Chloé Sainte-Marie: Une femme en colère
La mélancolie dans sa voix et la délicatesse de sa silhouette suggèrent un certain vague à l’âme, mais ses paroles pointent dans une autre direction : Chloé Sainte-Marie est une femme en colère. De son propre aveu, la chanteuse n’a toujours pas accepté la mort de Gilles Carles, survenue en novembre dernier au terme d’un long combat contre la maladie de Parkinson.
«J’avais trouvé la solution pour qu’il puisse rester à la maison. Je ne comprends pas pourquoi c’est arrivé là, dit-elle, songeuse. J’ai en moi la colère, la rage… Mais je vis avec. Je n’ai pas le choix.» «Personne ne mérite de tomber malade», ajoute-t-elle.
Hommage innu
C’est à l’hôpital, où son amoureux a passé les dernières semaines de sa vie, que Chloé Sainte-Marie a entamé la création de son nouveau spectacle, qu’elle présentera en première montréalaise la semaine prochaine au Gesù.
Allongée aux côtés du cinéaste, elle travaillait aux enchaînements avec la metteure en scène Brigitte Haentjens, qu’elle surnomme affectueusement Bibitte. À l’image du cinquième album de l’artiste, Nitshisseniten e Tshissenitamin (paru en septembre 2009), le concert sera consacré quasi exclusivement au répertoire du poète innu Philippe McKenzie. À travers une musique aux accents folk et traditionnels, Chloé Sainte-Marie promet de rendre hommage à la culture amérindienne.
Dans cette aventure, elle sera entourée de ses deux fidèles complices, Réjean Bouchard et Gilles Tessier. À l’exception du rappel, au cours duquel elle entonnera Brûle brûle et Chamaille, chamaille, c’est en montagnais que Chloé Sainte-Marie poussera la note. Et comme l’interprète aux cheveux rouges carbure à la fureur par les temps qui courent, elle compte bien donner une dimension politique à son tour de chant.
«J’ai besoin de dire ce que je pense, insiste-t-elle. On parle beaucoup des génocides arménien, juif et rwandais. C’est atroce. Mais ce qui est arrivé aux Indiens d’Amérique, c’est démesuré. C’est le plus gros génocide de l’histoire de l’humanité.» Chloé Sainte-Marie n’hésite pas à tracer un parallèle entre le sort que la vie a réservé à son conjoint – en perte d’autonomie depuis plusieurs années – et celui que l’homme blanc a fait subir aux Premières Nations. «C’est inacceptable de voir quelqu’un souffrir et perdre son autonomie. C’est pareil quand on réduit un peuple à l’assimilation : il perd son autonomie», déclare-t-elle.
«Je ne supporte pas l’injustice, poursuit-elle. Qu’on veuille détruire un peuple, je ne peux pas m’imaginer ça. Qu’un individu se pense supérieur à un autre, je ne conçois pas ça. Ça me rend violente. Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir écraser l’autre parce qu’il n’a pas la même couleur, la même peau, les mêmes yeux. La maladie aussi, c’est injuste… Et ça m’enrage.»
Nitshisseniten e Tshissenitamin
Au Gesù
Les 10, 12 et 27 février