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Geddy Lee: pour l’amour de la basse

Geddy Lee Photo: Richard Sibbald/Collaboration spéciale
Benoit Valois-Nadeau - Métro

Après des années à parcourir le monde avec Rush, Geddy Lee, chanteur, claviériste et bassiste du légendaire groupe rock canadien, fait maintenant la tournée du pays avec son premier livre, Geddy Lee’s Big Beautiful Book of Bass.

Véritable déclaration d’amour à un instrument souvent négligé, Geddy Lee’s Big Beautiful Book of Bass retrace aussi l’histoire de la basse à travers la collection personnelle du musicien, qui compte plus de 250 artefacts.

Ce bouquin de 400 pages richement illustrées se veut aussi un moyen de contrer certains des clichés du rock, comme celui voulant que la basse soit réservée aux taciturnes (un cliché que les Gene Simmons, Flea et Rhonda Smith de ce monde ont plusieurs fois démenti) ou aux guitaristes ratés (quatre cordes, c’est plus facile que six, non?).

«La basse est la colle qui unit chaque bon groupe», soutient Geddy Lee, membre du Temple de la renommée du rock n’roll et meneur d’un groupe qui a vendu plus de 40 millions d’albums­ dans le monde.

Métro s’est entretenu avec le rockeur torontois de 65 ans de passage à Montréal ce soir.

Comment ce projet de livre a-t-il démarré?
Lorsque j’ai commencé à collectionner les basses il y a quelques années, j’ai réalisé que je collectionnais non seulement des instruments, mais aussi des histoires. J’ai découvert des facettes méconnues d’un instrument que je trouve si beau. Il y avait là des histoires qui devaient être racontées. Non seulement sur l’histoire de l’instrument, mais aussi sur son évolution et sur le rôle que la basse a joué dans l’évolution de la musique pop. Je suis arrivé à l’idée d’une espèce d’encyclopédie sur la basse. Je n’avais jamais vu de livre semblable. Il y a beaucoup de beaux livres sur les guitares, mais rien sur la basse qui rende justice à cet instrument.

Avez-vous l’impression que la basse est parfois oubliée ou négligée?
Plus que négligée, elle est souvent tenue pour acquise. La plupart du temps, c’est l’instrument qui travaille dans l’ombre de la superstar. Ce sont souvent les chanteurs ou les guitaristes qui reçoivent toute l’attention, mais à l’arrière, la basse et la batterie travaillent ensemble pour que la chanson groove, souvent plus que l’auditeur le réalise.

Étonnamment, vous n’avez commencé à collectionner les basses que depuis quelques années, alors que vous en jouez depuis l’adolescence.
C’est surprenant, puisque je suis un collectionneur de nature. On aurait pu penser que je me serais intéressé à mon propre instrument avant. Mais comme plusieurs musiciens, j’ai longtemps considéré la basse non pas comme un objet à collectionner, mais comme un outil de travail. Je n’avais en ma possession que les instruments qui, comme des outils, me permettaient de créer mon propre son et mes chansons pour mon groupe, Rush. Ça n’a jamais traversé mon esprit que ce pourrait être des objets à collectionner. Ce n’est que vers 2012-2013 que j’ai commencé à m’intéresser aux instruments plus anciens. Sans trop m’en rendre compte, j’ai développé une fascination pour l’instrument que je tenais dans mes mains depuis 40 ans.

Quel a été votre premier contact avec la basse?
Comme beaucoup de bassistes­, j’ai d’abord été un guitariste. La mère du bassiste de mon premier groupe (qui, soit dit en passant, n’était même pas un band de garage, mais un band de chambre à coucher) ne le laissait pas traîner avec nous. On avait besoin d’un bassiste, on a fait un vote et j’ai été choisi. La basse, c’est peu comme le gardien de but au hockey. Personne ne veut l’être, alors quelqu’un dit: «Toi, tu vas être le gardien.» (Rires)

«À chaque génération, il y a un bassiste qui me jette par terre et qui me motive à vouloir mieux jouer.» Geddy Lee, membre de Rush, qui cite parmi ses idoles Bill Wyman (Rolling Stones), Jack Bruce (Cream), John Paul Jones (Led Zeppelin) et Chris Squire (Yes).

À l’époque, que pensiez-vous de cet instrument?
Je trouvais ça cool. Premièrement­, ça semblait plus facile à apprendre parce qu’il n’y avait que quatre cordes. J’étais plutôt paresseux à l’époque. Puis, je me suis mis à écouter la musique d’une oreille complètement différente. C’était très intéressant d’explorer une chanson de l’intérieur et de comprendre ce que le bassiste faisait.

Est-ce qu’on se trompe en disant que la basse est plus facile que la guitare?
Tout à fait. Les guitaristes croient toujours que la basse est super facile. (Rires) Mais ils se trompent. C’est une chose d’être un bon guitariste et c’en est une autre d’être un bon bassiste. La basse évolue dans les mêmes zones que la guitare, mais fait aussi partie de la section rythmique. Il faut être capable de véritablement comprendre le travail de la batterie.

Vous semblez avoir une véritable affection pour les basses Fender. Pourquoi?
La première basse de qualité que j’ai achetée était une Fender Precision. Mon histoire personnelle est donc liée d’une certaine façon à Fender. Les basses Fender ont également une tonalité particulière que j’ai toujours trouvée très utile. J’ai aussi un lien très fort avec les Rickenbacker et j’ai un grand respect pour les Gibson. Mais j’ai toujours cheminé avec les Fender et je les ai utilisées plus que n’importe quelle autre marque. Les Fender sont très présentes dans le livre parce que je les ai beaucoup employées. Elles offrent une panoplie de sons, mais aussi des intonations très précises, et ont une grande durabilité.

Est-ce qu’une basse, comme le bon vin, peut se bonifier avec l’âge?
Je crois que oui, mais c’est un sujet controversé. Certaines personnes vont dire que non, mais je crois que c’est prouvé. Ce n’est pas qu’une basse devient meilleure avec l’âge, c’est plutôt que les basses d’une certaine époque sont mieux fabriquées. Elles étaient peut-être conçues avec plus de soin, ou peut-être était-ce le type de bois utilisé ou la façon dont les cordes étaient montées. J’ai un attachement romantique pour les basses de la fin des années 1950 et des années 1960. Elles représentent ce que mon ami Terry Foster [qui a contribué au livre] appelle l’âge d’or de la fabrication des guitares.

Jouez-vous parfois avec des basses modernes?
Pas plus modernes que 1972. C’est le plus moderne que je peux être.

En tant que musicien, est-ce que votre style ou votre approche­ de l’instrument ont évolué durant votre carrière?
Certainement. Et je suis très content de le dire. Aucun musicien n’est une œuvre achevée. On cherche constamment à devenir meilleur, à devenir plus précis, à mieux exprimer les émotions qu’on ressent. Surtout en vieillissant. Ce sont des choses très importantes pour moi et je crois que c’est le cas de presque tous les musiciens.

Une question simple pour terminer: qu’y a-t-il de si satisfaisant pour vous à jouer de la basse?
La satisfaction ultime pour moi survient lorsque le son et les émotions se combinent pour ne faire qu’un avec la batterie. Pour moi, c’est de la pure magie. Quand je parvenais à créer un bon groove avec Neil [Peart, batteur de Rush], c’est comme si on devenait une seule et même personne. On n’avait pas vraiment besoin d’autres instruments.


Geddy Lee a interviewé plusieurs autres bassistes de renom pour son livre, dont John Paul Jones (Led Zeppelin), Robert Trujillo (Metallica), Bill Wyman (Rolling Stones) et Les Claypol (Primus).
  • «J’ai choisi des musiciens qui n’étaient pas seulement des virtuoses, mais qui avaient aussi un lien avec moi et avec l’histoire de l’instrument», explique l’auteur.
  • «J’ai trouvé leurs histoires fascinantes. Qu’est-ce qui les a motivés à apprendre un instrument? De quel milieu familial proviennent-ils? Avaient-ils un accès facile à la musique? Ces informations étaient très riches et révélatrices pour moi. J’aurais facilement pu faire un livre avec les entrevues seulement. Ce sera peut-être le sujet de mon prochain livre.»

Geddy Lee’s Big Beautiful Book of Bass

Lancement le 4 juin au Théâtre Rialto (5723, avenue du Parc)

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