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Les paysages sonores de Trentemøller

Photo: Collaboration spéciale

Oliver Stone, Jacques Audiard et Pedro Almodóvar ont utilisé ses pièces dans leurs films. Les gars de Depeche Mode l’ont convié à ouvrir pour eux dans le cadre de leur dernière tournée en sol européen. Connu pour être toujours là où on ne l’attend pas, le musicien électro danois Anders Trentemøller nous revient avec un troisième album studio, Lost, sur lequel il joue avec les contrastes, tout en jouant avec une multitude de collaborateurs : Sune Rose Wagner des Raveonettes, Kazu Makino de Blonde Redhead… Nul doute, on parle ici d’un type heureux. Et apprécié.

À la sortie de son second album en 2010, Into the Great Wide Yonder, Anders Trentemøller avait fait face à la frustration de certains de ses premiers fidèles qui lui reprochaient d’avoir délaissé les sonorités plus technos de son offrande initiale, The Last Resort. Depuis, on sait qu’avec le compositeur de musique électronique, on ne peut jamais savoir à quoi s’attendre. Son troisième album studio, Lost, sur lequel il combine des pièces instrumentales et des chansons portées par la voix de collaborateurs renommés en est une nouvelle preuve. Au bout du fil, le charmant musicien danois nous parle de ce disque qui porte sa signature toujours changeante, jamais lassante, et avec lequel il risque encore d’élargir son bassin d’admirateurs de ce côté-ci de l’Atlantique.

Vous avez toujours adoré jouer avec les oppositions, entre le chaud et le froid, le blanc et le noir, les sons plus cliniques et plus chaleureux. Sur Lost, un album rempli de contrastes sonores infinis, vous semblez avoir poussé l’idée encore plus loin. Le sentez-vous aussi?
Peut-être bien… mais pour être honnête, ce n’est pas une chose à laquelle j’ai pensé pendant que je composais l’album! (Rires) C’est très représentatif de ma façon de travailler : très souvent, la musique m’entraîne quelque part où je n’avais même pas prévu aller.

Vous avez ouvert votre dernier album, Into the Great Wide Yonder, avec une pièce plus lourde, The Mash and the Fury. Cette fois, vous avez opté pour une entrée en matière drôlement plus douce avec The Dream, sur laquelle on entend le groupe Low… C’est toujours dans cette idée de contraste?
En fait, au départ, je voulais clore avec The Dream et commencer plutôt avec Hazed, qui est très sombre. Puis, je me suis rendu compte que j’avais déjà fait ça sur mon disque précédent, ouvrir avec un morceau lourd. Je me suis alors dit que ce serait bien d’inverser la chose, et de commencer avec une chanson calme qui pourrait monter en intensité, petit peu par petit peu. Et après ça, tout serait possible; je pourrais explorer plein de voies différentes!

Vous avez placé des chœurs sur deux morceaux, The Dream et Gravity, pour un effet transformateur. Qu’est-ce que les chœurs ajoutent à une chanson, d’après vous?
Pour moi, ils me permettent de lui donner un côté plus aérien. Sur Gravity, par exemple, mon passage préféré, c’est celui où Jana Hunter (du groupe Lower Dens) ne chante pas des paroles, mais livre plutôt une mélodie inspirante avec un glockenspiel à l’arrière.

Quand elle fait : «Oh! Oh! Oh! Oh! Oh!»?
Oui! Exactement! (Rires) J’ai ajouté ces chœurs à la chanson pour lui donner plus d’espoir. Lorsqu’une mélodie devient trop sombre et pesante, il arrive qu’elle se referme sur elle-même et n’aille nulle part. C’est un peu ennuyant. Je trouve ça bien d’avoir un peu de lumière au milieu de la noirceur.

Vous êtes un homme de défis! Sur ce disque, vous avez entraîné Sune Rose dans un univers complètement différent de celui auquel il nous a habitués avec les Raveonettes, et vous avez fait chanter l’inclassable Jonny, du groupe The Drums, dans un tout autre registre.
C’est vrai! Les gens qui connaissent les Raveonettes sont habitués à entendre un son plus indie, avec des guitares inspirées des Jesus and Mary Chain et des années 1960 et 1970. J’adore leur style, mais j’aurais trouvé ça ennuyeux de composer une chanson qui aurait simplement sonné comme les Raveonettes avec un beat de Tretemøller ajouté par-dessus. Je trouvais ça plus cool de faire un morceau clubby et d’envelopper la voix de Sune dans une couche électro aussi.

Je ne sais pas si c’est vrai, mais pour la pièce Come Undone, Kazu [la chanteuse de Blonde Redhead] aurait enregistré sa voix dans sa salle de bain, puisqu’elle ne se sentait pas bien?
Ah oui, je crois que ce sont mes propos qui ont été mal rapportés dans un récent article… Ce n’était pas dans sa salle de bain, mais plutôt dans son appartement. Kazu préparait sa démo, sur laquelle elle chantait des paroles bizarres. Certaines d’entre elles ne faisaient aucun sens, parce que c’étaient des mots qu’elle avait sortis juste comme ça, peut-être parce qu’elle avait la grippe, oui, ou peut-être parce qu’ils lui sont venus spontanément, de son coeur. Plus tard, elle est entrée dans un vrai studio pour enregistrer à nouveau sa voix, mais l’atmosphère était différente, quelque chose clochait. Elle n’était pas très heureuse du résultat. Finalement, nous avons décidé d’utiliser la première démo, même si la qualité est moyenne. Ça sonne vraiment lo-fi. Mais c’est ce qui fait son charme!

C’était donc, en quelque sorte, un heureux accident… Est-ce que vous travaillez bien dans ce type de situation? Lorsque l’inattendu arrive? Ou vous préférez lorsque tout se déroule selon vos plans?
Je suis définitivement un perfectionniste. Reste que, très souvent, lorsque des erreurs ou des imprévus surviennent, je trouve que ça entraîne du positif puisque ça nous permet de faire des choses auxquelles on n’aurait jamais pensé autrement. Je trouve que les petites erreurs permettent parfois d’ajouter de l’humanité à la musique.

trentemoller-(c)-Alastair-Philip-Wiper

Vous avez donné un désormais célèbre concert à Coachella, en 2011, qui a vraiment marqué l’explosion de votre carrière en Amérique du Nord. Est-ce que vous voyez encore ce spectacle comme un tournant?
Il y a assurément eu un «avant» et un «après» Coachella. On a réellement vu les répercussions de notre passage au festival quand on a ensuite joué dans les grandes villes nord-américaines. La plupart de ces concerts ont été donnés à guichets fermés! C’était une grande surprise pour moi!

J’imagine que vous allez répondre : «Trop génial!», mais… comment c’était d’ouvrir pour Depeche Mode cet été?
C’était fantastique! Et dément! Depeche Mode, c’est la trame sonore de mon adolescence! Déjà qu’ils me demandent de partager leur scène, je trouvais ça fou, mais prendre une bière et discuter de musique avec eux après les shows, c’était surréel. Quand Martin Gore m’a dit qu’il écoutait mes disques depuis un moment déjà, c’était comme si je m’étais soudain retrouvé au paradis!

Vous êtes un amoureux de cinéma. Vous avez déjà composé une trame sonore et votre musique a été utilisée par plusieurs grands réalisateurs, dont Jacques Audiard, dans De rouille et d’os. Est-ce qu’il y a une scène dans laquelle vous trouvez que votre musique a été particulièrement bien employée?
Sans contredit dans le film d’Almodóvar [La piel que habito]. Il a utilisé deux minutes complètes de mon travail dans la scène où Antonio Banderas file sur une moto. C’était un grand moment pour moi.

Vous avez joué dans plusieurs groupes, dont, paraît-il, un groupe de blues! Écoutez-vous toujours beaucoup ce style?
Je dois avouer que non, mais je suis encore influencé par les ambiances et le côté très mélancolique du blues. J’adore ces gars géniaux qu’étaient Muddy Waters, John Lee Hooker…

Il paraît qu’à cinq ans, vous tapiez déjà sur des pots et des casseroles. Aujourd’hui, alors que vous êtes un artiste établi, songez-vous souvent au petit garçon que vous étiez et qui rêvait de faire ce que vous faites aujourd’hui?
Assurément! En plus, avant que ma carrière ne décolle, j’ai travaillé pendant sept ans dans une maternelle. C’était bien pour moi! Ça m’a permis d’apprécier encore plus ce que je fais aujourd’hui. Pouvoir donner des concerts, lancer des disques… Je me sens chanceux!

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Copenhague dans son cœur

copenhagueAutant Trentemøller adore partir en tournée, autant il aime rentrer chez lui. Normal, il habite une super ville.

Pourquoi Trentemøller adore-t-il Copenhague? «Pour tellement de raisons!» Il y a d’abord le fait que tout le monde roule à vélo, tout le temps. «Il y a bien plus de bicyclettes que d’autos dans les rues», dit-il. Et puis, il y a la taille de la ville, «petite en comparaison d’autres grandes métropoles», ainsi que la chaleur – au sens figuré et non météorologique – qui y règne. «Tout le monde se connaît!» se réjouit-il. Ensuite, il y a l’absence de gratte-ciel. «On voit le ciel constamment.» Surtout, il y a la mer, tout près de son studio. Ainsi que la plage sur laquelle il fait bon se balader, été comme hiver. «C’est magnifique. Quand il fait beau, je vais nager entre deux séances d’enregistrement.» Finalement, il y a tous ces «groupes vraiment géniaux» qui viennent de là. Comme? «Comme Choir of Young Believers, Sleep Party People, le groupe de filles vraiment, vraiment cool, Giana Factory…» Vraiment, plein de raisons.

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Choir of Young Believers
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Sleep Party People
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Giana Factory
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Trentemøller
Lost
En magasin mardi
(Crédit portrait: Alastair Philip Wiper)

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