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Bernard Adamus: après le blues

Photo: Yves Provencher/Métro

Sur Sorel Soviet So What, Bernard Adamus a «tradé les rues de Montréal pour les villes du Québec» et il les nomme «Toutes! Toutes!»: Gatineau, Joliette, Rouyn, «les tropiques de L’Esco» (L’Esco, c’est comme une ville en soi, non?). Il dit qu’il s’est senti plus joyeux, moins relaxe («Vraiment moins relaxe!»), qu’il a sorti son félin intérieur («Je l’ai sorti en tabarnak!»). Que ses musiciens et lui ont tripé. «On a eu du fun. On a beaucoup ri. On a bien travaillé, on a bien bu, on a bien joué. On a fait de notre mieux. On s’est trouvés pas pires. On est contents.»

Bernard Adamus le dit sans y aller par quatre chemins, même pas par deux : il n’avait plus envie «d’être le chansonnier». Plus envie de parquer sa tristesse sur Fulton Road. Plus envie.

C’est ainsi qu’il ouvre ce Sorel Soviet So What, son numéro trois, avec Le blues à GG, collage de textes signés Gérald Godin. On note tout de suite la filiation du grand Polono-Montréalais avec le regretté poète: la tournure de la langue, de ce «beau joual». L’idée de cette pièce? Elle lui a été inspirée, raconte-t-il, par deux étudiants vingtenaires («j’appelle ça des flos!») qui lui ont un jour apporté un recueil de Godin et demandé de «mettre en chanson un de ses poèmes». Après leur avoir dit: «Heille, les boys, on se calme, je fais pas ça!», il y est retourné, à ce recueil. Et il l’a composée, sa toune.

Dans un café, devant un verre d’eau, Adamus analyse, «c’est la vie, c’est la vie», son album dont il tient un exemplaire, le nôtre, entre ses mains. Sur ses chansons, il en tient aussi, des choses: «J’ai rien de plus sûr qu’une guit’ dins mains / une femme dins bras / Pis pour ma part, une p’tite toune qui passe par là», lance-t-il sur La part du diable. Une guit, une femme, une toune. Le trio rassurant. «Plus rassurant que ben d’autres affaires!»

Autre chose qui rassure: retrouver certains de ses collaborateurs. Benoit Paradis au trombone, Alexis Dumais au piano, qui se déchaîne sur l’intro de Cadeau de Grec, enjolivée par le râle de Bernard. Un Bernard qui dit «avoir donné plus de place à ses musiciens». «Beaucoup plus! Clairement! Clairement! Je voulais un band! Il fallait que ça y aille! Tout a explosé!»

«J’étais tanné des ballades, j’étais tanné du country, j’étais tanné de plein d’affaires que j’avais déjà faites. C’est encore une chronique de mes journées, de ce qui m’arrive dans la vie. C’est encore super personnel, mais c’est moins intime. Je chante plus fort, mais j’ai appris à fermer ma gueule sur certaines choses.»

Cette explosion qu’est Sorel Soviet, il l’a enregistrée avec sa «gang d’anglos du Mile-Ex, au Studio Breakglass» et le preneur de son «Dave» (lire Smith) «qui ne comprend pas un mot de français», mais qui a vraiment aimé ses chansons. («Un beau compliment», confie-t-il, les yeux brillants.) Il faut dire que si, pour cause de langue, certains plongent juste dans la musique, dans les textes de B. Adamus, d’autres reconnaissent leur vie. D’autres encore, celle qu’ils aimeraient avoir. La vie de ces gars qui «partent sur des shires», de ces filles qui se «rendent à la job en commando».

Sur cette nouvelle série d’histoires, de poèmes de l’existence, le continent revient à quelques reprises. Adamus se place «coin 42e et Broadway», puis «l’Amérique lui sourit» (contrairement au prix du gaz) sur Les étoiles du match. «L’Amérique… c’était une joke, mais c’est quand même vrai. J’suis privilégié. C’est pas Elton John, mon projet, mais ça marche!» Ni Bruce Springsteen. «Non plus! Pas besoin d’être Bruce! On est bien!»

Et s’il est bien, c’est notamment parce qu’il s’entoure de gens toujours vrais. Plus simple: «Je fais de la musique avec mes amis. C’est ÇA que je fais. Je ne fais pas des collaborations pour faire des collaborations, je ne fais pas des duos pour faire des duos, je n’invite pas les gars à faire une job dans le studio et merci bonsoir. Ce n’est pas un copier-coller, OK, vas-y, pèse sur play

Bernard Adamus

Ses textes non plus ne copient-collent pas. Les sonorités sont réfléchies, travaillées, décortiquées. Les Pall Mall et les jeans sales, la belle musique et les fish n’chips. «J’aime jouer avec le son des mots d’un couplet à l’autre. Faire des rimes en o, faire des rimes en ouain, faire des rimes en ut, faire des rimes en j’sais pas trop quoi. Je passe beaucoup de temps à faire en sorte que la phrase marche dans ma tête, qu’elle soit colorée, à mon goût. Je trouve ça ben important, le langage. Même si ça ne paraît pas.» Hein, quoi? Ça paraît! «Ça paraît? Bon.» Ça paraît que les mots ont macéré! «Ils ont beaucoup macéré.» Et dans cette macération, certains termes sont revenus. Comme les «dents d’requin» qu’il arbore quand il «pense à la fille de Rouyn» ou encore l’hiver qui les montre, ses crocs. Peut-être parce qu’Adamus dit avoir été affamé; avoir eu faim de le composer «et hâte de le faire, cet album-là».

Mais malgré la hâte, le trip, il reste des traces de triste. Entre autres sur Les étoiles du match, une pièce destinée à «être plus drôle». «Mais zoup, mon spleen intérieur a pris le dessus, commente le musicien. Ça finit mal. Très mal. Ça parle de trois personnes que j’ai beaucoup aimées… et qui m’ont laissé de quoi.»

Lui nous laisse notre album quand on part. «Prends-en soin, hein?» Promis.

https://youtu.be/zXvuPpOIn2U
Bernard AdamusSorel Soviet So What
Disponible le 25 septembre

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