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Opinion – Deux jeux qui m’ont aidé avec ma santé mentale cet été

Et puis, comment se passe votre sortie de pandémie?

Si vous êtes comme plusieurs d’entre nous, moi y compris, c’est plus difficile que prévu.

Je ne veux pas m’épancher sur mes états d’âmes, surtout que ce n’est pas mon habitude sur ce site, mais entre la fin d’une longue relation et des aptitudes sociales rouillées dans un monde réouvert (mais pas vraiment), j’ai consacré cet été à prendre soin de ma santé mentale.

Et curieusement, les jeux vidéo m’ont aidé dans ce processus. Oui, c’est possible de se servir des jeux vidéo pour faire de l’évitement, une façon d’endormir la douleur et de se couper du monde.

Mais les jeux vidéo représentent un médium qui mature. Deux jeux en particulier, par leur écriture sensible, m’ont aidé dans cette quête d’une meilleure santé mentale.

Et de façon intéressante, ces deux jeux sont aux antipodes : d’un côté, Boyfriend Dungeon, un petit jeu indie au concept très niché, et de l’autre, Ratchet and Clank: Rift Apart, une méga-production AAA surtout créée pour épater visuellement grâce aux capacités des nouvelles consoles.

Boyfriend Dungeon : le monde terrifiant de la séduction

Boyfriend Dungeon était une de mes sorties les plus attendues de l’année. J’ai croisé ce jeu du studio montréalais Kitfox Games dans tous les événements auxquels j’ai assisté depuis que j’écris sur les jeux vidéo, de petits événements locaux à (feu) l’E3.

Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec le titre, il s’agit d’un mélange étonnant de dungeon-crawler et de dating sim. Vous débarquez à Verona Beach, où plusieurs personnes (et un chat) ont la capacité de se transformer en armes blanches. Vous devez séduire ces armes-personnes, débloquant ainsi de nouvelles aptitudes pour votre exploration des donjons.

J’en savais assez sur le jeu pour savoir qu’il aurait des sensibilités quant à la santé mentale et les questions LGBTQIA2S+. Mais je ne m’attendais pas à ce que Boyfriend Dungeon me rejoigne autant, d’autant plus que le jeu cible avant les femmes hétérosexuelles que les personnes gaies et queer, et que je suis un homme cisgenre et hétérosexuel.

Mais il semble qu’il soit débarqué au bon moment.

Le jeu de la séduction

Ça doit être l’émotion, mais je vais vous confier des affaires dont je ne parle pas à ma mère.

Après sept ans de relation avec la même personne, je me suis retrouvé célibataire en pleine pandémie. Un nouveau monde un peu effrayant, d’une part parce que je suis timide et pas nécessairement un séducteur né, mais aussi parce que la dernière fois que j’ai été célibataire, Tinder n’existait pas.

Un changement de paradigme, donc.

Je me suis donc identifié au personnage principal de Boyfriend Dungeon (je vais utiliser le pronom « il » parce que j’ai choisi d’incarner un homme, mais vous choisissez l’identité de genre de votre personnage). Il vient d’arriver à Verona Beach, hébergé par son cousin qui compte lui présenter de nouvelles personnes.

Boyfriend Dungeon Feels Like Just the Tip
Fuck you too, Vincent.

En effet, votre personnage n’a pas beaucoup d’expérience de dating, et il ne sait pas vraiment comment s’y prendre. Mais rapidement, les rencontres s’enchaînent, et vous prenez confiance.

Contrairement à beaucoup de jeux de ce genre, où votre personnage est mystérieusement irrésistible, tout n’est pas simple.

Des fois, vous allez sur une date, et le courant ne passe tout simplement pas. Et vous réalisez que ce n’est pas plus grave que ça.

Attention : le paragraphe suivant contient un petit spoiler, surlignez si vous ça ne vous dérange pas : Il y a même un personnage que vous fréquentez pendant un moment, pour vous rendre compte que votre relation ne fonctionnera pas, et vous décidez de rester amis.

Et chacune des personnes que vous fréquentez a ses propres angoisses, problèmes, et vous vous rendez compte que tout le monde est vulnérable quand vient le temps de dater, pas simplement vous.

Ce sont évidemment des choses que je savais déjà, mais ça fait du bien d’en faire l’expérience dans un contexte sécuritaire, à un moment où je réaffronte le célibat.

Mais ce n’est pas la seule façon dont Boyfriend Dungeon m’a fait du bien.

Faire face à ses peurs

Les fameux donjons que vous explorez avec vos armes sont en fait une représentation physique de vos peurs.

Je ne vous dévoilerai pas quelles sont les peurs ainsi illustrées, question de vous laisser le plaisir de découvrir le jeu par vous-même, mais il reste qu’encore une fois, le jeu m’a amené à réfléchir : est-ce que je partage les mêmes peurs que mon personnage? Quelles sont les peurs que je n’ose pas m’avouer à moi-même?

On est bien loin des jeux de mon enfance, qui me demandaient surtout de choisir entre garder Yoshi ou atteindre cette plateforme inaccessible autrement (même si j’adore Mario, qu’on se comprenne bien!)

Back that cat! Boyfriend Dungeon is live on Kickstarter - Digitally  Downloaded

Boyfriend Dungeon m’a poussé à regarder à l’intérieur de moi-même, d’une façon qui aurait rendu ma psychologue bien fière.

Mais la différence, c’est qu’un psy coûte 100 $ de l’heure, alors que Boyfriend Dungeon est inclus avec Game Pass.

Ratchet and Clank: Rift Apart, des petites bêtes anxieuses

Là où je ne m’attendais pas à trouver une réflexion sur la santé mentale, par contre, c’est bien dans Ratchet and Clank.

Sixième épisode principal de cette série phare, Ratchet and Clank est en apparence un jeu de plateforme destiné aux enfants. Et ce n’est pas faux. On a l’impression de regarder un film de Pixar en jouant à ce titre magnifique.

Mais les auteurs ont ajouté une dimension psychologique étonnante à leurs personnages. Chacun doit faire face à une certaine forme d’anxiété ou à de problèmes psychologiques.

Dans ce titre, Clank prépare une surprise à son meilleur ami : il répare le Dimensionator, un fusil qui a le pouvoir d’ouvrir des brèches entre les dimensions. Le but? Permettre à Ratchet de retrouver les Lombax, son peuple.

Or, Ratchet a peur de ne pas être à la hauteur. Il a beau être un héros croulant sous les accomplissements, il a le syndrôme de l’imposteur. Il a peur de décevoir.

Clank, quant à lui, envie à Ratchet son sens de l’action. Clank est brillant. Mais cette intelligence vient au prix d’une plus grande anxiété; il s’imagine toujours le pire, plutôt que de simplement agir comme son meilleur ami. Au fil de son aventure, il apprend à se faire davantage confiance, mais aussi à accepter son anxiété comme une partie de lui-même.

Rivet, une Lombax venue d’une autre dimension, à quant à elle de la difficulté à faire confiance, et à laisser aller la colère qui l’habite.

Elle rencontre éventuellement Kit, un petit robot rongé par la culpabilité qui a peur d’être une mauvaise personne au fond d’elle-même.

Ratchet and Clank: Rift Apart's Kit is a True Homage to the First Game

J’aimerais vous dire à quel personnage je me suis le plus identifié, mais la vérité, c’est que le parcours de chacun d’entre eux m’a inspiré. Étant aux prises avec des troubles anxieux depuis de nombreuses années, j’ai ressenti chacune des choses vécues par ce quatuor de protagonistes (sauf qu’au lieu d’avoir peur d’être rejeté par les Lombax, j’ai eu peur d’être rejeté par des nouveaux collègues, ou de nouveaux groupes d’amis).

En plus, l’écriture de Ratchet and Clank est brillante. Les messages sont là, mais ils ne sont présentés de façon subtile; on ne vous rentre pas de morale au travers de la gorge.

Dans un univers où des animaux anthropomorphiques sont amis avec des robots dotés d’une conscience, les épreuves auxquelles nos protagonistes font face sont réalistes et on s’y identifie facilement.

Des jeux plus matures

C’est rassurant de voir de plus en plus de jeux oser traiter de ces questions qui nous concernent tous, y compris la santé mentale. On voit que le jeu vidéo est un art qui prend de la maturité, et c’est beau à voir.

On s’est longtemps posé la question : les jeux vidéo peuvent-ils être des œuvres d’art? Eh bien, si l’art se définit par la capacité d’une œuvre à nous émouvoir et à nous faire réfléchir à la condition humaine, il semblerait qu’ils réussissent l’épreuve haut la main.

Un texte de Pier-Luc Ouellet de Jeux.ca

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