L’amour du jeu de Christopher Walken
Gangster au sourire démoniaque dans King of New York d’Abel Ferrara, cavalier sans tête dans Sleepy Hollow de Tim Burton, vil industriel dans Batman Returns… Oscarisé pour The Deer Hunter, brillant dans Pulp Fiction, Christopher Walken a tenu des dizaines de rôles remarquables. Dans A Late Quartet, qui prend l’affiche aujourd’hui, le vénérable acteur se glisse dans la peau d’un violoncelliste. Joint au téléphone, il nous parle de ce rôle et de sa carrière, marquée par une passion du métier hors du commun.
Christopher Walken adore jouer. Vraiment. Il ne court pas après la gloire, la célébrité, toutes ces choses qui viennent avec le fait d’être un interprète à la réputation presque légendaire. Ce qu’il aime vraiment, c’est incarner des personnages, se retrouver devant la caméra et le public.
Celui qui est devenu acteur «par accident» et qui a été dans le show-business «toute sa vie» souligne qu’il n’aurait jamais pu – ni voulu! – faire autre chose. «Je n’ai pas été à l’école longtemps, raconte-t-il. Je n’aurais donc jamais pu devenir docteur ou quoi que ce soit dans le genre. Heureusement que j’ai réussi à percer dans ce milieu!»
Depuis ses débuts, quand il était petit et qu’il participait à des comédies musicales, Christopher Walken n’a jamais planifié son avenir longtemps à l’avance. «Même aujourd’hui, je n’ai aucune idée du projet auquel je vais travailler demain. Comme dit Hamlet, readiness is all. Tout est dans la préparation. Le téléphone peut sonner, quelque chose peut débloquer, et il faut être prêt. Il faut avoir l’esprit alerte, le corps alerte, être là et en santé. Être toujours prêt à saisir l’occasion quand elle survient.»
Il dit souvent qu’il n’a pas de hobby, sauf la cuisine. «Mais ça, c’est un hobby qui se mange!» rigole-t-il. Sinon? «Je n’aime pas trop voyager, je n’ai pas d’enfants…» Ce qu’il aime? «Aller travailler. J’adore travailler.»
Du travail, il en fait surtout sur des films indépendants. «Je préfère ces films-là aux grosses productions. On fait ça en quatre, cinq semaines, on s’amuse. Alors que, dans les grosses productions, on passe la majorité de son temps assis, à attendre, ce qui est très difficile pour moi. Il y a des films qui prennent huit mois à faire. On finit notre scène et on se fait dire merci beaucoup, on vous revoit dans deux semaines pour tourner la suite. Pour moi, c’est horrible. J’aime beaucoup mieux aller bosser tous les jours qu’attendre mon tour à l’hôtel!»
Son dernier projet en date, A Late Quartet, M. Walken en parle avec beaucoup d’affection. Réalisé par Yaron Zilberman, ce très bon drame est un film d’adulte sobre, sérieux. Un film d’acteur aussi. On y suit les tribulations d’un prestigieux quatuor à cordes sur le point d’être secoué par une très mauvaise nouvelle. Le doyen de l’ensemble, personnifié par M. Walken, est malade. Il ne sait pas s’il pourra continuer. Ses trois amis musiciens le prennent mal. Et différemment. Certains croient qu’il faut dissoudre le quartette. D’autres pas. Très vite, les failles s’installent, les vieilles rancunes refont surface et les complices deviennent opposants. Amour, tromperie, maladie…
«Je suis fier de ce film parce que les interprètes sont tous excellents», souligne le respectable acteur, qui incarne le violoncelliste du quatuor. Les autres membres de l’ensemble sont les chevronnés Catherine Keener, Mark Ivanir et Philip Seymour Hoffman. «C’est amusant, parce que je joue, en quelque sorte, le papa!» s’amuse Christopher Walken. Il affirme d’ailleurs qu’on lui propose de plus en plus souvent des rôles comme ca, «d’aîné, d’oncle ou de grand-père». «C’est nouveau pour moi, et ça me plaît. Si je peux continuer à faire ça pour les 20 prochaines années, ça me tiendra occupé!»
Celui qui a participé six fois à la grand-messe américaine de l’humour, Saturday Night Live, souligne d’ailleurs à quel point l’humour est l’ingrédient primordial d’un tournage réussi. «C’est la colle qui tient tout le monde ensemble. Même quand l’histoire est tragique, si les protagonistes ne s’amusent pas, c’est très mauvais signe.» Et ça vous est arrivé souvent? «Oh, très, très rarement. Habituellement, les acteurs sont des gens très taquins. Après tout, ils vont au travail… pour jouer!»
Durant le tournage d’A Late Quartet, dit-il, l’ambiance était réellement à la fête. Et ce, malgré les sujets plus sombres abordés dans le récit. Il dit aussi qu’il s’est beaucoup identifié à son personnage.
«Pas forcément à cause de la musique, parce que je ne suis pas un être très musical et que je ne sais jouer d’aucun instrument. Mais plutôt parce que, comme moi, cet homme passe sa vie à se produire devant un public. C’est quelque chose de très particulier, vous savez? La plupart des gens ne vivent jamais ça. Mais nous, les acteurs, les musiciens, on passe toute notre existence à se préparer. Se préparer à faire quelque chose de dangereux devant des gens qui ont acheté un billet et qui s’attendent à voir la perfection. C’est une grande responsabilité! Et c’est très épeurant!» Même après toutes ces années? «Bien sûr! C’est très intimidant! Reste que j’adore mon métier. C’est comme faire de la haute voltige!»
Souvenirs de tournage
Il y a presque 30 ans, Christopher Walken incarnait un homme doté de pouvoirs surnaturels dans Dead Zone, un film réalisé par Cronenberg et adapté du roman de Stephen King. «Malheureusement, David et moi n’avons jamais retravaillé ensemble, ce qui me désole. Mais j’ai adoré faire ce film! C’était un excellent film! Même Stephen King a dit que c’était la meilleure adaptation d’un de ses bouquins qu’il ait jamais vue!»
«Et sinon, David, il habite toujours à Toronto? s’enquiert par la suite l’acteur. En tout cas, je vais vous dire une chose, il n’a pas changé! Il a toujours l’air aussi jeune!»
A Late Quartet
En salle