer que l’opération vignette répond à un besoin parce que 600 stickers ont été vendus en un mois, tout en omettant de dire que les résidants du coin n’ont pas le choix de s’en procurer une s’ils ne veulent pas se faire coller des contraventions au quotidien, il y a de quoi se poser des questions sur l’honnêteté intellectuelle et sur l’honnêteté tout court de ces ayatollahs de l’urbanisme.
On attend après quoi pour les empêcher de continuer le massacre? Dans 30 secondes, il sera minuit.
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Entendu: West trainz, un double album concept du Montréalais Erik West-Millette. Petit-fils de cheminots, l’artiste nous offre ici une œuvre stupéfiante et inspirée de sa passion pour les rails sans fin. Des grooves qui donnent envie de partir loin loin loin. Un passeport essentiel pour l’été qui vient.