Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, gentleman humoriste
C’est avec ses souliers en cuir vernis et sa veste queue-de-pie que Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques est arrivé sur la scène recouverte de roses du Gesù, jeudi soir, pour la première médiatique de son nouveau one-man-show. Intitulé Enfant du siècle, référence au livre du poète Alfred de Musset, le spectacle nous immerge immédiatement dans l’univers intellectuel et décalé de l’humoriste.
Citer le philosophe Blaise Pascal d’entrée de jeu, c’est un terrain aride sur lequel peu de gens oseraient s’aventurer. Mais Philippe-Audrey peut commencer son spectacle en disant que le divertissement est fait pour «échapper à sa condition humaine lamentable» et susciter l’hilarité de son public.
C’est que, comme il le rappelle lui-même, il est né de parents historiens de l’art qui ont contribué à faire de lui un être plus intello qu’émotif. S’il sait faire des références à Star Académie, L’heure JMP ou Garou, son enfance a plus été imprégnée des cathédrales européennes et des musées d’histoire juive que de la culture pop.
Déso, Kevin
«Pour moi, Michelangelo, Leonardo, Raphaël et Donatello, c’étaient pas des tortues ninja, c’étaient des peintres de la Renaissance», illustre celui qui, vous l’aurez deviné, n’était pas le plus populaire de la cour d’école.
C’est là-dedans que Philippe-Audrey excelle: cette façon de se placer en opposition avec la vaste majorité du monde, l’humoriste reconnaissant que ses champs d’intérêt font de lui quelqu’un de brillant, certes, mais parfois un peu loser aux yeux d’une plèbe qu’il observe avec un abus de commentaires élitistes parfaitement assumés.
«Y a-t-il des Kevin dans la salle?», s’interroge-t-il. Devant l’absence de réponse, il lâche, soulagé, un senti «ouf, on est entre gens éduqués!».
Tout au long du spectacle, l’humoriste dessine le portrait de son antithèse. Kevin, c’est le gars qui est allé à l’université de la vie, cet homme de peu de mots qui passe ses journées à la marina à faire de la motomarine.
Mais cet humour bourgeois passe très bien, comme la cible préférée de Philippe-Audrey, c’est Philippe-Audrey, pas les gens moins intellectuels que lui. «J’ai la poésie comme moyen de contraception», lance-t-il, entre autres invectives adressées à lui-même.
Il faut dire que l’humoriste y va d’un aveu qui explique bien des choses: il a découvert qu’il a la douance. «Fallait que je tombe sur la seule condition qui ne génère aucune compassion», se désole-t-il.
Là où ses blagues percutent un peu moins, c’est quand il fait des observations sur le quotidien. Les segments restent amusants, mais le style a été si bien maîtrisé par plusieurs (pensons à Jerry Seinfeld) que Philippe-Audrey est davantage gagnant quand il reste dans sa voie. Reste qu’on rigole quand il parle des Jeux olympiques d’hiver, d’unicycle, de pénurie de papier de toilette, de cocaïne ou de la colère dans la voix de Paul Arcand.
Mais même durant ces passages, l’humoriste conserve sa verve particulière. Enfant du siècle est un texte étoffé, difficile à livrer, que Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques fait défiler à toute vitesse. Il reste en parfait contrôle, qu’il imite un bum poudré de Valleyfield ou un serveur crinqué dans un palace parisien.
Enfant du siècle
Au Gesù jusqu’au 18 mars, puis en tournée
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