Il danse avec les mots
Pour s’amuser, Ivy n’a pas besoin de grand-chose, seulement d’un peu de la richesse de notre langue française. Quelques lettres, un peu d’imagination et le slameur engagé transforme et mélange les mots pour leur donner une toute nouvelle signification poétique.
Instigateur de la première scène de slam de poésie francophone au Québec, la Ligue québécoise de slam, Ivy a lancé en mars 2008 son tout premier album, Slamérica, qui mêle slam, poésie et musique.
Après quelques mois de tournée, pendant lesquels il a fait découvrir le slam un peu partout en province, l’artiste est maintenant prêt à prendre d’assaut la métropole avec la première de son spectacle.
De prime abord, quand on visite le site internet d’Ivy, ivycontact.com, on est étonné d’y découvrir un tout autre pan du slam. Parce que, contrairement à ce que la culture populaire nous a fait croire, ce que Grand Corps Malade a popularisé n’est pas du «vrai» slam.
«Un slam de poésie est un concept de soirée de poésie mis au point par Marc Smith, à Chicago, à la fin des années 1980. Le but de ce spectacle est de réunir les poètes autour de la poésie et de consolider, maximiser, la relation avec le public. Sur cette scène, au moins six poètes slament à tour de rôle leur création en moins de trois minutes, sans aucun accessoire [ni musique]. Leur performance est jugée par des membres du public choisis au hasard. Le gagnant s’assure une place en demi-finales locales et se mérite un prix symbolique», peut-on lire sur le site d’Ivy.
«Il y a les dérivés du slam, les scènes ouvertes, d’où vient Grand Corps Malade, explique l’amoureux des mots. Les scènes ouvertes ne sont pas la même chose que les soirées de slam de poésie, mais elles ont gardé du slam certains éléments, comme la brièveté du texte et l’importance du public. Pour les adeptes des scènes ouvertes, le slam c’est une manière de s’exprimer, tandis que, dans un slam de poésie, c’est le public qui s’exprime.»
Slam métissé
Cela étant dit, le poète affirme que slam et slam de poésie coexistent. Son CD en est un bon exemple, car sur celui-ci, il accompagne ses textes défendus en slam de poésie, de musique.
«Dans le fond, il n’y a pas de problème à faire du slam ou du slam de poésie si ce n’est que certains ne reconnaissent pas l’importance des autres, souligne le chanteur et musicien. Grand Corps Malade, lui, le dit. Ses disques ne sont pas des disques de slam, mais de poésie.»
Par ailleurs, Ivy reconnaît que la popularité de Grand Corps Malade et d’Ami Karim, avec qui il a partagé la scène cet été aux FrancoFolies, a aidé à la reconnaissance du slam et à la
démocratisation de la poésie.
«Grâce à des artistes comme eux, les gens parlent de slam et de poésie. Je dis souvent que le poète qui se consacre à l’écrit, c’est un prêtre qui prêche à des convertis. Tandis que le slameur, c’est un missionnaire qui va prêcher aux païens, dit-il. Il faut que tu convainques les gens avec le slam.»
Persuadé que le slam au Québec est promis à un bel avenir, Ivy souhaite tout de même que cet art oratoire reste au service des gens et non le contraire.
«Ce que j’aime, c’est quand l’art sert plus que le portefeuille de l’artiste, note l’auteur-compositeur et interprète. Pendant des siècles, le rôle de l’artiste était d’encenser les gens. Le rôle du poète était de chanter au couronnement d’un roi ou dans une fête. Aujourd’hui, c’est l’inverse. C’est la société qui encense les artistes, et j’ai un peu de misère avec ça.»