Tout sur la mère du cinéaste Jonathan Caouette
En 2003, Jonathan Caouette jetait les cinéphiles à terre avec Tarnation, portrait de son enfance chaotique passée entre les foyers d’accueil, ses grands-parents excentriques et sa mère atteinte de troubles bipolaires. Il nous revient avec une suite qui n’en est pas tout à fait une et qu’il n’avait jamais vraiment prévu, ou même voulu, tourner.
Il y a deux ans, Jonathan Caouette était invité au Festival du Nouveau Cinéma pour y présenter All Flowers in Time, un court-métrage expérimental mettant en vedette Chloë Sevigny. À l’époque, il nous avait parlé d’une possible suite qu’il préparait à son premier long-métrage, devenu culte, Tarnation. À la blague, il avait lancé qu’il comptait appeler ça Avatarnation. «Oh oui! Ou Reintarnation! se souvient-il en riant au bout du fil. Mon Dieu, j’ai l’impression que c’était il y a mille ans! Je ne peux pas croire que j’ai réussi à finir ce film depuis. C’est fou. Je suis content qu’il soit enfin sorti…»
Ce qui étonne et qui fascine toujours, c’est le ton chaleureux et posé du cinéaste américain. Généreux, affable, il parle de sa famille, de son œuvre, de vraiment tout, avec calme et gentillesse. Il nous confie que Walk Away Renee, le fameux sequel de Tarnation, est sans conteste «un des films les plus douloureux» qu’il ait eu à tourner de sa vie. Il est d’ailleurs passé par cinq versions différentes avant d’en arriver à celle qui sera projetée ce soir à l’Ex-Centris. «Je serai éternellement insatisfait de ce film, avoue-t-il.
Vous savez, quand il vous arrive quelque chose d’extraordinaire et que, par la suite, quand vous essayez de le raconter à vos amis, vous n’y arrivez tout simplement pas? La seule façon de le comprendre, de le ressentir, c’est vraiment d’avoir été là. Et c’est ce qui m’est arrivé avec Walk Away… Ça me fâche, mais je me console en me disant que c’était tout simplement impossible de transposer au cinéma tout ce que je souhaitais exprimer…»
Pourtant, ce documentaire poignant est de ceux qui nous virent à l’envers et dont on ressort complètement sonné. On y retrouve Adolph, le grand-père de Jonathan, resté seul après la mort de sa femme et sombrant lentement dans la démence. On revoit aussi, bien sûr, Renee, la maman du réalisateur, la femme au centre de sa vie et, pour une grande part, de son travail. «C’est une personne magnifique et énigmatique, confie-t-il. Pour moi, comme pour certaines personnes qui ont vu Tarnation, elle est devenue, en quelque sorte, une héroïne.»
Ayant subi des électrochocs lorsqu’elle était petite, Renee s’est vite mise à souffrir de troubles schizophrènes et bipolaires. Au cours de son existence, elle a séjourné dans des dizaines d’institutions psychiatriques, a avalé un nombre inouï de cocktails médicamenteux et a fait d’innombrables crises. Lorsque Walk Away… débute, elle réside dans un établissement du Texas. Et elle ne va pas bien. Jonathan apprend que son médecin a changé son lithium pour des pilules qui ne l’aident pas du tout.
Il décide alors que c’est assez et débarque à bord d’un «giant ass U-Haul» (un gigantesque camion de déménagement) pour ramener sa mère à New York, la ville où il habite avec son amoureux et son fils. Comme dans Tarnation, le réalisateur parle de lui-même à la troisième personne du singulier tout au long de ce périple. «C’est une façon pour moi de me dissocier de la réalité, de ma réalité», dit-il.
Disant se sentir mieux aujourd’hui que lorsque son premier film est sorti, Jonathan Caouette confie que Walk Away… est non seulement une ode à sa famille, mais aussi, en quelque sorte, «une œuvre de transition.» Après avoir signé deux documentaires très personnels, il avoue qu’il a soif d’autre chose. «J’aimerais bien réaliser un film de fiction dans lequel je donnerais un rôle à ma mère; dans lequel je lui permettrais de jouer un autre personnage que le sien. Un vrai rôle de cinéma…»
Walk Away Renee
Ce jeudi à 19 h à l’Ex-Centris
Dans le cadre de Docville