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Aveuglement involontaire

geneviève vézina-montplaisir, Métro

Avec Blindness, Fernando Meirelles a relevé son plus grand défi cinématographique. Le réalisateur de City of God et de Constant Gardener a réussi à mettre en scène des personnages qui sont quasiment tous aveugles et à en faire un film.

Dans ce long métrage adapté du roman du prix Nobel de littérature José Saragamo, une épidémie rend peu à peu les gens aveugles. Les personnes affectées par la maladie sont envoyées en quarantaine dans un hôpital désaffecté. Il s’y crée une petite communauté où rapidement la criminalité et les rapports de force font loi. Au milieu de cette noirceur, une seule femme (Julianne Moore) peut voir, mais elle garde le secret. Elle a accompagné son mari (Mark Ruffalo) dans ce cauchemar et elle deviendra guide de sept malades qui formeront, au fil du temps, une famille.  

«Après avoir accepté de faire le film, je me suis dit que j’étais dans la merde!, confie d’emblée le réalisateur brésilien de passage à Montréal. Premièrement, adapter le livre d’un gagnant du prix Nobel de littérature, que tout le monde aime, me faisait peur. Deuxièmement, faire un film dans lequel je ne pouvais pas compter sur les yeux des acteurs relevait de l’impossible. Quand tu fais un film, tout tourne autour du regard. Quand tu fais le montage, tout part du point de vue des personnages. La relation entre deux personnes dans la vie se passe par le regard. Par l’expression de leurs yeux, tu vois ce que les gens ressentent.»

Cependant, Fernando Meirelles a trouvé des trucs et des techniques pour plonger le spectateur dans cette ambiance sombre. Les images de Blindness sont donc parfois surexposées et elles ne sont pas toujours mises au point. Le réalisateur joue aussi beaucoup avec la réflexion des images et avec le son pour créer une atmosphère particulière. 

«Ç’a créé de la poésie dans le film, parce qu’il y a quand même de l’espoir dans cette Å“uvre noire, affirme le cinéaste. C’est l’histoire de gens qui perdent leur humanité, mais il y a ce groupe de personnes qui développent une vraie affection et qui, ensemble, vont tenter de la retrouver et de reconstruire leur façon de voir les autres.»

Non-voyants sur le plateau
Puisque les acteurs principaux du film n’avaient jamais joué des non-voyants – et lui non plus! – Fernando Meirelles et toute l’équipe ont suivi des ateliers. Le Canadien Don McKellar, qui signe aussi le scénario, Julianne Moore, Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal, qui joue un truand, Danny Glover, qui est l’alter ego de l’auteur, les autres acteurs et toute l’équipe technique se sont affublés d’un bandeau et ont parcouru la ville de São Paulo à pied, en essayant de s’habituer à leur nouveau statut.

«C’est drôle parce qu’au début, quand tu ne vois pas, tu places tes bras en l’air, les mains devant toit et tu marches comme un zombie, explique le réalisateur. Mais après 20 minutes, tu deviens fatigué, alors il faut que tu trouves une nouvelle façon de bouger, de toucher les choses. C’est ce que les acteurs devaient apprendre.»

La liberté de ne pas voir
Avec la cécité de presque tous les protagonistes, le tournage qui s’est principalement déroulé à Guelph, en Ontario, n’a pas toujours été de tout repos. Les acteurs devaient être touchants, crédibles, habiter leur personnage et jouer des aveugles aux yeux ouverts. Leur état de concentration devait toujours être à son maximum.

Cependant, certains d’entre eux, dont Danny Glover ont découvert une certaine liberté dans ce nouvel état.  

«Je ne voulais pas faire une imitation de Stevie Wonder, souligne l’acteur arrivé depuis peu du Festival du film de Toronto.  Quand on ne voit pas, on perçoit beaucoup d’autres choses : le soleil sur la peau ou la différence entre être à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment. J’ai trouvé ça libérateur, d’un côté, parce que je n’avais jamais perçu les limites de la vue. Quand tu ne vois pas, tu as une autre sorte d’intuition et d’instinct. Même au milieu d’une scène, je n’essayais pas de penser que je ne voyais pas, je réfléchissais plutôt à toutes les autres choses que je sentais avec mon corps. J’ai aussi pris davantage conscience de ma respiration en étant aveugle.»

Américains, Brésiliens, Canadiens, Japonais, tous les membres de l’équipe de Blindness sont devenus très proches après un tournage aussi intense. Fernando Meirelles a d’ailleurs adoré tourner au Canada et pourrait même y faire son prochain film…

Blindness

En salle le 3 octobre

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