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Immortaliser la crise du coronavirus grâce à l’art

Art pour immortaliser la crise
Photo: Collaboration spéciale Tammy Lacasse

Des pandémies, l’humanité en a connues d’autres. Mais pour la première fois, nous avons des outils technologiques à la maison pour documenter au jour le jour ce moment historique. Pourquoi ne pas le faire avec l’art? Diverses initiatives créatives ont spontanément vu le jour ces dernières semaines. Leurs objectifs: nous faire du bien et laisser des traces pour la postérité. En voici quatre.

Ça va, ça va

«J’étais traversée par toutes sortes d’émotions et je me suis rendue compte que c’était le cas de pas mal tout le monde», raconte Soraya Elbekkali, chargée de projet au Forum jeunesse de l’île de Montréal et instigatrice de la page Facebook Ça va tu?, où sont jumelés des témoignages audio à des illustrations.

Consciente qu’on vit tous cette situation différemment, la Montréalaise a voulu documenter comment les gens traversent cette période agitée. C’est pourquoi elle pose cette question toute simple: «Pis toi, ça va-tu?»

Le format audio permet une intimité sans pareil et les illustrations apportent une touche de couleur aux mots. «J’aime que deux personnes qui ne se connaissent pas traversent cette crise en créant ensemble à distance.»

Soraya Elbekkali se dit surprise par la diversité des mémos vocaux qu’elle reçoit. Certains prennent une forme éclatée, comme celui d’un couple qui chante du funk.

Si elle se dit fascinée par la possibilité de documenter un moment historique – «Quand est-ce que ça arrive dans la vie de se dire que tout le Québec, pour ne pas dire le monde entier, vibre sur la même chose?» –, elle est surtout heureuse de constater que son projet apaise ceux qui y participent. «Modestement, c’est ce que je voulais: faire du bien.»

Baume pour l’âme

Paradoxalement, l’isolement incite à se rassembler (virtuellement, bien sûr). C’est pourquoi le Centre Phi a créé la plateforme collaborative d’art numérique empreintesvivantes.phi.ca. Cette initiative est née dans l’urgence pour apporter du réconfort.

«L’art est important pour l’âme», souligne la responsable des communications du musée montréalais, Myriam Achard.

Jeudi, 45 phrases d’un cadavre exquis étaient publiées en ligne. Toutes abordent l’épidémie de coronavirus, certaines avec humour, d’autres avec poésie. Comme celle-ci: «Isolés sur nos îles désertes, réfugiés de l’intérieur, expatriés de nos vies. À quand le soleil?»

Les citoyens sont aussi invités à participer à Minute par minute, une œuvre d’art collective. Le Centre Phi a par ailleurs lancé une résidence artistique virtuelle nommée Lignes parallèles.

Cet élan de créativité pourrait éventuellement se traduire en exposition et être archivé. «C’est une fenêtre sur la période qu’on est en train de vivre», souligne Mme Achard.

«C’est une très bonne idée [de documenter son confinement]. Si les gens ne racontent pas leur quotidien, s’ils ne laissent pas des traces de ce qu’ils ont vécu, de ce qu’ils ont ressenti, de leur ordinaire et de leur extraordinaire, on ne pourra pas mesurer l’amplitude de cet événement.» Laurent Turcot, professeur d’histoire à l’UQTR

Devoir de mémoire

À Québec, le Musée de la civilisation a lancé un appel de témoignages sur sa plateforme uneheureaumusee.ca. Chaque semaine, les internautes sont invités à répondre à une question. La semaine dernière, on leur demandait: «Comment vivez-vous votre confinement?» Depuis mercredi, c’est : «Qu’est-ce qui vous manque le plus?»

«Lorsqu’on s’approchera de la fin du confinement – parce que ça s’arrêtera un jour! –, on documentera ce que ça aura changé dans la société. Parce que tout porte à croire qu’il y aura un avant et un après COVID-19.», révèle le directeur général du musée, Stéphan Laroche.

Selon lui, une institution à vocation sociale comme la sienne a le devoir de documenter le présent. «Il se passe quelque chose d’inédit et d’inouï en ce moment. On vit une page d’histoire», soutient-il.

D’où l’intérêt d’entreprendre cette démarche dès maintenant. «Ce n’est pas dans six mois ou dans un an qu’il faut le faire, parce que les gens auront déjà un peu oublié.» Une opinion partagée par l’historien Laurent Turcot, qui rappelle que «la mémoire est souvent un mauvais guide.»

Jusqu’à présent, des personnes de tous les âges et de tous les milieux se sont prêtées au jeu, assure-t-il. «On reçoit toutes sortes de choses absolument magnifiques!»

Album photo

Tammy Lacasse est photographe. Pour gagner sa vie, elle immortalise des moments précieux de vies de familles. Il allait donc de soi pour elle de documenter son confinement en images. Après avoir échangé avec quelques consœurs de sa communauté Instagram, elle a lancé le mot-clic #Documentersaquarantaine.

La photographe a ainsi voulu briser l’isolement tout en pérennisant notre présent pour le moins inhabituel. «Je pense à mes enfants qui ont six et huit ans. À quel point comprennent-ils ce qui se passe? De quoi vont-ils se souvenir de tout ça? Je veux pouvoir leur raconter par après», dit-elle.

Comme elle l’a mentionné sous une de ses publications récentes: «Les photos que l’on prend vont avoir une puissance historique et émotionnelle d’une immensité qu’on peut à peine imaginer».

C’est pourquoi il est important pour Tammy Lacasse de documenter aussi «ce qui est moins beau, mais qui fait partie de notre histoire», détaille-t-elle au bout du fil.

Ce qui est moins beau, c’est notamment l’angoisse et l’inquiétude. Des émotions qu’elle ressent elle-même ces jours-ci, notamment car son conjoint est médecin en milieu hospitalier. «C’est un peu émotif mon affaire!» lance-t-elle en riant.

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