L’atelier Pierre Thibault: Au cœur des écrins verts
L’atelier Pierre Thibault, c’est un panorama de la vision du renommé architecte québécois. C’est aussi un projecteur sur son respect du cadre naturel, sur son désir de briser la frontière entre l’extérieur et l’intérieur, sur l’intégration qu’il fait de la nature dans ses créations. Sur tous ces «écrins verts» qu’il crée.
Portée par une esthétique pure, une grande luminosité, une finesse manifeste, la websérie dédiée à L’atelier de Pierre Thibault se décline en deux saisons. La première se concentre sur plusieurs maisons conçues à la campagne. La seconde, sur la façon dont il réussit à recréer des habitats calmes, verdoyants, en ville. Mais au fond, ces deux saisons nous entraînent sur quatre, les paysages se transformant à leur gré devant ces fenêtres immenses et nombreuses qui font partie de la signature de l’architecte.
C’est cet effet de «tableaux vivants» que la réalisatrice et monteuse Claude Bastien a souhaité traduire à l’écran. Cette harmonie, aussi, et cette idée voulant «qu’on n’est pas nécessairement obligé d’aller à la campagne pour connaître une certaine quiétude».
Endroit exemplaire à cet effet: le Japon. Dans cet épisode, monté par Claude, on se rend à Tokyo, à Nara, à Kyoto. Là où les espaces verts se manifestent partout, malgré l’intense densité de population. «Au Québec, la nature est très présente, explique Pierre Thibault aux étudiants qui l’accompagnent dans ce périple. On a des forêts immenses… mais on n’y va pas forcément. Et la majorité des gens vivent dans des lieux où la nature est très domestiquée, presque aseptisée. Quand on pense aux banlieues, ce sont des pelouses, auxquelles on vient ajouter quelques arbustes.»
«Ce qu’on a voulu faire ressortir dans cet extrait, remarque la cinéaste de 26 ans, c’est la façon dont les Japonais ont réussi à gérer l’espace, ainsi que leur compréhension et leur respect de la nature. Ils sont extrêmement nombreux, mais on ne sent pas que tout est empilé.»
Question explorée aussi: comment laisser une place à la nature sans la contrôler, pour qu’elle soit en harmonie avec le cadre bâti? À ce propos, Pierre Thibault remarque qu’en terre nippone, «la nature est au cœur même de la maison. Pas seulement en périphérie. On va la chercher, on lui donne une place de choix».
La série nous amène également à La Havane, joyau où le temps semble, sous certains aspects, s’être figé. On se transporte aussi plus près de chez nous, à Saint-Élie-de-Caxton, où on explore la continuité dans la modernité, où on cherche à s’éloigner du modèle de la banlieue et où on «évite d’utiliser Fred (lire Pellerin – et sa notoriété) à outrance».
Puis, dans l’épisode justement intitulé «Habiter la nature», si bien cadré par la direction photo de Thomas Leblanc-Murray et Thomas Szacka-Marier, on quitte la ville pour se rendre dans les Laurentides et des maisons imaginées par Pierre Thibault où on se sent «réellement lié au territoire, lié au Bouclier canadien».
Pierre-Charles Boucher, le propriétaire d’une de ces superbes demeures, s’extasie devant «le magnifique rapport entre l’intérieur et la nature autour». «J’ai toujours aimé la tension entre divers matériaux, entre le métal et le bois. Mais ici, c’est entre la maison, toute claire, et le paysage, qu’elle découpe. C’est très orthogonal, très dégagé, très épuré. Et à côté, il y a toute cette force. C’est vert. On est dans un écrin vert.»
Dans une autre demeure, sise au lac Masson, un couple raconte sa nouvelle vie. Au cœur de ce grand espace, où l’extérieur fait, justement, partie de l’intérieur, leur quotidien a radicalement changé. «La contemplation imposée de la nature a fait revenir mon envie de poésie», remarque le père de famille, étonné et comblé de s’être remis à écrire des poèmes. Belle image.
«C’est un motif qui revient souvent dans le travail de Pierre Thibault et qu’on voulait souligner dans la série : quand on s’inscrit dans un territoire, il faut d’abord comprendre sa nature.» – Claude Bastien, réalisatrice
Pour la réalisatrice, ces décors rêvés ont été d’une inspiration immense. «C’était lumineux, incroyablement photogénique.»
Par la mise en scène, la musique et ces «plans longs qui respirent», Claude Bastien a par ailleurs souhaité transmettre l’effet de calme ressenti en entrant dans ces enceintes, oasis de paix, que l’architecte appelle parfois ses «cabanes de lumière». «Je voulais que ce soit apaisant.»
La première fois qu’elle est entrée dans une maison de Pierre Thibault, dans le cadre du tournage de la première saison, c’est ce qu’elle a ressenti. En plus d’avoir été soufflée par les détails, le raffinement.
Claude, qui termine une maîtrise en communications sur les médias numériques intégrés à l’architecture publique, s’intéresse aussi à l’idée de respecter le territoire, en embrassant une certaine modernité. Désir traduit, entre autres, dans l’épisode dédié à l’architecture vernaculaire. Soit «celle qui est en adéquation avec le climat, avec la culture, avec les matériaux disponibles; qui a été faite dans un site donné avec les artisans de cette région. Qui se faisait à l’époque sans architecte.»
La réalisatrice, qui habite à Montréal, souligne que ce projet l’a éveillée, sensibilisée au développement des espaces urbains. Et elle espère qu’il produira la même réaction, réflexion, chez autrui. «Après les premiers tournages, ça m’a frappée. Je trouvais que les espaces publics étaient trop souvent façonnés par du béton, qu’il n’y avait pas assez de lumière dans mon appartement. J’étais plus attentive à mon environnement. Maintenant, c’est comme si je pouvais mettre des mots sur des états que je ressens par rapport aux espaces.»
L’atelier Pierre Thibault
Saison 1 et 2 à visionner sur le site de La Fabrique culturelle