Soutenez

Danser dans la cour des grands

Un chausson dans l’enfance, l’autre dans l’adolescence, les étudiants de l’École supérieure de ballet du Québec consacrent toute leur énergie à perfectionner leur pratique dans l’espoir de faire carrière un jour dans les plus prestigieux ballets du monde. Mais comme tout bon ado, ils ont une jeunesse à vivre. Le documentaire Point d’équilibre offre un accès inédit à leur quotidien hors du commun.

«On associe souvent la jeunesse à une période libre et insouciante, où par exemple on peut jouer pendant cinq heures de suite à des jeux vidéo ou à l’extérieur, mais ces jeunes étudiants doivent intégrer un monde professionnel, un peu comme celui des adultes», explique la documentariste Christine Chevarie-Lessard, dont la caméra a capté le quotidien de certains étudiants de l’École pendant un an.

Point d’équilibre permet d’être témoin de l’entrée des jeunes danseurs dans la cour des grands en découvrant les rêves, aspirations, joies et déceptions de
Camille, Lola, Shô et Emma.

«L’enfance est le monde de tous les possibles. Un jour, tu penses que tu deviendras astronaute, le lendemain tu peux vouloir devenir acrobate au Cirque du Soleil. Et on dirait que, tranquillement, en prenant de l’âge, tu te rends compte des limites de tes rêves», poursuit la cinéaste.

Si les danseurs professionnels semblent sauter très haut dans les airs sans le moindre effort ou être légers comme une plume, juchés sur leurs pointes, tout cela n’est qu’illusion. Les élèves de l’École supérieure de ballet l’apprennent à leurs dépens.

«Faut montrer que t’es heureux, même si tu souffres», résume à l’écran Camille, en première année du programme d’études.

«J’ai toujours été fascinée par tout ce qui allie capacité physique et performance artistique, reprend Christine Chevarie-Lessard. La danse est extrêmement technique et précise, mais également très libre. Mais pour accéder à cette liberté, il faut avoir fait beaucoup de travail technique au préalable.»

La cinéaste en sait quelque chose, elle qui a arpenté les couloirs de l’École supérieure de ballet dès 2012 pour préparer son documentaire.

«Ces jeunes ont des réflexions très avancées sur la vie que je n’avais pas du tout à leur âge! Comme ils surmontent des épreuves, ils en apprennent beaucoup sur eux-mêmes durant le processus.» – Christine Chevarie-Lessard

Tout en nuances, Point d’équilibre montre les hauts et les bas que vivent les étudiants en ballet professionnel au jour le jour. Filmé à hauteur d’enfant, le film nous fait passer par toute la gamme de leurs émotions.

Ainsi, on éprouve de la douleur pour les jeunes filles qui pansent leurs orteils blessés. Dans d’autres scènes, on ressent toute la pression qui repose sur les épaules des étudiants, filles et garçons, qui reçoivent correction par-dessus correction de la part de leurs profs.

Malgré toutes les difficultés, les moments de bonheur sont nombreux. Ainsi, on ne peut que partager la joie d’une jeune danseuse qui jubile en décrochant un rôle convoité dans la fameuse production Casse-Noisette. Idem lorsqu’on assiste à de précieux moments de loisir entre les jeunes, qu’ils se lancent des boules de neige ou qu’ils jouent avec des Playmobil.

Entre plaisir et discipline
L’équilibre, voilà ce que cherchent ces jeunes entre les exigences professionnelles de l’École et leur vie d’adolescent. «Ils doivent arriver à l’heure – ou à l’avance en fait, parce qu’en ballet, être à l’heure équivaut à être en retard! –, ils doivent être disciplinés, leur horaire est chargé et ils ont beaucoup de responsabilités, énumère Christine Chevarie-Lessard. Mais ils restent des jeunes malgré tout ça.»

Lorsqu’on demande aux principaux intéressés s’ils réussissent à avoir un semblant de vie normale, malgré les contraintes de leur quotidien, ils ne peuvent s’empêcher d’éclater de rire.

«Notre vie a trois facettes, comme un triangle, illustre Lola, aujourd’hui âgée de 15 ans, qui en avait 12 lors du tournage. Il s’agit du sommeil, des études – dont fait partie la danse – et de la vie sociale. C’est impossible d’avoir les trois, il faut toujours en sacrifier un.»

Même son de cloche du côté de Shô, d’un an son aîné. «Ma mère me dit toujours : “Shô, tu n’as pas de vie!” En plus, j’ai de la difficulté à l’école, donc ça ne m’aide pas. Tout mon temps est consacré à l’école et à la danse. La vie sociale, j’en ai très peu. Une chance que j’ai de très bons amis à l’école! En fait, j’en ai une vie sociale, mais elle se passe à l’école.»

Malgré les défis et la pression, Shô et Lola adorent leur formation, qu’ils poursuivront jusqu’à l’âge de 18 ans. «C’est le fun! Je ne suis pas obligé de passer toute la journée assis à écouter un prof parler, je peux danser et m’amuser la moitié de la journée», dit le jeune homme d’origine japonaise, qui aimerait faire carrière en ballet ou en danse contemporaine.

«Tu es vraiment bon en contemporain!» lui répond Lola, qui, elle, rêve de danser pour les Grands Ballets canadiens.

Camille, qui a maintenant 12 ans, a pour sa part dû prendre la décision difficile de quitter l’École de ballet après sa première année en raison de douleurs prononcées aux pieds.

Depuis, elle ne danse plus. «Une fois qu’on a goûté au professionnel, le récréatif devient tellement ennuyant! Tout est trop lent. Autant faire autre chose», dit-elle, catégorique.

Les trois jeunes ont par ailleurs adoré faire partie d’un documentaire. «C’était très le fun de parler avec Christine, de s’ouvrir à elle. Je lui ai dit certaines affaires que je ne disais pas à mes parents!» lance Shô.

Surtout, ils se sont reconnus dans le résultat final. «Je trouve le film extraordinaire, parce qu’on touche aux côtés humoristique, nostalgique, aux beaux aspects de la danse, mais aussi aux côtés plus difficiles, s’enthousiasme Lola. C’est exactement ce qu’on vit.»

Point d’équilibre
En salle vendredi

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.