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Hélène Laurin: Lutter corps et âme

Hélène Laurin, alias Lennie Löwe, raconte son apprentissage dans La lutteuse, une balado de QUB Radio et un webdocumentaire de la plateforme Tabloïd. Photo: Ana Rocha
Benoit Valois-Nadeau - Métro

Journaliste et chercheuse en communication, Hélène Laurin s’est plongée pendant un an et demi dans le monde de la lutte, expérience qu’elle raconte dans la balado La lutteuse. Récit d’un combat quotidien qui n’avait rien d’arrangé avec le gars des vues.

Au départ, le projet a plus l’allure d’une boutade, d’un «t’es pas game» lancé par un collègue: devenir lutteuse en partant de zéro et disputer un «vrai» combat devant public.

Il lui aura finalement fallu de longs mois d’entraînement intensif, beaucoup de bleus et de remises en question avant de monter dans le ring. La lutte est peut-être arrangée, mais elle n’est pas aisée pour autant.

«Ç’a pris une ampleur que nul ne soupçonnait au départ. On pensait que ça allait durer quelques mois; finalement, ça en a pris 19. J’en ris aujourd’hui, mais je croyais que j’étais en forme, raconte celle qui œuvre au sein de l’équipe numérique de Québecor. Je faisais du vélo l’été, je jouais au hockey cosom avec des amis. J’étais dans une forme moyenne, disons.»

Son entrée en janvier 2017 à la Torture Chamber, la bien nommée école où elle a appris les rudiments du métier, lui a fait comprendre qu’on ne devient pas un Kevin Owens en criant «suplex arrière»!

«Ç’a été difficile parce que je n’avais pas de passé athlétique ou d’expérience d’entraînement, alors que la plupart de mes coéquipiers avaient un background en arts martiaux, en gymnastique, etc. Ils avaient déjà connu la discipline d’un entraînement astreignant. Moi, j’arrivais à des années-lumière de ce qui était requis. Il a fallu que je pédale.»

Ajoutez à cela la douleur inhérente à la discipline (recevoir des coups, même retenus, ça fait mal), un travail à temps plein, une charge de cours à l’UQAM et surtout sa méconnaissance du milieu.

«Dans la lutte, le récit est créé non pas par des mots, mais par des corps en mouvement. On raconte une histoire assez banale, un bon contre un méchant, mais tout passe par le corps. C’est fantastique.» – Hélène Laurin, créatrice de La lutteuse

«J’ai commencé à regarder la lutte en 2015 et j’ai vraiment eu le coup de foudre. Cependant, je la regardais une fois de temps en temps seulement. Je suis une enthousiaste, mais l’enthousiasme, ce n’est pas de la connaissance. Les noms des prises, des moves spectaculaires, des lutteurs, de leurs styles, je ne connaissais pas. J’étais une vraie débutante, au point d’avoir l’air incompétente.

«La lutte, c’est une histoire qui nous est contée. Il y a une syntaxe à ça : comment on fait suivre les différentes prises, les différents coups? On ne peut pas monter n’importe quoi.»

Au-delà du speedo
Hélène Laurin est montée dans l’arène sous le pseudonyme de Lennie Löwe, «une reine du métal des années 1980» propulsée par le pouvoir du rock’n’roll.

Un choix qui reflète ses champs d’intérêt personnels, mais aussi les associations qu’on peut faire entre les deux univers.

«Sur le plan esthétique, il y a clairement un lien, explique celle qui a consacré son mémoire de maîtrise au merveilleux monde de l’air guitar [dont elle a tiré un ouvrage, Les filles aussi jouent de l’air guitar] et sa thèse de doctorat aux autobiographies des membres de Mötley Crüe. Le moment où la lutte a été le plus suivie, au sommet de la popularité de Ric Flair et de Hulk Hogan, correspond à l’âge d’or du hair metal.» Plus important encore, les deux milieux sont «des chasses gardées masculines, des boys clubs».

En tant qu’apprentie lutteuse, Hélène Laurin a eu la chance de fréquenter une école où les hommes et les femmes étaient traités sur un pied d’égalité. Cependant, les préjugés demeurent nombreux, selon elle.

«La lutte, à la bonne heure, est en train de changer, mais il y a encore des commentaires persistants voulant que la lutte féminine ait moins de valeur que la lutte masculine.

«Il y a encore des préjugés parce que ça touche plein d’enjeux, notamment la question de la violence chez les femmes. Selon la définition sociale d’une femme, elle ne doit pas être agressive. C’est quelque chose qui choque l’œil.

«On se doit d’être gentilles, souriantes, calmes, patientes. Si on ne l’est pas, on se fait souvent dire de se calmer, qu’on est hystériques. Ce n’est jamais bien vu, une femme agressive. Les stéréotypes de genre, c’est quelque chose qui nous entre dans la tête, qu’on le veuille ou non.»

Des stéréotypes qui, comme le prouve La lutteuse, peuvent disparaître, une descente du coude à la fois.

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