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«And Just Like That…»: un punch inattendu qui en dit long

Photo: HBO Max

Les aficionados de Sex and the City attendaient avec impatience And Just Like That…, la suite des aventures de Carrie, Charlotte et Miranda… sans Samantha. Dès le premier épisode, un revirement de situation majeur survient. On vous conseille d’interrompre votre lecture ici si vous ne voulez pas vous faire gâcher la surprise.

Coup de théâtre: M. Big meurt! La décision scénaristique de tuer le mari de Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker) est lourde de symbolisme, puisque sa relation tumultueuse avec la protagoniste au fil des six saisons et des deux films qui ont suivi a souvent été qualifiée de toxique.

L’humoriste et animatrice Tranna Wintour, qui se définit comme une «méga fan» de Sex and the City, a vécu des émotions contradictoires en visionnant la scène. «Je ressentais la peine de Carrie tout en reconnaissant à quel point cette relation était problématique», dit-elle

Une vieille amie de Carrie le souligne d’ailleurs lors des funérailles, au deuxième épisode, en déclarant: «Suis-je la seule à me rappeler à quel point il a agi en con avec elle?»

Une réplique drôle et nécessaire, aux yeux de Tranna Wintour. «J’ai commencé à regarder Sex and the City à 13 ans. Le show a normalisé le traitement de Big envers Carrie, au point où ça a affecté ma propre vie.»

La professeure à l’École des médias de l’UQAM Stéfany Boisvert est elle aussi ambivalente face au décès de M. Big, personnage qu’elle définit comme représentant de la «masculinité hégémonique».

Chose certaine, ce punch confirme un changement de ton dans la série. «Le choix de faire mourir M. Big dès le premier épisode démontre une volonté de répondre à plusieurs critiques adressées à la série originale», soutient-elle.

Carrie, Miranda et Charlotte en 2021

En effet, les célèbres héroïnes de Sex and the City sont confrontées à la réalité de 2021 dans And Just Like That… Par exemple, Carrie coanime maintenant un balado féministe avec une personne non binaire.

Autre scène évocatrice: de retour aux études, Miranda tente très maladroitement d’être une alliée de sa professeure noire. «Elle veut démontrer à quel point elle est woke, mais elle démontre plutôt à quel point elle est déconnectée et ignorante», remarque en riant Tranna Wintour.

Selon Stéfany Boisvert, cette scène «témoigne clairement d’une volonté d’actualiser les discours dans la série», notamment en répondant aux critiques sur le manque de diversité.

Dans la nouvelle mouture, il y a une volonté explicite de montrer une vision plus critique de la position privilégiée des personnages.

Stéfany Boisvert, professeure à l’École des médias de l’UQAM

«Il y a des moments où c’est un peu lourd, car on sent cette mission d’être plus inclusif, mais il y a de l’humour et de l’apprentissage dans tout ça», avance Tranna Wintour, qui a visionné deux fois plutôt qu’une les premiers épisodes dès leur sortie jeudi.

Fini le sexe à New York?

Un enjeu crucial demeure toutefois dans l’ombre, aux yeux de Stéfany Boisvert: la sexualité des protagonistes, qui était pourtant au cœur de la série originale.

«Sex and the City a bouleversé les normes sociales en abordant la sexualité des femmes de leur point de vue. Dans le revival, on en parle très peu, comme si les femmes après 50 ans n’avaient plus de vie sexuelle ni de désir», se désole-t-elle.

Si les prochains épisodes – qui sortent au compte-goutte sur la plateforme Crave – n’abordent toujours pas cet enjeu, il y aurait là un raté important, selon la spécialiste en études culturelles.

«Ça suggérerait qu’il y a encore un malaise à ce sujet, ce qui me semble un peu problématique et triste pour une série dont c’était le sujet central.»

En ce sens, le changement de nom de la série serait tout sauf anodin, ajoute-t-elle.

Et juste comme ça… sans Samantha

Impossible de passer à côté de l’absence de Samantha (Kim Cattrall) dans And Just Like That… Les scénaristes justifient d’emblée son absence en nous informant que le personnage vit désormais à Londres.

«C’était difficile d’imaginer le show sans elle, mais à la fin de deux premiers épisodes, on réalise que ça fonctionne, s’étonne Tranna Wintour. Je me sens un peu mal pour Kim Cattrall, parce qu’on ne sent même pas son absence; j’ai même de la difficulté à imaginer ce que serait la série avec elle.»

La coanimatrice du balado Chosen Family se réjouit par ailleurs des premiers épisodes de la série. «Je ne m’attendais pas à aimer ça aussi sincèrement. J’avais vraiment peur que cette suite soit comme les films, qui étaient tellement clichés.»

Ça fait tellement longtemps que Sex and the City n’avait pas été bon!

Tranna Wintour, humoriste et animatrice

Pour cette fan de la première heure, il y a là une rédemption. «J’avais toujours une petite gêne de partager mon grand amour pour cette série à cause des valeurs qu’elle véhiculait. Maintenant, tous les grands fans comme moi peuvent être fiers!»


Un essai pour aller plus loin

L’autrice et chroniqueuse India Desjardins décortique la relation problématique entre Carrie et M. Big dans son essai Mister Big ou la glorification des amours toxiques, paru au printemps dernier chez Québec Amérique. Elle y avance que ce cas de figure en fiction a grandement influencé nos perceptions des relations amoureuses et de la violence psychologique. L’écrivaine a dû décliner notre demande d’entrevue au sujet de And Just Like That… par manque de temps.

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