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«Blood Quantum»: la lutte sanguinaire

«Blood Quantum»: la lutte sanguinaire
«Blood Quantum» Photo: Photo: Jan thijs

Premier film de zombies campé dans une réserve autochtone, Blood Quantum apporte beaucoup de sang neuf à cet univers riche en symboles.

Du sang, frais ou pas, Blood Quantum n’en manque pas.

Le deuxième long métrage de Jeff Barnaby (Rhymes For Young Ghouls) est campé dans la réserve fictive de Red Crow.

Après l’irruption d’un mal mystérieux qui frappe les Blancs, mais épargne les membres des Premières nations, la petite communauté mi’gmaq devient le refuge de survivants de toutes origines face à des hordes de zombies affamés de chair humaine.

Incarné par Michael Greyeyes (True Detective, Fear the Walking Dead), Traylor, le shérif de la réserve, tente de protéger son fils Joseph (Forrest Goodluck) et sa copine blanche (Olivia Scriven) dans ce monde post-apocalyptique.

À coup de sabre ou de souffleuse (!), la communauté prend tous les moyens pour repousser les envahisseurs.

Le film était déjà chargé de sens par sa façon de renverser les relations entre Blancs et autochtones, mais la pandémie de la COVID-19 éclaire d’une lumière nouvelle un autre thème sous-jacent du film: les épidémies meurtrières qui ont décimé les peuples autochtones depuis les premiers contacts avec les Européens.

«Partout dans les réserves d’Amérique du Nord, il y a des fans de film d’horreur, mais ils ne sont jamais représentés à l’écran.  Je suis fier qu’ils puissent voir mon film et s’y reconnaître.» Jeff Barnaby, réalisateur de Blood Quantum

«C’est presque un fantasme de vengeance, explique le réalisateur Jeff Barnaby, qui a grandi dans la communauté mi’gmaq de Listuguj, en Gaspésie, où une partie du film a été tourné. Dans le film, les membres des Premières nations sont en contrôle, puisqu’ils sont immunisés. C’est un revirement à 180 degrés avec l’époque coloniale, où les Français, les Anglais et les Espagnols ont amené le virus.»

«Il s’agit de déconstruire cette histoire, avec des gens qui se tirent dessus et se découpent à la tronçonneuse», propose-t-il, en riant.

Derrière ses habits de film d’horreur conventionnel et son humour pince-sans-rire, Blood Quantum est également une virulente critique du système colonialiste canadien.

«Avec l’arrivée des colons blancs, il y avait aussi la variole, qui, transmise volontairement ou non, a littéralement effacé des populations entières. C’est un impact du colonialisme dont on ne parle pas vraiment, mais qui a eu un effet très grand», rappelle le cinéaste, qui a été formé à l’Université Concordia.

«Ironiquement, ce que le coronavirus fait en ce moment, c’est montrer au grand jour l’avarice extrême du système capitaliste sur lequel la civilisation occidentale est bâtie, c’est-à-dire faire de l’argent sur le dos de ceux qui souffrent et qui meurent, comme ça s’est fait dans le passé.»

Deuxième degré

Les références aux luttes des nations autochtones sont aussi nombreuses dans Blood Quantum, qui est campé dans les années 1980.

«J’ai conçu le film en insérant des clins d’œil pour le public autochtone, mais en même temps, je n’ai jamais oublié qu’il y avait aussi un public plus large qui pourrait voir le film», indique Jeff Barnaby.

«Je pense que les Blancs et les autochtones vont voir le film différemment, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne vont pas l’apprécier autant. C’est un film divertissant qu’on peut regarder entre amis, mais qu’on peut aussi analyser pour comprendre sur les relations entre Blancs et autochtones.»

Par exemple, pour repousser les envahisseurs, les survivants de la pandémie érigent une barricade sur le pont qui les relie au monde extérieur.

En réalité, il s’agit du pont J.C. Van Horne qui lie la Gaspésie au Nouveau-Brunswick. Les Micmacs de Listuguj l’ont bloqué en 1981 après avoir vu les policiers de la Sûreté du Québec envahir leur communauté afin de faire respecter la législation sur la pêche au saumon. 

«C’est ma façon de rappeler cette histoire sans m’aliéner le public. Il s’agit plutôt de l’amener à s’intéresser à ces enjeux pour avoir une nouvelle perspective», soutient le réalisateur, qui était enfant lors des événements.

«C’est comme ça que l’art fonctionne. On capte l’attention des gens en montrant la beauté et la laideur de la condition humaine. Ultimement, on espère que ça provoquer chez le spectateur un effort pour comprendre un peu mieux son voisin et peut-être même devenir une meilleure personne».

Blood Quantum (Rouge Quantum, en version française) devait prendre l’affiche en salles le 27 mars dernier. Pandémie oblige, il est plutôt offert sur les plateformes de visionnement en ligne dès aujourd’hui.

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