Au pays de Félix Leclerc
Le court métrage d’animation MacPherson, de la Montréalaise Martine Chartrand, précédera le film d’ouverture Million Dollar Crocodile au Festival des films du monde (FFM).
Le précédent court métrage de Martine Chartrand, Âme noire, avait remporté l’Ours d’or au Festival de Berlin il y a une dizaine d’années. Mais de son propre aveu, la cinéaste est encore plus nerveuse à l’idée de présenter MacPherson, film d’animation inspiré de la chanson du même nom de Félix Leclerc, en compétition mondiale au FFM. «Je trouve ça magnifique, c’est un cadeau pour le domaine de l’animation que de présenter ce film chez moi, au pays de Félix», précise-t-elle.
Admiratrice de Félix Leclerc depuis sa tendre enfance – «J’ai toujours adoré la musique jazz et tzigane, et j’avais remarqué que Le train du Nord de Leclerc avait un côté très blues, mais en français», dit-elle –, Martine Chartrand a voulu explorer, avec cette production de l’Office national du film, un «côté de lui qu’on connaît moins». Elle a ainsi illustré l’amitié entre le chanteur et un draveur jamaïcain, aussi ingénieur chimiste, en utilisant seulement des images et la musique.
«En sachant que c’était un ami de Félix Leclerc, j’ai décidé de ne pas faire que de l’illustration, mais aussi une longue recherche, pour découvrir l’homme, raconte la cinéaste. On ne sait pas grand-chose sur lui, il est décédé en 1951, on dit qu’il est mort gelé, mais en fait il a probablement succombé à un arrêt cardiaque, chez lui. Il habitait proche de chez les Leclerc, et ce sont eux qui l’ont découvert. Toute cette amitié avec les Leclerc, je trouvais ça beau de l’illustrer. Mais ce n’était pas évident de tout raconter en 10 minutes et de garder quelque chose de véridique parce que ça parle de personnages réels.»
C’est donc par la voix de Félix Leclerc, la musique de Django Reinhardt et celle de Schubert, (qu’affectionnait MacPherson), ainsi que par les mélodies du Trio Bon Débarras que Martine Chartrand a évoqué l’histoire du draveur, sans narration. Mais d’abord, elle a dû s’armer de patience pour mener à bien l’illustration et l’animation de son histoire, qu’elle a choisi de réaliser en peinture sur verre. Un travail de moine qui lui a pris huit ans.
«Au départ, je pensais faire le mix de deux animations, un peu comme pour Âmes noires, explique l’artiste. J’avais pensé faire du travail en dessin pour Félix et MacPherson, pour les rendre plus réalistes. Mais finalement, j’ai tout fait en peinture sur verre pour obtenir un meilleur passage entre la chanson, l’histoire et l’image. Tout ce qui concerne la drave, c’est très fluide, alors la peinture était l’idéal.»
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Un travail qui a demandé bien des défis : «Quand on peint un personnage, on doit le détruire, fait-elle remarquer. On met 20 ou 25 minutes à le peindre, on prend deux petites images… et on l’efface. C’est comme déchirer un tableau! Mais le plus difficile, c’était d’être isolée pendant tout ce temps. C’est pour ça que j’étais si heureuse quand une belle équipe s’est jointe à moi à la fin, pour m’aider à prendre du recul et à finaliser le projet.»
Et maintenant que le travail est terminé, c’est la réaction des gens qu’anticipe particulièrement Martine Chartrand. «J’ai montré le film à Monsieur Bouchard, un ancien draveur gaspésien de 80 ans, et il était ému de voir les scènes sur la rivière, se remémore la réalisatrice. Il m’a dit : “Tu as illustré ça comme si tu en avais fait”. Dans ce temps-là, on sent qu’on a fait un travail de mémoire, de société, et c’est ce qui m’a poussé à ne pas abandonner.»
MacPherson
Au cinéma Impérial jeudi à 10 h et vendredi à 14 h
Au Théâtre Maisonneuve jeudi à 19 h 30