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Revisiter les Pays d’en haut?

Photo: Bertrand Calmeau

Lundi, Radio-Canada présente son gros canon de la grille hivernale. Les pays d’en haut, une relecture moderne de l’œuvre de Claude-Henri Grignon, sera directement opposée aux Jeunes loups de TVA à 21h – une guerre ouverte pour les cotes d’écoute de la case prisée du lundi soir.

Après le visionnement des deux premiers épisodes, il faut reconnaître la qualité de la série. C’est beau, bien joué, bien écrit et très accrocheur. Le succès sera définitivement au rendez-vous malgré la féroce compétition de Réjean Tremblay sur l’autre chaîne. Cependant, je me demande encore pourquoi on offre tous ces moyens pour revenir à une histoire familière plutôt que de prendre un risque.

La mythologie du Sainte-Adèle de Grignon est familière. Il y a l’avare au cœur de pierre Séraphin, le bon Alexis, la courageuse Donalda et la misère du Québec fondateur. Radio-Canada, même en déliant les cordons de sa bourse, ne prend aucun risque avec cette production. C’est un succès assuré et le début certain d’une franchise populaire.
C’est un peu ça qui m’agace.

Il y a une certaine paresse chez nos décideurs en déroulant le tapis rouge devant cette énième visite au pays d’en haut. Qui plus est, le Séraphin de Pierre Lebeau est encore frais en mémoire et la capine de la série originale est encore visible lors des nombreuses rediffusions à la télé. On relance une franchise toujours vivante, un peu comme Star Wars, sauf qu’on remplace les vaisseaux spatiaux par des calèches.

Tout le talent mis à contribution pour faire revivre les pays d’en haut n’aurait-il pas pu faire vivre une toute nouvelle aventure, défricher sa propre terre pour emprunter le verbe de la série?

C’est tout ce que je demande au fond: une télé audacieuse, des risques calculés. Avec les mêmes acteurs, un western d’époque pourrait marcher. Pas besoin de jouer la carte de la nostalgie et inciter les gens à venir voir la «nouvelle» Donalda. Surtout qu’aujourd’hui, l’internet est une béquille à la mémoire, les gens n’oublient plus les images de leur jeunesse, elles revivent continuellement.

Critiquer le travail des créateurs de la série serait malhonnête parce qu’au fond, ils répondent à une demande. Que ce soit celle du diffuseur ou du public, ils ont aligné la création sur la demande et les deux se rendent service. Le créateur peut passer sa vision du Québec fondateur avec des personnages familiers, le diffuseur peut renflouer les coffres avec une valeur sûre, et le public retrouve ses vieilles pantoufles tout en ayant l’impression de vivre quelque chose de nouveau dans le confort de son salon.

Tout le monde y gagne, sauf que le train du curé Labelle ne quitte jamais la gare. On fait du surplace en s’alourdissant de nos vieilles histoires, qu’elles soient des pays d’en haut ou d’ailleurs.

La solution est simple: il faut oser. Oser dans notre télé, oser dans la vie, prendre des risques, accepter l’échec et se laisser surprendre par les succès.

Bref, bâtir sa culture comme on bâtirait un pays, un peuple.

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