40e Gala de l’ADISQ: Chansons, émotions et provocations
La déferlante Hubert Lenoir a frappé dimanche le 40e gala de l’ADISQ, le jeune artiste de Québec obtenant trois prix lors d’une soirée marquée par une belle nostalgie et de savoureux malaises.
Vêtu de ses plus beaux atours (c’est-à-dire un maquillage passant du rouge au jaune, des cheveux tressés, des chaînes en or et une robe blanche), l’auteur-compositeur-interprète est monté sur la scène de la Place des Arts pour réclamer les trophées de Révélation de l’année, d’Album pop de l’année (Darlène) et de Chanson de l’année (Fille de personne II).
Pas mal pour un gars qui en est à son premier album solo et qui, avant le gala, disait pressentir qu’il n’allait rien gagner.
«Merci aux gens qui m’écoutent, qui me comprennent, qui aiment ce que je fais, a lancé l’artiste de 24 ans lorsqu’il est allé cueillir son premier prix. Pour les autres, qui essaient constamment de me classer, de me mettre dans une catégorie, qui trouvent que je suis différent, je rappelle que tout est une question de perception. Au nom de la jeunesse québécoise, je trouve que vous êtes wack en esti.»
Celui que Louis-José Houde, l’animateur de la soirée, avait plutôt qualifié de mélange entre «Iggy Pop, Joe Bocan et Francis Reddy» avait également obtenu le trophée Album de l’année – Choix de la critique lors du Premier gala de l’ADISQ mercredi dernier.
«Gagner l’album pop de l’année avec un disque à 40 % instrumental, sans budget, enregistré en six jours en pleine canicule, c’est une victoire pour la musique, pour l’art, pour toute une nouvelle génération de musiciens qui n’en ont rien à crisser», s’est-il réjoui avec sa dégaine habituelle.
Pour sa troisième montée sur scène, celui qui cultive l’art de la provocation a célébré en s’enfonçant le Félix de Chanson de l’année dans la bouche. Oh la la! On espère que les enfants étaient couchés.
«Merci aux membres du public les plus curieux, qui attendent pas les galas pour découvrir des artistes. Ce n’est pas nécessairement ici que vous allez découvrir votre artiste préféré. Soyez fous! La musique, c’est pas un concours, c’est juste de la musique.» – Klô Pelgag, qui a rapporté à la maison le prix de l’Interprète féminine de l’année.
Autre victoire de l’audace, celle de Philippe Brach, l’autre grand gagnant de la soirée avec deux Félix, Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-interprète et Auteur ou compositeur de l’année.
Le créateur de l’excellent Silence des troupeaux en a profité pour remercier ses parents, présents dans la salle.
«Merci de m’avoir conçu, c’est très apprécié, même si vous ne m’avez pas demandé mon avis. Il y a des jours où je vous en veux, mais d’autres où je vous suis très reconnaissant. C’est ça qu’on appelle la bipolarité.»
Côté originalité, on retiendra la collaboration inattendue de Pierre Lapointe et de Galaxie, les cordes de Mon prince charmant répondant aux guitares pleines de distorsion de Super Lynx deluxe.
Parlant de luxe, la soirée s’est ouverte avec un quatuor nostalgie de haut vol formé de Mario Pelchat, Martine St-Clair, Guylaine Tanguay et Maxime Landry, qui ont interprété un pot-pourri des chansons de l’année des 39 premiers galas, de La désise à Chats sauvages, en passant par Un beau grand bateau, Seigneur et Le blues du businessman.
Les transitions d’une chansons à une autre étaient parfois raides, mais le quatuor nous a inspiré pour notre prochaine visite au karaoké.
La palme de l’émotion est toutefois allée à l’hommage à Harmonium, rendu par Brach, Yann Perreau, Patrice Michaud, Catherine Major, Ariane Moffatt, Marie-Pierre Arthur et les musiciens de l’OSM. Même Céline Dion s’est mise de la partie un bref instant!
«On voulait vous envelopper dans nos bras, mais maintenant, c’est vous autres qui nous avez enveloppés», a lancé Serge Fiori, leader du groupe «qui nous faisait voyager sans aucune substance, seulement par la force de la musique», selon les dires de Michel Rivard.
Très ému, Serge Fiori a réservé ses plus beaux mots au public qui a suivi religieusement le groupe. Vous avez soutenu notre désir de culture, notre désir de musique, le désir de notre langue, le désir de notre pays.»
Venu présenter un prix, Yann Perreau a aussi rendu hommage au vénérable Gilles Vigneault, qui a fêté ce week-end son 90e anniversaire.
«Je veux le remercier pour cette phrase sublime : «Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver», a-t-il lancé.
«J’ai entendu dire que M. Vigneault est un de vos chanteurs préférés», a-t-il ensuite déclaré, s’adressant directement au premier ministre du Canada, Justin Trudeau, qui était dans la salle. «C’est touchant, vous avez du goût», a expliqué le chanteur, sous les rires de la foule. «Par contre, quand vous achetez un pipeline de 5G$, j’ai plus l’impression que mon pays, ce n’est pas un pays, c’est une pétrolière», a-t-il illustré, provoquant les applaudissements dans la foule. «Ça aussi, ça fait le tour du monde, mais c’est un petit peu plus gênant», a condamné le chanteur. Ouch! C’est ce qu’on appelle faire mouche.
Un peu plus tôt, avant de remettre le prix de Révélation, Émile Bilodeau avait également imploré le premier ministre québécois François Legault de laisser tomber les projets d’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti.
Autre blague qui a touché la cible: celle qu’a envoyée l’animateur Louis-José Houde, qui était à la barre du gala de l’ADISQ pour une 13e fois, à son prédécesseur Guy A Lepage.
«Tu as 21 Félix en carrière avec RBO et Un gars une fille, mais le seul dont on se souvient, c’est celui que tu as lancé», a-t-il noté avec justesse, rappelant le fameux lancer du Félix effectué par Lepage en 2004 en réponse à l’absence du lauréat de l’époque, Richard Desjardins.
Les deux hommes ont ensuite été rejoints sur scène par Yvon Deschamps, qui a animé le gala à neuf reprises.
Visiblement amaigri, l’humoriste, dont les apparitions publiques se font de plus en rares, a reçu à son tour une ovation méritée. Un autre moment touchant au cœur d’une soirée très réussie.
Efficace LJH
De retour à l’animation, Louis-José Houde a encore une fois mené le gala de main de maître. On a particulièrement apprécié son retour sur le gala de 1992, le premier qu’il avait regardé à 15 ans, «comme tous les garçons de 15 ans le font». Images à l’appui, il est revenu sur les remerciements incongrus de Jean-Pierre Ferland, le flirt entre Johanne Blouin et Francis Martin et la tenue de cowboy de Gildor Roy. Du bonbon! Métro