Mesrine: Armé et dangereux
De rôles marquants en films chocs, Vincent Cassel s’est taillé une place à part dans le cinéma français. Un parcours atypique qui culmine avec son interprétation de Jacques Mesrine dans les deux longs métrages de Jean-François Richet, L’instinct de mort et L’ennemi public n°1.
Entretien avec un acteur en état de grâce.
Comment aborde-t-on un tel personnage? Avec gourmandise, respect ou crainte ?
Les trois! Gourmandise, il le faut parce que lorsqu’il y a autant à manger sur un personnage, il faut en avoir envie. Crainte, oui, parce que c’est quelque chose qui appartient à l’inconscient collectif, et que, forcément, il y a de l’attente autour. Il ne faut pas se ramasser, sinon ça peut coûter cher. Respect, oui par rapport aux gens qui sont toujours là, plus que par rapport à lui.
Vous aviez 12 ans à sa mort. Quel souvenir gardez-vous de Mesrine?
J’ai grandi dans le XVIIIe et mon frère, à l’époque, était scolarisé dans l’arrondissement. En rentrant du stade Championnet, on a dit à tous les élèves de se mettre par terre parce qu’on venait d’abattre Jacques Mesrine en pleine rue. Plus tard, je n’ai jamais été fasciné par le personnage. En revanche, j’étais intrigué par la place qu’il prenait dans la tête des gens qui n’étaient parfois même pas nés à l’époque, qui le prenaient comme une icône, qui l’idéalisaient.
Justement, le film vise-t-il à remettre le personnage à la bonne place?
On ne s’est jamais dit qu’on allait rétablir LA vérité. En revanche, tant que le film n’était pas écrit de manière à avoir à la fois les zones d’ombres et les zones de lumière, je ne voulais pas bosser dessus. Il ne fallait pas faire l’impasse sur des choses sur lesquelles lui ne faisait pas l’impasse dans son livre, L’instinct de mort. Il fallait prendre le risque, quel que soit le budget du film; montrer tous les aspects du personnage, même les plus horribles. Malgré les choses terribles qu’il a faites, il a continué à garder une place particulière dans le cÅ“ur et la mémoire des gens.
Votre vision de Mesrine a-t-elle changé après l’avoir interprété?
Je ne peux pas dire que c’est quelqu’un que j’admire. Il y a des moments où je le trouve bluffant, dans sa capacité d’adaptation, dans son instinct, son sens de l’honneur aussi. Après, je me dis que c’est tellement dommage qu’un mec avec cette force n’ait pas trouvé quelque chose à faire qui serve plus les autres. Il a été détruit par son égo.
C’était un type brillant, qui a préféré vivre selon ses propres règles, en marge du système, puis contre…
Heureusement que la plupart des gens s’en remettent au système. Mais quand un mec se conduit comme Mesrine, ce n’est pas possible de lui jeter la pierre à 100 %. Parce qu’on nous raconte souvent n’importe quoi. On voit des gens censés être nos dirigeants qui sont embringués dans les trucs les plus «racailleux» de la terre. Après, il y a le sang. Là je n’arrive
plus à cautionner, quel que soit le motif. Mais qu’un mec refuse le système jusqu’au bout, c’est quelque chose de très inspirant. Pour celui qui n’a rien, voilà quelqu’un qui dit non à l’État qui écrase. C’est pour ça que c’est encore une star dans les banlieues.