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Loud: la gloire sans rançon

Le rappeur Loud sort son deuxième album, Tout ça pour ça. Photo: Josie Desmarais

Quelques jours après le lancement de son deuxième album fort attendu, Tout ça pour ça, Loud écrira l’histoire la semaine prochaine en devenant le premier rappeur québécois à fouler les planches du Centre Bell. Pas une, mais deux fois… Et vous, votre semaine?

«On fait l’histoire sans faire d’histoire, c’est juste une grosse semaine». chante-t-il avec son mélange bien personnel de (fausse?) modestie et de réalisme sur la pièce Sans faire d’histoire, qui ouvre son deuxième long jeu.

Depuis un an, tout ce que touche Simon Cliche-Trudeau se transforme en or: un premier album solo, Une année record, salué par le public et la critique, trois Félix, des tournées devant des salles combles au Québec comme en Europe, 19 millions d’écoutes sur Spotify en 2018, et, surtout, un ver d’oreille contagieux, Toutes les femmes savent danser, qui a (enfin) ouvert les portes des radios commerciales aux rappeurs québécois.

«Il y a un momentum en ce moment, reconnaît le rappeur de 31 ans d’un ton calme et posé. [Le Centre Bell], on l’a fait concorder avec la sortie de l’album, la fin de la tournée de l’album précédent et tout. Ça aide. Mais après, je ne sais pas ce que ça représente pour moi ou pour le rap québécois. Je ne pense pas à ça.»

«À la base, ce sont des rêves d’adolescent. C’est à ce moment-là qu’on a commencé la musique, qu’on a fait nos premiers projets concrets et qu’on a décidé si nos ambitions étaient réalisables.» Loud, à propos de ses ambitions musicales.

Quand même, n’y a-t-il pas dans cette présence au domicile du CH un symbole pour une scène rap locale en pleine ascension, un peu comme lorsque Offenbach est devenu le premier groupe rock québécois à jouer au Forum, au milieu des années 1980?

«Selon Ruffsound [l’un de ses beatmakers], on est les Gerry Boulet des temps modernes, rigole le natif d’Ahuntsic avant de tempérer ses ardeurs. C’est aussi un moment qu’on vit. Ce n’est pas parce qu’on fait le Centre Bell là qu’on va pouvoir le faire quand on veut et autant de fois qu’on veut. Il y a quelque chose qui se passe en ce moment et on en profite.»

Lorsqu’on lui tire les vers du nez, il admet tout de même que les spectacles des 31 mai et 1er juin auront une importance particulière. Après tout, c’est là qu’il a vu son premier show (les Backstreet Boys!) à un tout jeune âge dans ce qui était alors le Centre Molson.

«C’est un peu un rêve de jeunesse. Il y a aussi quelque chose de mythique avec le Centre Bell à Montréal. C’est le lieu auquel on pense quand on a une ambition folle pour un spectacle. On n’a jamais pensé que ça serait possible, on parlait de ça en joke, mais on a fini par réaliser que c’était faisable.»

«Le Centre Bell, c’est une autre approche de la performance, poursuit-il. Le stage est six fois plus grand que les scènes que je fais d’habitude. Ce sont des trucs auxquels je réfléchis. C’est sûr que c’est complètement une autre façon de faire. En termes de mise en scène, c’est beaucoup plus ambitieux que ce que je fais d’habitude, on s’en permet. Ça me permet d’essayer des trucs que je ne peux jamais faire.»

Voir grand
Le succès d’Une année record lui a permis d’élargir son public et d’atteindre les ligues majeures en termes de visibilité.

«La radio a amené d’autres gens à ma musique. Il y a maintenant des jeunes de 14 ans qui amènent leurs parents à mes shows. Alors qu’avant, nos fans avaient à peu près notre âge.»

«C’est bien que ça ratisse plus large, reconnaît-il en souriant. C’est un signe que la scène va bien et que mes affaires vont bien aussi. Ça, je peux en témoigner. [Le rap], c’est rendu l’affaire de tout le monde, comme ce l’est aux États-Unis et en France depuis longtemps. Ici, c’est en train d’arriver. C’est peut-être une bulle ou un phénomène, mais en ce moment, il y a quelque chose qu’il n’y avait pas il y a une couple d’années.»

Pourtant, pas de trace sur Tout ça pour ça d’un autre hit conçu spécifiquement pour tourner sur les ondes des radios FM.

«Il n’y a pas Toutes les femmes savent danser, part II, assure Loud. On l’a déjà fait et elle a tourné beaucoup plus qu’on pensait, ce qui est excellent. Mais il faut passer à autre chose. On avait des beats qui pouvaient tourner autour de ça et on a dit non. Ç’a été trop gros pour qu’on continue dans cette voie-là. On voulait des tounes radio, mais plus rap, moins crossover, moins pop. On avait envie que les radios viennent un peu plus de notre bord. C’est pour ça qu’on a poussé Fallait y aller à la radio, chose qu’on n’aurait pas osé faire il y a un an ou deux.»

«On travaille à s’en rendre malade, ensuite on meurt de rire», écrit-il dans cette chanson, qui, bien qu’accrocheuse, est beaucoup plus rappée que Toute les femmes. Comme bien des pièces sur l’album, Fallait y aller aborde l’épineuse question du succès, ses bons comme ses mauvais côtés.

Si, dans ses chansons, il célèbre souvent le mode de vie hédoniste (avec sa Rolex qui le rend «fashionably late»), qui a été sa marque de commerce depuis l’époque de son ancien trio Loud Lary Ajust, en entrevue Loud est étonnamment terre-à-terre, voire modeste, tout en restant très conscient de son talent et de ses succès.

Chez lui, nulle trace de doute ou de remise en question. Plutôt l’assurance d’un rappeur qui a gravi un à un les échelons depuis 15 ans et qui trouve parfaitement normal que ses efforts soient récompensés.

«Je suis ma seule compétition, j’anticipe un combat serré», ajoute-t-il sur GG. «J’aime ça me permettre une part d’arrogance, reconnaît-il sans problème. Ça ne se veut pas insolent, mais plutôt motivant. C’est toujours quelque chose que j’ai apprécié chez les artistes que j’écoutais. Ce n’est pas un tabou de souligner ce qui fonctionne bien et ce qui a été fait. Ça peut être perçu comme superficiel, mais c’est tellement plus que ça.»

D’autant plus que le rap est sûrement le style musical où jouer les gros bonnets est le mieux accepté.

«C’est le seul style de musique où ce n’est pas tabou de parler d’ambition, de carrière de succès, mais aussi de l’inverse. Ça n’intéresse pas seulement les rappeurs, mais peut-être que ça passerait moins bien dans d’autres styles. Dans le rap, c’est une chose commune, et c’est bien accepté.»

«Moi, j’aime entendre ça, même si ce sont des choses qui ne me concerneront jamais. Je peux écouter Jay-Z parler de s’acheter des Picasso et un jet, de louer le MOMA. Ça me fascine, je trouve ça super cool. Il a mérité le droit de parler de ça. C’est une motivation.»


Un peu d’info :

Tout ça pour ça, disponible le 24 mai

Au Centre Bell le 31 mai et 1er juin

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