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Vie, mort et vie de Death From Above 1979

Photo: collaboration spéciale

Pendant longtemps, ils ont été «les deux types qui se honnissent». Désormais réunis, Jesse F. Keeler et Sebastien Grainger voient leur histoire racontée dans Life after Death from Above 1979, un documentaire réalisé par Eva Michon.

Duo noise-punk-rock marquant du début des années 2000, Death from Above 1979 a tourné avec Nine Inchs Nails, a ouvert pour Queens of the Stone Age et a joué sur le plateau de Conan O’Brien. Puis, dans une débâcle médiatisée, ses deux membres, le bassiste Jesse F. Keeler et le batteur Sebastien Grainger, se sont chicanés, ont dissous le groupe, en ont chacun créé un nouveau de leur côté, puis ont cessé de se parler pendant des années. Death from Above est momentanément mort.

Mais en 2011, Jesse et Seb se sont rabibochés et ont ressuscité la bête. En septembre dernier, soit une décennie après avoir lancé leur premier et jusqu’alors unique album, You’re A Woman, I’m A Machine, les deux musiciens de Toronto ont présenté leur deuxième offrande à vie, The Physical World.

Dans Life After Death from Above 1979, projeté mercredi soir au Centre Phi, la réalisatrice (et femme de Sebastien Grainger) Eva Michon raconte l’histoire chaotique de ces deux artistes, marquée par les disputes et les froids, certes, mais aussi par une amitié profonde. Elle revient sur l’expérience.

Eva, vous n’avez pas choisi Death From Above comme sujet de documentaire; ce sont plutôt eux qui vous ont choisie comme réalisatrice. Est-ce que ça change la façon dont on fait un film quand on est choisi par son sujet?
Hmm… Peut-être que les attentes sont différentes quand c’est quelqu’un qui nous demande [de faire un film sur lui]. Même si je les suivais et les filmais depuis longtemps et que j’avais pris des montagnes de photos d’eux, l’idée de faire un docu sur Seb et Jesse ne m’avait jamais traversé l’esprit. Mais quand ils me l’ont demandé, je me suis soudain sentie comme si je faisais ce film… pas pour eux, mais… en fait oui, peut-être plus pour eux que pour moi.

Pendant longtemps, les différends entre Jesse et Sebastien ont semblé éclipser leur musique. Encore aujourd’hui, quand on dit: «Death from Above», beaucoup de gens répondent: «Ah oui, les gars qui s’engueulent et qui se détestent?» Est-ce une des raisons pour lesquelles vous avez fait ce film? Pour expliquer une fois pour toutes leur séparation momentanée afin qu’on puisse se concentrer sur leur art?
Oui. Et c’est une des choses que les gars attendaient avec impatience: pouvoir dire, si [un journaliste] abordait ce sujet lors d’une entrevue: «Allez voir le film» plutôt que de répondre! Cela dit, je pense que cette séparation est un élément intéressant de leur histoire; je ne crois pas que beaucoup de [musiciens] prendraient la décision de mettre un terme à leur groupe juste avant de devenir vraiment connus.

«Seb et Jesse sont vraiment drôles. Ce sont des gars normaux. Ils ont un sens de l’humour, ils font des blagues. Ils ne se prennent pas trop au sérieux, donc je pense que c’était important que le film soit drôle aussi.» – Eva Michon, réalisatrice, au sujet des moments rigolos du film, notamment d’une discussion avec Gaspard Augé et Xavier de Rosnay, du duo électro français Justice

Vous habitez à L.A., mais vous avez grandi à Mississauga et étudié à Toronto. Dans ce film, vous faites plusieurs clins d’œil à la scène musicale torontoise. Vous interviewez Joshua Winstead de Metric, Jesse porte un t-shirt du groupe Stars… Est-ce que ce film était également pour vous une façon de rendre hommage aux musiciens de la Ville Reine?
Hmm… Je voulais parler de la scène musicale torontoise, mais de façon subtile. Ce film est le reflet d’un moment précis dans le temps, d’une époque particulière. Et j’ai fait bien attention de ne pas mettre quelqu’un devant la caméra pour rien. Il se trouve que tout le monde qui témoigne dit quelque chose de très intéressant au sujet d’un moment précis de l’histoire [de Jesse et Seb]. Ce ne sont pas des gens que j’ai mis là juste parce qu’ils sont célèbres. Ils étaient là; ils ont un point de vue.

Vous parlez «d’un moment précis dans le temps». Votre documentaire capture aussi la montée en popularité du mouvement EDM (electronic dance music). Ce mouvement a joué un grand rôle dans l’histoire du groupe, puisque, lorsqu’ils se sont séparés et que Jesse a créé le duo électro MSTRKRFT, il est devenu célèbre vraiment vite (alors que Sebastien est resté davantage dans l’ombre avec son projet solo). Trouviez-vous que c’était une partie importante de leur récit?
Absolument. Je crois que l’EDM a connu son apogée et que, désormais, les gens s’en éloignent, alors que le rock remonte. Montrer le début de ce mouvement m’a permis d’illustrer les cycles que suit la musique et de démontrer que ce qui est populaire arrive par vagues. Maintenant, quand je regarde ce moment où on parle d’EDM dans le film, je trouve ça drôle. C’était un style marquant pour bien des gens, mais la plupart s’en sont lassés et ne veulent plus en entendre parler.

Il parait que vous avez fait plusieurs versions du film au montage. À quel moment avez-vous su que vous teniez la bonne?
On a effectivement fait plusieurs versions, suivant différentes parties de l’histoire puisque, évidemment, quand on parle de la vie de quelqu’un, il y a plein d’éléments intéressants qu’on peut explorer. On a donc fait des versions qui parlaient plus de Sebastien et de sa vie personnelle, d’autres plus de Jesse et de sa vie privée à lui. Mais c’est lorsque je me suis concentrée sur leur amitié et sur la musique qu’ils font, ensemble, que j’ai senti qu’on tenait quelque chose.

C’est un film qui parle de musique, donc, mais surtout d’amitié. Que vouliez-vous dire sur ce sujet?
Je crois que le message sur l’amitié [que je voulais transmettre] c’est qu’elle change et qu’on peut traverser beaucoup de choses avec quelqu’un et ne pas savoir à quoi s’attendre, mais que, au final, les choses finissent toujours par se dérouler comme elles doivent se dérouler. Je crois aussi que si Seb et Jesse avaient continué à jouer ensemble même s’ils n’étaient plus amis, leur art n’aurait peut-être pas été aussi bon, ce qui aurait détérioré leur relation encore plus. Mais dans le fond, peut-être suis-je encore en train d’explorer et de chercher la réponse à cette question!

Life After Death From Above 1979
Au Centre Phi
Mercredi soir à 20h
Le visionnement sera suivi d’une discussion avec la réalisatrice Eva Michon, Jesse F. Keeler et Sebastien Grainger, animée par notre collaborateur chez Métro Michael-Oliver Harding.

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