Tony Allen, l’histoire sans fin
Tony Allen, batteur de légende, y travaillait quand il a disparu l’année dernière: voici There is no end, album iconoclaste et percutant, à l’image de son auteur, qui se frotte ici à des jeunes rappeurs.
«Quand il est parti, c’était très dur. Un mois après, sa maison de disque et son manager m’ont contacté: « vous aviez bien avancés, il faut respecter la volonté du maître et finir cet album »», raconte à l’AFP Vincent Taeger. Producteur-complice, il côtoyait depuis dix ans ce gourou de l’afrobeat et compagnon de route de Fela Kuti.
Alors qu’il s’apprêtait à fêter ses 80 ans, notamment avec un concert évènement au Royal Albert Hall de Londres, le batteur nigérian est décédé le 30 avril 2020 à 79 ans, en région parisienne, où il s’était installé.
Entre ses différentes collaborations — notamment avec Damon Albarn, que ce soit au sein de Gorillaz ou The Good, the Bad and the Queen — Tony Allen s’était à l’époque lancé dans un projet inattendu.
«Tony voulait faire un album de rap, il voulait des featurings de rappeurs, notamment des jeunes, garçons et filles, mais pas avec les mêmes codes que d’habitude», comme le résume Vincent Taeger, lui même ancien batteur du groupe français Poni Hoax.
«Groove, fête, danse»
«Tony a toujours aimé le hip-hop — avec Fela il y avait déjà le groove, la fête, la danse toute la nuit comme dans les premiers sound-systems du rap», explique à l’AFP Eric Trosset, qui fut manager d’Allen.
«Il avait déjà produit des beats avec Vincent depuis le printemps 2019 et terminé Cosmosis en mars 2020, seul titre d’ailleurs que Tony avait fini avec un rappeur», poursuit-il.
Cosmosis, déjà sorti en single, confronte la rythmique et le groove de Tony Allen aux timbres du rappeur anglais Skepta, d’origine nigériane, et du romancier nigérian Ben Okri.
C’est juste un échantillon, d’inspiration poétique et pas forcément représentatif de There is no end («Il n’y a pas de fin»), éclectique et efficace, qui sort ce vendredi (chez Blue Note).
Rich Black, avec le flow empesé de l’Américain Koreatown Oddity fait ainsi de gros clins d’oeil aux ambiances clubs, tandis que Très Magnifique dégage un petit parfum de Tom Waits, comme le dit Taeger, avec le grain de voix rocailleux de l’Américain Tsunami. Et c’est la Britannique Lava La Rue qui relève avec brio le défi du tempo-marathon imposé par Allen sur One Inna Million.
«Un passeur»
Etait-ce vertigineux de finir le travail sans l’architecte en chef ? «Je me suis dit au début, « merde Tony n’est plus là, ce sera très différent », car il voulait évidemment rencontrer les rappeurs aux quatre coins du globe pour les enregistrements», confie Vincent Taeger.
«Mais il me faisait confiance, il savait que j’avais le même langage que lui», souligne celui qui se fait appeler Tiger Tigre pour ses projets solo. Pour ne pas être tout seul face à certains choix, Taeger a fait appel à Vincent Taurelle, autre musicien-tête chercheuse, collaborateur d’Allen sur Film of life ou The source. «J’avais besoin d’une autre énergie et Tony aurait validé», développe Taeger.
«On a réussi à faire un album qui ressemble à Tony avec des featurings d’artistes hyper bons, pas tous connus (hormis Skepta, ndlr), qui vont être mis en avant, Tony c’était un passeur», se félicite encore Tiger Tigre. La Kényane Nah Eeto s’illustre ainsi sur Mau Mau.
Tony Allen voulait évidemment donner vie sur scène à cet album. Mission impossible ? «J’y ai réfléchi, lance Taeger. Il y a plein de grands batteurs, comme Quest Love (The Roots), Anderson .Paak (batteur et rappeur), ils le connaissaient, ils pourraient faire quelques concerts, pour montrer le style de Tony». «Pour financer tout ça, pourquoi pas lancer un crowdfunding (financement participatif) ?»