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«Survivre à la prostitution»: s’en sortir et vouloir l’abolir

Donner la parole aux survivantes de la prostitution, telle était la volonté de l’autrice française Francine Sporenda en publiant son livre Survivre à la prostitution: Les voix qu’on ne veut pas entendre. Les femmes qui témoignent librement dans le livre sont des abolitionnistes sans équivoque.

C’est parce que le point de vue des personnes prostituées a été longtemps absent de la sphère publique que Francine Sporenda a voulu le mettre en lumière.

Selon l’universitaire retraitée, seules les prostituées «heureuses» sont médiatisées, car leur discours correspond à l’opinion dominante. Pourtant, cette vision est complètement opposée à celle des survivantes.

«Cet espèce de contraste absolu entre les représentations communes de la prostitution et ce qu’en disaient les femmes prostituées qui écrivaient des livres sur leurs expériences prostitutionnelles, ça m’a aussi incitée à vouloir en savoir davantage et à creuser le sujet», indique Francine Sporenda.

Elle a donc commencé à interviewer d’anciennes prostituées il y a plus d’une douzaine d’années. Au total, la journaliste compte près d’une trentaine d’entrevues, dont certaines ne sont pas retenues dans le livre.

«J’ai été absolument abasourdie par la violence qui m’a été révélée dans la parole de ces femmes», émet-elle.

Mme Sporenda donne l’exemple de la première femme prostituée avec qui elle a discuté. «Elle m’a montré sur son bras une longue cicatrice de 12 centimètres et elle m’a dit: c’est un client qui m’a attaquée au hachoir. C’était un homme parfaitement intégré, un professeur de lycée», raconte l’autrice.

Un problème masculin

À partir de tous les témoignages recueillis, Francine Sporenda fait un constat troublant: les clients sont des hommes «ordinaires» qui utilisent les prostituées pour se défouler.

«Ils paient pour se décharger de cette violence ou pour se sentir supérieurs en dégradant les personnes prostituées, par exemple, en les obligeant à franchir les limites qu’elles posent», explique-t-elle.

Pour Francine Sporenda, il est d’ailleurs temps de mettre les clients sous le feu des projecteurs.

«Ça a toujours été des hommes qui discouraient sur la prostitution, dit-elle. Ils ne parlaient que des femmes prostituées, mais jamais des clients. En laissant les clients dans l’ombre, ça permettait de laisser leur responsabilité dans l’ombre», précise-t-elle.

L’abolition, pas la décriminalisation

Les femmes citées dans le livre s’entendent pour dire que la prostitution n’est pas un choix puisqu’il y a toujours une contrainte, souvent financière.

«La prostitution existe à la croisée des privilèges masculins issus du patriarcat comme organisation sociale et du capitalisme comme système. Plus précisément sa croyance en l’argent et son pouvoir contractuel», explique d’ailleurs l’une d’elles, la militante féministe québécoise Valérie Tender.

Seulement 5% des prostituées défendent le choix et l’identité de «travailleuses du sexe», révèle Francine Sporenda. Elles sont essentiellement des femmes occidentales.

Pour vraiment protéger les femmes, la décriminalisation n’est pas la solution, pensent les survivantes interviewées. Un avis que partage l’autrice.

«Une femme a le droit de porter plainte lorsqu’elle est violée, harcelée ou battue. Or, tout ça fait partie de la prostitution. Une femme perd ces droits quand elle entre dans la prostitution», souligne-t-elle.

Mme Sporenda cite d’ailleurs le taux de mortalité élevé dans le monde de la prostitution: 459 pour 100 000, alors que le taux standard dans la population est de 5,9.

Survivre à la prostitution: Les voix qu’on ne veut pas entendre par Francine Sporenda est disponible en librairie depuis septembre.

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