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Serge Bouchard, un amoureux du fleuve

L’anthropologue, essayiste et animateur Serge Bouchard écoute un interlocuteur le 12 janvier 2017 à Montréal. Photo: Mario Beauregard/TC Media

«Pointe-aux-Trembles était une des plus belles places de l’île de Montréal pour la qualité de vie», estime l’anthropologue, écrivain et animateur radio Serge Bouchard, qui a connu l’industrialisation sauvage de la pointe de l’île et rêve aujourd’hui d’une meilleure protection du fleuve Saint-Laurent et des boisés.

Aujourd’hui âgé de 69 ans, Serge Bouchard a longtemps vécu «au bout de l’île», où, étant petit dans les années 50, il contemplait le fleuve Saint-Laurent au bord de la rue Notre-Dame Est. Dans son plus récent recueil d’essais, Les yeux tristes de mon camion, paru en novembre dernier sous Boréal, l’ex-Pointelier se remémore le passage du yacht privé de la reine d’Angleterre, de bateaux de guerre, de régates, de navires commerciaux et autres. L’anthropologue rappelle également que l’histoire du Québec s’est déroulée sur le fleuve.

«L’ancien Pointe-aux-Trembles, avant toute l’industrialisation, était un très beau village», rappelle M. Bouchard. Il évoque les maisons des notables au bord de l’eau, les fermes, les rives, les chalets de vacances le long du fleuve.

Il rappelle même l’estime qu’avaient les premiers colons européens pour l’endroit.

«Pointe-aux-Trembles, c’est un paradoxe, parce qu’à l’état naturel, c’est un des plus beaux endroits sur l’île de Montréal sur le plan physique. Ç’a été remarqué au tout début de la colonie : les missionnaires en parlent. Pour eux, ça ressemblait à l’Europe avec des prairies naturelles, des feuillus, des chênes, des arbres matures et beaucoup d’eau […] Même Montréal-Est devait être une cité-jardin au début du siècle.»

Quand l’écologie n’existait pas

Dans Les yeux tristes de mon camion, M. Bouchard décrit «un paysage paléo-industriel» défiguré notamment par les raffineries de pétrole et les carrières. Il le dit bien : c’était une époque où «le mot écologie n’existait pas».

«Le fleuve était une sorte de référence : sa majesté le fleuve. Jusqu’au jour où il est devenu un dépotoir à ciel ouvert, le rejet des raffineries de pétrole. Il est devenu d’une eau noire et brune». – Serge Bouchard

Afin de préserver la mémoire et les usages du fleuve, l’écrivain propose dans son dernier opus la création d’une charte du fleuve Saint-Laurent. Il se dit conscient des considérations politiques d’un tel outil juridique. «Le fleuve est de compétence fédérale, alors si on le revendiquait pour nous-mêmes sur le plan humain, ça serait quasiment un acte d’indépendance», admet M. Bouchard.

L’est de Montréal, grand oublié

Le jeune Serge Bouchard était d’une époque où l’est de Montréal se sentait délaissé des grands projets d’infrastructures.

«À l’est de la rue Frontenac et même, de l’avenue Papineau, point de salut.» – Serge Bouchard

Il se souvient d’avoir eu maille à partir avec l’ancien maire de Montréal, Pierre Bourque, lors d’un événement public à Pointe-aux-Trembles.

«Il y avait beaucoup de monde et j’avais lu un passage de mon livre Le moineau domestique, dans lequel ça dit : « le métro ne viendra jamais jusqu’à Pointe-aux-Trembles, mais moi je suggère qu’un métro en or soit construit pour les gens de Pointe-aux-Trembles pour avoir payé le prix du progrès, été élevés au cœur des raffineries de pétrole, dans le soufre, dans les odeurs, la pollution et les laideurs.»

La mort du vieux quartier

Serge Bouchard a fait son école primaire dans le Vieux Pointe-aux-Trembles, à l’École Saint-Enfant-Jésus, mais aussi au Collège Roussin et dans le sous-sol de l’église Saint-Enfant-Jésus, en attendant la construction de l’école du même nom.

«C’était plein de vie à l’époque dans le village», dit-il. «Il y avait un barbier au coin de la rue Ste-Anne, des restaurants, une quincaillerie dans le village. Mais quand il y a eu les commerces sur la rue Sherbrooke, le village est mort, entièrement et complètement.»

Il se réjouit de voir que des initiatives ont cours pour revitaliser le vieux quartier, comme la restauration du vieux moulin à vent en 2009 et la formation d’une association de commerçants en 2015. Il félicite également le travail de mémoire de l’Atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles.

«Je suis content de voir qu’il y a une nouvelle énergie pour une nouvelle identité dans l’est parce qu’il faut  revenir à la case départ […] Et il y a encore d’ailleurs, des choses à protéger : des boisés comme celui entourant la Chapelle de la Réparation, où on raconte que se tient le plus vieil arbre de l’île de Montréal. Ce chêne aurait 350 ou 400 ans.»

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