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Fabuleuses: jeunes femmes sous influence

Photo: Collaboration spéciale

Superficiels et insipides, les médias sociaux? Pas selon la réalisatrice Mélanie Charbonneau qui, dans son premier long métrage, Fabuleuses, se sert des Instagram et YouTube de ce monde pour questionner les avancées du féminisme et notre rapport à l’image.

Elles sont trois Fabuleuses. D’abord, Laurie (Noémie O’Farrell), aspirante journaliste en manque de reach sur les réseaux sociaux, et sa coloc, Elizabeth (Mounia Zahzam), violoncelliste farouchement libre et féministe. Puis Clara Diamond (Juliette Gosselin), influenceuse la plus populaire du Québec, reine des likes et des tutoriels beauté.

Trois jeunes femmes très différentes, mais qui ont en commun une volonté de réussir et un grand désir de reconnaissance. Et qui voient dans les médias sociaux un moyen de parvenir à leurs fins.

«On a tendance à mettre les influenceurs dans des cases et à dire très rapidement que c’est vide et insipide. C’est très à la mode de dénigrer notre époque. Moi, j’ai plutôt envie de la comprendre, soutient Mélanie Charbonneau, qui a coscénarisé le film avec l’auteure Geneviève Pettersen (La déesse des mouches à feu). Et pour la comprendre, on ne peut pas se mettre des œillères et simplement dire que c’est de la merde.»

Fabuleuses est effectivement exempt de jugement envers ses personnages et leurs petits (et grands) faux pas.

«Une des forces du film, c’est qu’il n’y a pas de bons ni de méchants. À certains moments, la méchante devient la bonne et vice-versa», explique Noémie O’Farrell.

«On est dans une ère de paradoxes, acceptons-le. On est encore dans le Far West des médias sociaux.» -Mélanie Charbonneau, réalisatrice

Mélanie Charbonneau

Alors qu’on vient de lui refuser un emploi parce qu’elle n’a pas un nombre de followers suffisant, Laurie rencontre par hasard la très populaire Clara, qui la prend sous son aile et en fait sa nouvelle «BFF» pour faire oublier sa rupture très médiatisée avec son douchebag de chum.

L’élève finira par surpasser le maître, se servant de sa popularité nouvelle pour faire sa place dans le monde des médias, quitte à apprendre quelques leçons d’intégrité au passage.

«On peut voir Laurie comme une opportuniste qui profite simplement de son amitié avec Clara et des médias sociaux pour s’autopromouvoir et atteindre ses buts. Moi, je l’ai toujours vue comme une fille qui a besoin du regard des autres, mais qui a aussi des choses à dire et qui va tenter par tous les moyens de se faire entendre. On a travaillé fort pour trouver toutes les nuances afin qu’on ne la condamne pas et qu’on s’identifie à elle», poursuit Noémie O’Farrell.

«Les deux femmes ont simplement un grand besoin d’être vues et de s’épanouir. C’est quelque chose à laquelle plusieurs personnes, toutes générations confondues, vont pouvoir s’identifier.»

L’importance de l’image

Bâti sous la forme de la comédie dramatique classique, Fabuleuses innove en présentant plusieurs scènes entièrement tournées téléphone à la main ou encore filmées à la façon d’une vidéo YouTube.

Une esthétique nouvelle qui permet d’immerger le spectateur, «comme dans un fil de stories Instagram», selon Mélanie Charbonneau.

«On a tiré notre inspiration de films des années 1990, comme Reality Bites, à l’époque où on expérimentait avec les premières caméras VHS», raconte la cinéaste, qui œuvre également en publicité et en télévision.

«Ces différents formats, c’est un bordel à gérer, mais je m’en suis servie comme moteur dramatique du film. C’est une nouvelle manière de raconter une histoire, une nouvelle narrativité. C’est un film qui parle de ce qui se passe sur nos écrans, mais on n’en voit pas tant. On comprend l’univers avant tout.»

Cet univers doit aussi beaucoup au travail des trois comédiennes, particulièrement Juliette Gosselin à qui les habits d’influenceuse (et les faux cils) vont comme un gant.

L’actrice, qu’on a également vue dans Embrasse-moi comme tu m’aimes et 1991, a travaillé fort pour donner à son personnage une allure et une prestance crédible. Elle l’a même dotée de sa propre phrase-signature, qui vient clore chacune de ses vidéos («Shine bright, diamond!»).

«J’avais envie qu’elle ait son propre champ lexical à elle, non emprunté aux autres», explique l’actrice de 28 ans.

«J’ai consommé énormément de vidéos YouTube et de stories Instagram pour observer. Les influenceuses sont tout le temps en train de se regarder, de se toucher, de se replacer les cheveux, alors elles ont des gestes très maniérés. Le cadre est fixe, alors elles comblent l’espace en bougeant les mains. Je voulais que ce soit crédible. C’est facile de tomber dans la satire, la caricature ou le sketch quand on fait un film sur un sujet comme celui-là. C’est le danger que je voulais éviter.»

Clara n’est pas un personnage unidimensionnel non plus. Au contact d’Elizabeth, elle va se questionner sur sa propre image et s’émanciper, allant jusqu’à se présenter sur un tapis rouge les aisselles bien poilues. Scandale!

Paradoxes

Car, au-delà de la quête des likes, Fabuleuses est avant tout un film sur la difficulté de concilier féminité et féminisme.

«On nous a appris à jouer à la fille parfaite, mais qui veut être ainsi? Est-ce qu’on est féministe même si on met sa beauté en évidence? On ne sait pas dans quelle case se mettre!» déplore Mélanie Charbonneau.

«On ne peut jamais vraiment échapper à son image. Mais on peut choisir l’image qu’on veut donner. Par contre, est-ce que c’est vraiment l’image que tu veux donner ou est-ce qu’on reprend les codes du patriarcat ?» se questionne Mounia Zahzam.

Plutôt que de proposer des réponses définitives, le film choisit de poser la question aux spectateurs (et spectatrices, évidemment!).

«Il n’y a pas une bonne façon d’être féministe, croit Juliette Gosselin. Laurie est très féministe dans son ambition qui la pousse tout au long du film. Et on peut reprocher plein de choses au personnage de Clara, mais c’est quand même une self-made woman qui a bâti un empire. Et Elizabeth n’est pas nécessairement LA bonne féministe, elle se moque de Clara lors de leur première rencontre.»

«Personne n’est exemplaire dans sa façon d’être féministe dans le film, mais il y a plein de pistes de réflexion. Il y a pas de réponses claires, mais simplement se poser des questions mène à un geste plus conscient que simplement publier une photo par pression sociale.»

Fabuleuses

À l’affiche le 23 août

 

 

 

 

 

 

 

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